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Charcuteries sans nitrite et risques alimentaires

Des applications détournent les consommateurs des nitrites. Des associations les dénoncent et une proposition de loi veut les interdire dans les charcuteries. Utiles ou nuisibles les nitrites ? Certains industriels défendent leurs recettes classiques et d’autres innovent pour répondre à l'attente  sans nitrite.

L’usage des nitrites divise. D’une part ils sont essentiels à la conservation des charcuteries et d’autre part ils sont pointés du doigt depuis plusieurs années par des associations de consommateurs et l’application Yuka notamment, accusés de favoriser l’apparition de cancers.

Ces additifs sont présents dans 75% des charcuteries commercialisées dans les supermarchés d’après le rapport d’information déposé par la commission des affaires économiques rendu public le 13 janvier 2021. Avant même la remise de ce rapport, une proposition de loi a été déposée le 14 décembre 2020 à l’Assemblée nationale, demandant l'interdiction d’utiliser des sels nitrités à partir de 1er janvier 2023 dans la charcuterie non traitée thermiquement, comme le jambon cru, et à compter du 1er janvier de 2025 pour l’ensemble des produits de charcuterie comme le jambon cuit. A partir du 1er septembre 2022, le texte propose la suspension de la consommation de ces produits dont la quantité de nitrite employée est supérieure à 60 mg/kg ou de nitrate supérieur à 120mg/kg pour la restauration collective.

« C’est une confusion de l’interprétation »

Les sels nitrités sont une barrière contre le botulisme et autres bactéries; ils accélérent le processus de fabrication et allongent la durée de conservation de la viande tous en conférant une couleur rosée au produit final. Discuter d'une interdiction dans les conditions actuelles est une aberration pour certains professionnels, dont la Fict (Fédération française des industriels charcutiers traiteurs). Fabien Castanier, délégué général de la fédération s’est exprimé : « Ce rapport est clairement orienté car ne sont retenus que les éléments qui vont dans le sens de la thèse du député Richard Ramos. Il y a des personnes qualifiées, l’Anses, le ministère de la Santé ou encore le président de l’Institut français du Cancer qui ont été auditionnés, mais le contenu de leurs auditions n'est pas rapporté. Ils n’ont absolument pas tenu compte de l’avis de l’Efsa, qui confirme que les nitrites, aux faibles doses autorisées, ne posent pas de problème pour la santé. C’est une confusion de l’interprétation. »

« peu préoccupantes pour la santé humaine »

En effet, le Circ (Centre international de recherche sur le cancer) a étudié le danger de ces substances en tant que telles et a classé en 2015 la viande transformée dans la catégorie des aliments présentant un risque cancérigène pour l’homme. L’Efsa, Autorité européenne de sécurité des aliments, qui informe sur les risques existants et évalue la probabilité d’exposition de la population, a publié deux avis scientifiques en juin 2017 sur le sujet. Son rapport mentionne : « Les nitrosamines qui se forment dans l’organisme à partir des nitrites ajoutés dans des produits à base de viande aux niveaux autorisés sont peu préoccupantes pour la santé humaine ». Une nouvelle étude de l’Anses sur les nitrites dans les charcuteries devrait être publiée d’ici à fin 2021. Ce rapport est très attendu pour évaluer la dangerosité de ces additifs et éclaircir un débat qui a tourné à la polémique.

L'application Yuka fait partie des opposants aux nitrites. Elle a été condamnées trois fois cette année 2021 en faveur de l’industrie charcutière. « Ce sont des procédures baillons, qui visent à nous faire mettre la clé sous la porte, mais notre volonté d'informer les consommateurs sur les dangers inhérents aux nitrites et de pousser les industriels à s'améliorer reste inchangée » a affirmé Julie Chapon, co-fondatrice de Yuka.

« C’est la responsabilité sanitaire qui prime »

Fabien Castanier a souligné que « même en France les professionnels de la charcuterie que je représente au sein de la Fict ont volontairement baissé de 40% environ les teneurs maximales en nitrites par rapport à la règlementation européenne". Pour lui, généraliser les process sans nitrite c’est « faire prendre un risque au consommateur". "Aujourd’hui il n’y a aucune entreprise qui veut continuer à utiliser un produit mal vu dans les médias, déplore-t-il. Mais c’est la responsabilité sanitaire qui prime. A aucun moment, il n’est fait d’étude documentée dans ce rapport du risque que pourrait représenter le retrait des nitrites et nitrates dans la charcuterie ». Pourtant les industriels développent de nouveaux produits sans nitrite pour répondre à la demande « sans » des consommateurs.

Les produits sans nitrite prennent de l’ampleur

Depuis 2017, l’offre du jambon sans nitrite n’a cessé de croître et aucun cas de botulisme n’a été déploré. Les producteurs industriels français Herta, Fleury Michon, Brocéliande, Madrange du groupe Cooperl, Salaisons Roches Blanches ou encore André Bazin font partie de ceux qui ont innové. Les distributeurs s’engagent aussi, comme Biocoop, qui va mettre en place un rayon charcuterie totalement exempt d’additifs nitrés d’ici mars 2022.

« Le produit est beaucoup plus fragile, nous avons dû repenser notre approvisionnement et choisir les fournisseurs les plus proches possibles de l'usine de transformation » avait expliqué Barbara Bidan, directrice communication et RSE de Fleury Michon, lors d’un interview paru dans l'Usine Nouvelle le 15 janvier 2021.

Quelles alternatives aux nitrites dans les charcuteries ?

Plusieurs recherches sont menées sur cette réduction du nitrite dans les produits. Le projet BLac HP a montré en 2019 l’efficacité d’une biopresérvation par des bactéries lactiques associée à des traitements de hautes pressions sur du jambon cuit à teneur réduite en nitrites et réfrigéré. La qualité finale est proche de celle du jambon cuit traditionnel. Toutefois des études plus approfondies sur le fer et l’oxydation du produit sont préconisées.

En attendant, les industriels ont recours à des solutions "clean label". "Extraits végétaux et antioxydants" précise Herta sur ses emballages. Le charcutier italien Rovagnati fait valoir une alternative trouvée après plusieurs études menées avec des chercheurs d’Université. Il dévoile l'usage d’« un mélange d’arômes naturels dont l’utilisation a été adaptée aux outils industriels des usines Rovagnati », selon une technologie de fabrication brevetée. Il affirme que la qualité gustative et sanitaire du produit, sa couleur ainsi que sa date limite de consommation sont conservées. Il précise que que les contrôles sanitaires restent identiques aux produits plus historiques. Cette alternative a un coût de 20% sur le prix de vente.

Une croissance des consommateurs flexitariens

Alexandre Hurtaud, directeur commercial de Rovagnati France, s'exprime ainsi sur la consommation : « La consommation de viandes de produits carnés est en régression quasiment dans toute l’Europe depuis deux ans, et d’après les prévisions ça va continuer pour un certain nombre de raisons dont le véganisme et des causes environnementales. Il y a trois ans on a réfléchi aux moyens de garder nos consommateurs. Notre gamme Naturals s’adresse à une partie de la population, les flexitariens qui souhaitent manger moins mais mieux. Ils sont assez jeunes, ils souhaitent peu de protéines animales et font attention à la qualité des produits qu'ils achetent. De tous les pays européens c’est la France le pays le plus exigeants ».

Rédaction Réussir

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