Innovation
Blockchains en formation dans les filières alimentaires
Des groupes de distribution français, trois au moins, mettent en place des blockchains de produits alimentaires. Ils ont passé la phase de test. Carrefour reste le plus ambitieux. Des places de marché et des producteurs s’emparent aussi de la technologie avec des développeurs spécialisés dans l’agroalimentaire. États des lieux.
Des groupes de distribution français, trois au moins, mettent en place des blockchains de produits alimentaires. Ils ont passé la phase de test. Carrefour reste le plus ambitieux. Des places de marché et des producteurs s’emparent aussi de la technologie avec des développeurs spécialisés dans l’agroalimentaire. États des lieux.
Au sein de la grande distribution française, Carrefour, Auchan et Casino affichent leur volonté d’utiliser le système de traçabilité de blockchains. Carrefour, après avoir construit la blockchain du poulet d’Auvergne label Rouge sous sa marque Filière Qualité Carrefour (FQC) avec les Fermiers d’Auvergne et Arrivé Auvergne, compte étendre la démarche aux autres produits FQC : tomates allongées de pleine terre produites par les maraîchers de Rougeline, œufs de plein air, pavé de saumon, fromages, oranges, etc.
Une douzaine de blockchains devaient se mettre en place d’ici au début 2019. Intérêt : mettre en confiance les consommateurs en leur permettant d’accéder à des informations sûres, spécifiques au produit acheté, en flashant un QR Code apposé sur celui-ci, mais aussi remonter en quelques secondes à une source de non-conformité.
Auchan a de son côté annoncé en novembre la construction de plusieurs blockchains européennes. Après avoir établi celle de la carotte biologique nantaise, le distributeur s’attaque à la pomme de terre avec le groupe belge Pomuni et au poulet avec Galliance-Terrena. Auchan appliquera la technologie en Italie, pour la tomate et le poulet, en Espagne pour le porc ibérique et les fruits exotiques cultivés dans ce pays, ainsi qu’au Portugal et au Sénégal, pour le poulet.
Casino enfin transforme l’essai de ses miels Casino Ça vient d’ici, produits par Naturalim. Le groupe met en place des blockchains pour des filières avicoles de plein air, notamment celle des volailles label Rouge des Fermiers du Sud-Ouest vendues sous la marque Terre & Saveurs. Échéance donnée, ce premier trimestre 2019.
Intermarché à part
Le groupement des Mousquetaires a une stratégie différente. Il cartographie les chaînes d’approvisionnement, sans passer a priori par des blockchains et sans aller jusqu’à l’apposition d’un QR Code sur l’emballage (mais sans exclure ces options). Il fait appel à SGS Transparency-One pour établir la traçabilité et la qualité éthique des matières premières mises en œuvre dans ses usines et dans celles des fournisseurs des marques Intermarché. Principe : enregistrer les échelons successifs de fournisseurs, en remontant de l’aval jusqu’à l’amont, et faire vérifier les certifications et respect des cahiers des charges par SGS. Ainsi en est-il de l’huile de palme et des produits bios à marque propre.
IBM Food Trust en pole position
Pour ce qui est de Carrefour, Auchan et Casino, chacun a choisi sa plateforme d’enregistrement en blockchain. Carrefour vient d’intégrer le consortium IBM Food Trust, aux côtés notamment des distributeurs Walmart et Kroger et des fournisseurs Dole, Unilever, Nestlé, Tyson Foods, McCormick, Beefchain et Smithfield. Cette plateforme collaborative propose de tracer des produits de toutes sortes, mais aussi de sécuriser les transactions sur blockchains (Hyperledger). En s’y associant, Carrefour a déclaré vouloir l’utiliser à l’étranger pour toutes ses marques à l’horizon 2022.
Auchan travaille depuis 2017 avec la start-up allemande Te-Food. Avec celle-ci Auchan a testé avec succès la blockchain publique italienne Foodchain au Vietnam, dans les filières porc, poulet et œufs.
Producteurs et groupements
Enfin, Casino s’appuie sur le développeur de blockchains privées Tilkal, un opérateur français qui fait appel à la plateforme Multichain. Outre Casino, Tilkal compte parmi ses références le groupe coopératif Maïsadour, Fermiers du Sud-Ouest, Les Œufs de nos villages et Naturalim France Miel et Les Compagnons du miel.
Les distributeurs ne sont pas les seuls à entreprendre des blockchains. À l’initiative du syndicalisme agricole de Vendée, la marque de producteurs laitiers Juste et Vendéen a fait appel à Connecting Food (voir article p. 13). Ce développeur s’appuie sur la technologie Hyperledger et établit des interfaces de recueils d’informations à tout niveau d’une chaîne de production.
Intérêt de la blockchain : mettre en confiance le consommateur
Une place de marché blockchain (Hyperledger) de céréales et grains a aussi été fondée dans la région Centre par deux spécialistes du secteur : Ositrade. Sur son site Internet, un usager industriel témoigne qu’il va pouvoir acheter des graines et vendre ses tourteaux en raccourcissant les circuits : « nous allons créer un marché d’arbitrage pour le colza en rendu mon usine avec la possibilité d’achat/vente des lots définis, de qualité standard ou spécifique ».
Le marché agroalimentaire attire les investisseurs dans la technologie blockchain. Ainsi, Mérieux Nutrisciences vient d’annoncer son entrée au capital d’un autre fournisseur de blockchain, Crystalchain. La filiale de l’institut Mérieux, présente dans vingt-deux pays, prend 14 % de participation dans cette société française fondée par Sylvain Cariou, président de la commission française du comité technique blockchain de l’Iso.