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Décapitalisation, Egalim, crise des abattoirs, tensions avec la GMS, Jean-Paul Bigard s’explique face aux députés

Le président-directeur général du Groupe Bigard a répondu pendant 2hoo aux questions des députés sur la souveraineté alimentaire, les causes de la crise de l’élevage et a alerté sur les fragilités de la filière bovine, avec un discours assez dur vis-à-vis d’Egalim, plein de manquements selon lui et révélant l’étendue des tensions avec la grande distribution. 

Audition du pdg du groupe Bigard sur les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France
Le PDG du groupe Bigard a été auditionné sur les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France
© Capture d'écran de la retransmission

Le président-directeur général du groupe Bigard était convoqué ce jeudi 30 mai par la commission d’enquête visant à établir les raisons de la perte de souveraineté alimentaire de la France. Au cours des deux heures d’audition, Jean-Paul Bigard a évoqué le rôle de son entreprise au sein des filières bovines, porcines et ovines et sa perception de la loi Egalim.

Lire aussi : Agneau : Bigard reprend l'abattoir Sodem du Vigeant 

Est-ce que Bigard est responsable de la décapitalisation ?

C’est somme toute la question qu’a posé le député Rémy Rebeyrotte de Saône-et-Loire évoquant une position « sinon monopolistique mais quasi monopolistique ». Une accusation balayée par le PDG « Je n’ai jamais utilisé notre poids pour écraser l’amont mais pour valoriser les produits finis. J’ai optimisé, peut-être plus que d’autres, l’équilibre carcasse, nous avons su construire un système qui n’est pas préjudiciable pour nos concurrents ». 

Lire aussi : Viande : Non, les Français n’en mangent pas « moins mais mieux »

Jean-Paul Bigard cite l’exemple de l’outil de Cuiseaux, agrandi et « un des plus performants de France », qui n’a « pas empêché l’outil concurrent voisin, à Bourg-en-Bresse, de doubler de taille ». 

« Je n’ai jamais utilisé notre poids pour écraser l’amont mais pour valoriser les produits finis »

Egalim, « une usine à gaz »

Encouragé à exprimer ses sentiments lorsqu’il a entendu pour la première fois le contenu de la loi Egalim, le PDG ne mâche pas ses mots. « Cette loi néglige le mécanisme de l’offre et de la demande, mais aussi la variété de l’offre, avec une échelle de prix de 1 à 3 sur des bovins (…). J’ai pensé, encore une usine à gaz, je ne sais pas comment on va la régler. Effectivement ça a été un grand plaisir quand on passe à l’applicatif, la version 1, la 2, la 3 peut-être bientôt la 4 ». 

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La GMS passe à travers Egalim avec ses MDD

« Un foutoir incroyable avec les distributeurs », : « On ne peut pas laisser un bazar pareil fonctionner », le PDG de Bigard clame haut et fort son insatisfaction face à la loi Egalim. « Pourquoi et comment faire cohabiter des productions intégrées, dépendantes d’Egalim et des productions qui passent à travers. Pourquoi Charal, Bigard et Socopa ont leur production soumise à un arsenal de règles et contraintes et des produits sans marque, faits pour les distributeurs, relèvent d’appels d’offres tous les 3 mois, sans contraintes. En steak haché, c’est 60 à 70 % des volumes ! »

« Un foutoir incroyable avec les distributeurs »

Il dénonce le calcul des marges de la GMS, qui « applique un coefficient a minima pour ses marges sur la MDD mais pour la marque nationale, 30 ou 40 % supérieur ». Exemple à l’appui, sur un kilo de haché qui coûte 10 € à produire par l’abattoir, sera vendu à la GMS 11 € pour de la MDD, où il se verra appliquer un coefficient de 1,3. A contrario, un produit Charal, un peu plus coûteux, donc vendu à la GMS 12 €, sera margé avec un coefficient de 1,8 ou 2. « A l’arrivée pour un écart de prix de vente de 1 €, vous savez une différence énorme pour le consommateur et personne ne parle de ça ! Soyez très attentif à cette remarque, la MDD se développe, c’est le principe d’un appel d’offre le prix le bas l’emporte, certains en perdront la vie » alerte le PDG, rappelant que deux distributeurs ont des outils de production de viande. « Je me bats très fort, je fais partie des rares industriels qui ont suspendu les livraisons à des distributeurs qui ne voulaient pas payer les prix » répète-t-il.

« Je fais partie des rares industriels qui ont suspendu les livraisons à des distributeurs qui ne voulaient pas payer les prix » 

Pourquoi la contractualisation est-elle à la peine en bovins ?

« Contractualiser entre 15 et 20 % sur une structure comme la nôtre c’est un véritable exploit, sachant que tout un tas d’éleveurs ne veut pas en entendre parler, que les marchands de bestiaux n’y sont pas soumis » répond le PDG à des députés qui peinent visiblement à concevoir pourquoi les éleveurs sont réticents à la contractualisation. Jean-Paul Bigard estime que sur 23 000 bovins par semaine, 3 à 4000 font l’objet de contrats, essentiellement des jeunes bovins.

Bigard a-t-il été sanctionné pour non-respect d’Egalim ?

