Bio : sécuriser ses approvisionnements, un défi pour l'industrie
Face à l’augmentation de la demande en produits issus de l’agriculture biologique, les industriels et distributeurs mettent en place différentes stratégies pour s’assurer la disponibilité de leurs matières premières. Enquête.
La consommation de produits issus de l’agriculture biologique continue de progresser en France. D’après les derniers chiffres de l’Agence bio, les ventes de produits bios sur les six premiers mois de l’année 2017 ont dépassé de 500 millions d’euros celles du premier semestre 2016. « 71 % des produits bios consommés en France sont produits en France, et ce taux grimpe même à 81 % lorsque les produits exotiques sont exclus », précise l’Agence bio. Les entreprises de transformation de produits bios ont augmenté de 8,8 % au cours du premier semestre 2017, soit 934 transformateurs supplémentaires, et les distributeurs de 11 %. « Cette hausse des opérateurs de l’aval figure parmi les plus fortes enregistrées ces dernières années », écrit l’Agence bio.
À l’amont, les conversions se poursuivent. À la fin du premier semestre, 2 965 exploitations supplémentaires, soit 9,2 % de plus qu’à la fin 2016, se sont engagées dans le bio, avec une surface cultivée, selon le mode biologique, estimée à 6,5 % de la surface agricole utile.
Des tensions fortes sur certaines matières premières
Même si l’offre est de plus en plus développée, le contexte de marché reste tendu pour les entreprises agroalimentaires souhaitant s’approvisionner en produits bios. Expansion de la demande mondiale, productions soumises aux aléas climatiques, productivité souvent inférieure au conventionnel, durée de conversion longue, spéculation, sont autant d’incertitudes qui pèsent sur l’adéquation de l’offre avec la demande. « Nous sommes dans un perpétuel ajustement, car le marché se développe très rapidement. Cela provoque des tensions fortes sur certaines matières premières, comme le lait, les légumineuses ou plus récemment les plantes aromatiques, et parfois même des ruptures », indique Charles Pernin, délégué général du Synabio, le syndicat qui rassemble les transformateurs et distributeurs spécialisés dans l'agriculture bio.
Mauvais signal de l'État
Une tension sur les matières premières bios que l’annonce de Stéphane Travert d’arrêter le cofinancement des aides au maintien à l’agriculture biologique dès 2018 ne risque pas de calmer. « Ce n’est pas adapté au contexte et pas du tout le signal que nous attendions », réagit Charles Pernin. « Le marché ne peut pas accompagner à lui seul la transition et le changement de modèle agricole. Cela crée une forme d’incertitude qui n’est pas propice au développement de l'agriculture bio », ajoute-t-il.
Donner de la visibilité au partenaire amont
Face à ces difficultés d’accès à la matière première, les transformateurs travaillent à sécuriser leurs approvisionnements. « Une des solutions adoptées par les entreprises agroalimentaires est de mettre en place des partenariats avec les producteurs, parfois même dans des contrats tripartites avec la distribution. C’est gagnant-gagnant, car les entreprises ont besoin de sécuriser leurs approvisionnements et les producteurs leurs débouchés. Il est alors important de donner de la visibilité au partenaire amont en lui annonçant ses besoins futurs le plus tôt possible », explique Gaëlle Frémont, fondatrice du cabinet de conseil Ingrébio, spécialisé dans le sourcing d’ingrédients bios pour les transformateurs agroalimentaires.
Système U s’engage dans les œufs
Une problématique également rencontrée par les distributeurs, pour leurs marques propres. Ainsi, Éric Teillet, chef de groupe marque U pour les produits frais, confie que l’enseigne a récemment signé des contrats sur les œufs. Serge Papin, PDG de Système U, avait écrit voilà plusieurs mois être prêt à participer à un fonds pour aider la filière à engager sa transition des œufs de cage vers l’alternatif. Ne voyant rien venir, l’enseigne est partie seule dans l’aventure. « Il y a un mois, nous avons signé des contrats avec les industriels et les opérateurs sur des contrats à trois ans en volumes pour les œufs de cage, bios et plein air, que nous accompagnons d’une incitation financière pour les aider à arrêter les exploitations avec des cages », révèle Éric Teillet. Une décision qui assure Système U d’avoir les volumes nécessaires pour remplir son engagement de ne plus proposer d’œufs issus de poules élevées en cage à l’horizon 2020 à ses marques de distributeurs.