Comment les sucriers se sont préparés à l’après-quota
Les trois principaux industriels du sucre français résultent de regroupements relativement récents. Tereos, aujourd’hui numéro un français de la betterave, est un groupe coopératif constitué en 2003. Cristal Union, numéro 2 français, est aussi un groupe coopératif, né en 2000. Enfin, Saint Louis Sucre a été racheté en 2001 par l’Allemand Südzucker, numéro un européen.
En septembre 2015, le Conseil général de l’Alimentation, de l’Agriculture et des Espaces ruraux (CGAAER) a présenté les ambitions de la filière française du sucre pour l’ère de l’après-quota. Les deux principaux acteurs français avaient pris le parti d’augmenter leurs productions de sucre de betterave, tout comme les acteurs allemands, et de se projeter à l’export, tandis que la betterave semblait vouée au déclin à l’écart des grands bassins betteraviers, en Grèce, en Finlande, en Hongrie, etc., et dans une grande partie de l’Italie. Le CGAAER a désigné les concurrents des Français : British Sugar, le Néerlandais Royal Cosun et Südzucker.
Bataille pour la betterave
Premiers objectifs poursuivis ces dernières années : les volumes et la performance agro-industrielle. Il s’agit d’abord pour les industriels de faire cultiver de la betterave dans un rayon d’une trentaine de kilomètres des usines, et d’allonger la saison d’activité de 120 à 130 jours, voire davantage. L’extension des surfaces plantées s’est faite en partie par le recrutement de nouveaux planteurs. Elle a nécessité d’établir des contrats motivants. Tereos a ainsi gagné 20 % de cultures, Cristal Union 30 %. Saint Louis Sucre, se sentant lésé, a saisi l’Autorité de la concurrence, qui en juillet dernier a contraint Tereos à « déverrouiller des contrats d’approvisionnement de très longue durée ».
Lourds investissements
Les industriels ont consenti de très lourds investissements – par centaines de millions d’euros – pour réduire la facture énergétique et moderniser les usines. Très dernièrement, Cristal Union a inauguré l’installation d’un poste de détente de gaz avec le fournisseur nordiste d’énergie Sicae pour alimenter sa sucrerie de Sainte-Émilie (Somme) en cours de modernisation (elle passe du fioul au gaz). Enfin, chacun a étendu ses réseaux commerciaux dans les pays voisins.
Tereos a misé sur l’internationalisation et la diversification (amidon, fécule, bioéthanol, électricité à partir de bagasses de canne). Le groupe est présent au Brésil, en Chine, en Indonésie… Il est implanté dans seize pays, dont treize industriellement. C’est un gros opérateur du sucre de canne. Il a fondé Tereos Internacional en 2010, puis Tereos Commodities en 2014. Du côté européen, il a pris des participations en Espagne avec Acor en 2008 et racheté le négociant britannique Napier Brown en 2015. Enfin, Tereos construit une nouvelle plateforme logistique à Escandœuvres pour exporter via les ports de Dunkerque ou d’Anvers.
L’extension des surfaces plantées a nécessité d’établir des contrats motivants
Cristal Union, également producteur d’alcool et de bioéthanol, consolide ses positions sur les marchés méditerranéens. C’est le numéro 1 du sucre de bouche en Italie, sa filiale commerciale Cristalco y ayant acheté 100 % d’Eridania l’an dernier, ainsi qu’en Grèce, où il est un industriel historique du travail à façon. Cristal Union s’est associé en 2015 avec American Sugar dans une raffinerie performante du sud de l’Italie, à Brindisi. En 2015 aussi, Cristalco a terminé de construire une raffinerie en Algérie avec un partenaire local, justifiant ainsi cet investissement : un marché important fermé au sucre blanc, des coûts réduits en énergie, en main-d’œuvre et en transport. Cristalco a également pris des participations à l’île Maurice, source d’approvisionnement en sucres spéciaux de haute qualité.
Saint Louis n’est pas en reste, ayant bâti une usine dans la Somme, à Roye en 2009, à l’intention des industries alimentaire et pharmaceutique. C’est un outil de plus de 100 millions d’euros (portant l’investissement total en France depuis 2010 à un demi-milliard d’euros). Il « répond aux exigences les plus récentes de sécurité, de flexibilité et de réactivité dans le service », fait savoir la filiale de Südzucker.
L’argument environnemental et social
Les sucriers français font valoir de fortes responsabilités sociales et environnementales (RSE). Tereos appuie sa RSE sur cinq piliers. Il vante 15 % d’économie électrique en cinq ans, soit -10 % à la tonne. Il s’affiche en partenariat avec Ecostu’Air (Suez) sur le site de Lillebone, près du Havre, qui couvre en vapeur chaude 70 % des besoins de son usine. Cristal Union se fixe l’objectif à 2020 de 12,5 % d’énergie consommée en moins pour 15 % de betteraves transformées en plus. Il a presque atteint son objectif de réduire de moitié sa consommation d’eau, et se classe en catégorie « gold » des fournisseurs notés par CSR Rating d’EcoVadis.