« Pas la peine de prendre un bouc émissaire pour montrer à la population qu’on fait respecter les règles »

Aux questions insistantes de la Commission pour savoir si Bigard avait été sanctionné pour non-respect d’Egalim, le groupe ayant fait l’objet du « name and shame » pratiqué par le gouvernement, Jean-Paul Bigard ne s’est pas privé de répondre. Évoquant une « drôle d’affaire, ça bouillonnait partout … », il relate que les contrôles réalisés auraient certes trouvé des anomalies, mais depuis « lettre morte. Pas la peine de prendre un bouc émissaire pour montrer à la population qu’on fait respecter les règles »

L’intégration de la filière, une voie pour enrayer la baisse

« La baisse de production est irréversible, on essaie de la stabiliser en finançant aujourd’hui une sorte d’intégration.  »

« La baisse de production est irréversible, on essaie de la stabiliser en finançant aujourd’hui une sorte d’intégration. L’intégration est quasi généralisée dans le veau, elle a fortement démarré dans le bovin, le porc c’est un univers qui reste à part » évoque Jean-Paul Bigard, dénonçant par ailleurs « un problème de fond entre les éleveurs individuels et leur appartenance à des groupements, des coopératives, qui devient de plus en plus difficile à gérer »

Pourquoi Bigard ne publie pas ses comptes ?

C’est cette fois Grégoire de Fournas, rapporteur de la commission d'enquête, qui posait la question, rappelant que Bigard ne publie plus ses comptes comme la loi l’exige depuis 2017.

« Lorsque vous publiez des comptes, quand vous allez en négos vous trouvez votre bilan sur le bord de la table. »

 « Lorsque vous publiez des comptes, quand vous allez en négos vous trouvez votre bilan sur le bord de la table. Ça devient infernal ! » s’insurge Jean-Paul Bigard, ne refusant pas de donner ses bilans à la commission « tant que ça ne se trouve pas en première page »

Qu’est ce qui fait un bon abattoir ?

Jean-Paul Bigard a donné ses clés sur la question d’un bon abattoir. Ce n’est pas sa taille, évoquant « des petits abattoirs sur lesquels on traite 50 100 ou 200 bovins avec un super fonds de commerce où on livre chez les bouchers » à l’inverse « un gros outil industriel de 2000 bovins, quand il gagne de l’argent, il en gagne, mais quand il en perd, il perd des fortunes » Pour lui, tout dépend de la qualité de l’outil, de son fonds de commerce, et des personnes qui gèrent. « Quand on réunit le bon triptyque, il n’y a pas de problème ». Le PDG se montre très circonspect vis-à-vis du plan abattoir. « Dans de nombreux cas, ce qui crient les plus forts ne sont pas ceux qui financent les rénovations d’abattoirs » explique celui qui se targue de ne jamais recourir à l’argent public. 

Lire aussi : Viande : Où sont les abattoirs menacés de fermeture en France, et pourquoi ?

Le groupe Bigard est « peu endetté »

 « Tout cela sans le moindre centime d’argent public. Aucun accompagnement.  » 

« Nous avons investis plus de 100 millions dans un abattoir porc qui se situe à Evron, pour en faire un outil totalement automatisé (…) et nous sommes en train de réaliser un investissement qui va être en 60 et 70 millions d’€ a minima, à Villefranche d’Allier, où il n’y aura que du bœuf », il cite aussi un troisième investissement majeur sur Charal, la rénovation de l’outil de Cholet. « Tout cela sans le moindre centime d’argent public. Aucun accompagnement. Nous avons été aidés lorsque nous étions tout petits au démarrage (…) très rapidement les contraintes s’avérant très difficiles, les exigences en terme de regard sur les distributions de dividendes… on a investi l’argent que nous avons gagné, évidemment avec des concours bancaire mais le groupe est aujourd’hui peu endetté ».

 « En France, on ferme des tribunaux, des hôpitaux, des gares, jamais d’abattoirs … il y a 25 ou 30 % de bovins en moins… »

Faut-il vraiment sauver tous les abattoirs ?

Cash, Jean-Paul Bigard interpelle, « en France, on ferme des tribunaux, des hôpitaux, des gares, jamais d’abattoirs … il y a 25 ou 30 % de bovins en moins… », dénonçant l’état de certains outils financés par des communautés de communes. « Moi, je ne fais pas porter aux finances publiques le coût de fonctionnement d’un abattoir », persifle-t-il, dénonçant aussi « Les conditions qui nous sont imposées, et que nous nous imposons au plan bactériologique sont drastiques (…) et c’est un peu deux poids deux mesures au niveau de certains outils ». 

« Il se perd plus de bouchers que d’abattoirs »

L’audition s’est conclue par un message en forme d’alerte aux députés. « Je suis très inquiet sur le développement de la filière bovine particulièrement en Saône et Loire et tous les pays de viande, il y a une énorme technicité dans le travail de la viande bovine. Le steak haché prend de plus en plus de muscle difficile à revaloriser par ailleurs, mais il y a un professionnalisme pour le travail de la viande en train de se perdre, il se perd plus de bouchers que d’abattoirs. Sans steak haché et sans bouchers professionnels, la filière bovine va se retrouver en assez grande difficulté ». 

Que pèse le groupe Bigard dans la filière viande française ?

Selon les chiffres délivrés par son président-directeur général, le groupe Bigard, c’est 6 milliards d’euros de chiffre d’affaires, une cinquantaine d’outils industriels et 15 000 personnes employées en France pour un million de tonnes de viande produit chaque année. Sur le total des abattages français, la part des animaux abattus par Bigard s’élève à

  • 38,5 % en viande bovine
  • 22,4 % en viande porcine
  • 19,5 % en veau
  • 20,7 % en ovins

En parallèle, le groupe fabrique des élaborés (haché surgelé, saucisserie…) à raison de 3 800 à 4 000 tonnes par semaine, voire 4 300 tonnes l’été. 15 % du chiffre d’affaires est effectué à l’export, pour la très grande partie de la viande bovine et du porc. 

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