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Le bio en pleine tempête organise sa résistance

Baisse de la consommation et parfois de la production, inflation des coûts, les marchés bio souffrent de la conjoncture. Les acteurs agissent pour retrouver un nouveau souffle.

Une crise de croissance, de maturité, de consommation, on peut décrire ce qu’il se passe dans le secteur du bio de différentes manières. Le coup de froid sur la consommation de produits biologiques ressenti en 2021 se poursuit sur les sept premiers mois de l’année 2022. En grande distribution, le marché est clairement dans le rouge depuis 2021. À un historique négatif, se rajoute du négatif depuis le début 2022. En valeur, il a décru de 5,9 %, et en volume, de 7,3 %.

« On redescend très bas. Le bio représente 4,3 % du chiffre d’affaires alimentaire, niveau le plus bas sur 12 mois », explique Emily Mayer, directrice Business Insights à Iri. Le marché était habitué à des niveaux de 5 %. Cette perte de valeur est plus lisible sur l’épicerie et le frais. En revanche, tous les types de marques sont concernés ainsi que tous les types de circuits de distribution généralistes. « C’est un mal profond. Et il y a un lien avec la rationalisation de l’offre », précise-t-elle.

Entre l’inflation des coûts et la baisse de la consommation, il est clair que les distributeurs font le choix de rationaliser leur rayon. En cumul courant à fin juillet, l’offre s’est réduite de 6,4 %, selon Iri. Alors que le marché connaissait des croissances à deux chiffres aussi par cet effet d’augmentation de l’offre, la rationalisation pénalise le label.

Réduction de l’offre en GMS, du parc de magasins aux spécialisés

Cette rationalisation se fait sentir aussi dans les magasins spécialisés, mais davantage dans la réduction du parc de magasins que dans l’offre en rayon. « Il y a eu en 2018, jusqu’en 2020, une croissance forcée par des ouvertures de magasins, aussi pour répondre aux attentes des consommateurs, mais cela n’a pas toujours été source de valeur ajoutée », estime Daniel Tirat, président-directeur général d’Organic Alliance.

Un assainissement du parc de magasins et une certaine concentration s’opèrent. Selon le Synadis Bio, le syndicat des magasins spécialisés, les ventes sont en recul d’environ 10 % sur le premier semestre 2022 par rapport à la même période 2021. « Si l’on compare avec 2019, une année normale, les ventes sont en hausse de près de 2 % », indique Allon Zeitoun, président du Synadis Bio et, par ailleurs, directeur général de Naturalia.

Des déclassements inférieurs dans le lait

Cette baisse de la consommation entraîne clairement des répercussions sur les marchés qui ont été en surproduction sur les premiers mois de l’année dans le lait ou les œufs, par exemple. Si la situation commence doucement à se rétablir, Pascal Le Brun, président de La Coopération laitière, évoquait encore le 5 septembre en conférence de presse, une part de 30 à 40 % de la collecte de lait bio qui est encore déclassée. Les conversions ont été suspendues chez les plus grands acteurs laitiers, permettant une diminution de la collecte et un assainissement relatif du marché.

Damien Lacombe, président de Sodiaal évoquait le 8 juillet la suspension du déclassement à compter du 1er juillet au sein du groupe coopératif. « Au total, le taux de déclassement 2022 sera inférieur à celui de 2021, qui était à 21 % », avait-il alors souligné. Ce qui inquiète bon nombre d’opérateurs biologiques, c’est le manque de disponibilités à venir. Certains producteurs ayant à peine terminé leur conversion se posent clairement la question d’un retour en arrière.

« Nous allons perdre des producteurs en septembre, c’est très inquiétant », Nordine Arfaoui, directeur d’Uni-Vert

Nordine Arfaoui, directeur d’Uni-Vert, inquiet pour l’avenir, avait expliqué lors d’un webinaire de La Coopération agricole le 5 juillet : « Nous sommes inquiets. Nous allons perdre des producteurs en septembre, c’est très inquiétant. La question est de savoir comment on fait pour passer la crise. »

Concurrence d’autres labels

Au-delà d’une décroissance conjoncturelle, liée à un après-covid euphorique et une inflation en hausse touchant le pouvoir d’achat des Français, les marchés des produits biologiques doivent aussi faire face à une décroissance structurelle. La concurrence de produits sous des labels tels que HVE ou Zéro résidu de pesticides, par exemple, oblige les acteurs du bio à se remettre en question et à communiquer davantage sur les bénéfices de leurs produits.

« Le consommateur a besoin d’être rassuré sur le label bio », Sophie Dautet, directrice marketing de l’ultra-frais laitier d’Eurial

« La crédibilité du bio est un vrai sujet. Le consommateur a besoin de comprendre et d’être rassuré sur le label bio, surtout face à l’arrivée de marques plus généralistes », estime Sophie Dautet, directrice marketing de l’ultrafrais laitier d’Eurial. Dans son rapport rendu public fin juin, la Cour des comptes estimait que le bio n’était pas soutenu tel qu’il le devrait au regard des objectifs de croissance.

Dispositif promotionnel en magasins bio

Pour organiser la résistance, les enseignes spécialisées, Naturalia en premier, via un système d’abonnement, Les Comptoirs de la bio et La Vie claire ensuite, ont mis en place des dispositifs promotionnels. Les opérations anti-inflation auront probablement un effet sur la consommation. L’avenir le confirmera, mais ce n’est pas forcément une bonne nouvelle pour les industriels.

Le paradoxe de la hausse des prix des produits laitiers bio

Dans sa publication Tendances de juillet-août, l’Idele pointe le paradoxe entre la hausse des produits laitiers bio en rayon par rapport à la légère diminution en un an du prix du lait payé aux producteurs. L’institut indique, notamment qu’« entre mai 2021 et mai 2022, le prix des fromages bio a crû de 5 %, autant que les fromages conventionnels. La situation est presque la même sur les laits bio conditionnés (+4 %, en 2021, contre +5 % en conventionnel ». Pourtant, les transformateurs n’auraient pas demandé de hausses de tarifs sur la matière première agricole sur les produits bio, au vu du contexte de surproduction sur le marché laitier bio. « Seule une petite partie de cette hausse des prix serait imputable à l’inflation sur la matière première industrielle (emballages, énergie), sur laquelle de légères hausses auraient été obtenues par les industriels lors du deuxième round de négociations commerciales », indique l’Idele.

Interbev participe au budget de la seconde vague #bioréflexe

Lancée en mai 2022 pour un budget de 1 million d’euros, la communication Bioréflexe s’apprête à revenir sur le devant de la scène en octobre.

C’était une première ! L’Agence Bio, La Maison de la bio ainsi que les interprofessions laitière (Cniel) et fruits et légumes (Interfel) lançaient de concert en mai 2022 une première campagne de communication d’envergure nationale pour soutenir la demande des consommateurs en produits biologiques. Le budget de cette campagne, baptisée Bioréflexe, s’élevait à 1 million d’euros, un budget arraché par de longues discussions avec les interprofessions. Interbev (bétail et viande) n’avait alors pas souhaité apporter sa contribution financière. Pour la seconde vague en préparation, elle semble avoir changé son fusil d’épaule. Laure Verdeau, directrice de l’Agence Bio, nous confirme qu’« Interbev va allouer 172 500 euros sur de l’achat d’espace pour lancer la campagne #bioréflexe à partir d’octobre ». Dans son rapport, la Cour des comptes estimait que les moyens financiers accordés pour développer l’agriculture biologique n’étaient pas à la hauteur de l’enjeu. « Le budget de l’Agence Bio n’est rien quand on le compare à d’autres interprofessions. Or, on le voit, quand on parle de la bio et de ses bénéfices, les comportements d’achats changent », estime la directrice de l’Agence Bio.

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