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Le vin orange pour redonner des couleurs au marché du vin français

Les vins blancs de macération se multiplient depuis une dizaine d’années au point de devenir aujourd’hui plus visibles. Certains professionnels fondent même sur les vins orange l’espoir de vitaminer une consommation plus que morose.

A la fois ancré dans l'histoire du vin et novateur, le vin orange fait l'objet d'un intérêt croissant. Un attrait qui pourrait dépasser l'effet de mode.
© Magneya Photography/stock.adobe.com

A la fois ancré dans l'histoire du vin et novateur, le vin orange fait l'objet d'un intérêt croissant. Un attrait qui pourrait dépasser l'effet de mode.

Aux côtés du vin rouge, du vin blanc et du vin rosé, il faut désormais compter avec le vin orange. Sa reconnaissance progresse. Le concours des vins de France Best Value a primé cinq vins orange en 2023. Le Mondial des vins blancs de Strasbourg a inclus cette catégorie en 2022. Une offre est désormais présente dans les rayons de grandes surfaces et chez les cavistes.
 

Les débouchés du vin orange se développent à l’export

« Le vin orange est une tendance de fond dans beaucoup de pays comme aux États-Unis, observe Loïc Parola, directeur général de Pardela Wines, filiale de distribution du groupe François Lurton. Il est courant d’y voir cinq à six vins orange proposés au verre sur une carte. Certains de nos collaborateurs sont encore sceptiques, mais ça a commencé il y a cinq à dix ans et les vins orange sont toujours là. »

Désormais, les domaines François Lurton, élaborent un vin blanc de macération pour leur marque Les Fumées blanches, au Mas Janeil dans le Roussillon ainsi que dans les propriétés d’Espagne, du Chili et bientôt d’Argentine.

Chez les Vignobles Bonfils, dans le Languedoc-Roussillon, c’est aussi l’export qui a initié la création d'un vin orange. « Mon fils qui vit à Montréal est revenu il y a quatre à cinq ans en disant qu’il fallait que l’on fasse un vin orange », raconte Laurent Bonfils, à la tête de l’entreprise familiale.

L'entreprise s'est lancée dans le vin orange à partir des raisins blancs d'une de ses propriétés et a élaboré la cuvée Solaris, notamment référencé chez la SAQ au Québec. « Ça amène une nouvelle génération de consommateurs qui veulent des goûts différents et des blancs avec un peu de tanins. Ça marche très bien. Chaque année on en fait 20 000 bouteilles de plus. Il vient d’être référencé chez Colruyt en Belgique. Ce sont 12 000 bouteilles qui vont être livrées », s’enthousiasme-t-il.
 

La couleur du vin orange, proche de celle du spritz, est dans l’air du temps

La couleur est le premier atout du vin orange pour attirer des nouveaux consommateurs, selon Christopher Hermelin, directeur marketing du réseau de cavistes Nicolas. Il pointe la similarité de teinte avec le si populaire cocktail spritz, ainsi qu’avec la bière. Il note également l’amertume comme point commun.

Robert Joseph, journaliste et consultant en vin, lui-même à la tête d’un négoce dans le Languedoc, rappelle que les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans le succès des vins rosés. Il estime que grâce à sa couleur photogénique, le vin orange est tout autant instagrammable.

Toujours à l’instar du vin rosé, l’entrée par la couleur fait passer le cépage au second plan. Cette dimension intéresse particulièrement Gérard Bertrand qui a introduit la catégorie en grande surface. Il pense ainsi pouvoir valoriser des cépages adaptés au climat mais méconnus et donc difficiles à proposer en vins de cépage. En Alsace, nombre de domaines viticoles relancent l’intérêt déclinant pour le gewurztraminer grâce à la macération.
 

Proposer un nouveau profil de vin

Au-delà de la couleur, il y a évidemment le goût nouveau apporté par le vin orange. « Il y a une vraie typicité aromatique, ça n’a rien à voir avec le vin rosé », argue Loïc Parola.

Pour conquérir les palais en quête de sensations nouvelles, le modèle des vins géorgiens avec des amertumes prononcées n’est pas vraiment de mise.

Elaborer des vins orange accessibles

« Il y a quatre ans, nous avons dégusté 75 vins orange. Nous nous sommes rendu compte de leur hétérogénéité. On s’est demandé ce qu’on pouvait apporter avec notre technicité et créativité pour faire des vins qui plaisent au grand public », relate Gérard Bertrand.

Sont ainsi nés cinq vins avec des profils différents mais tous relativement consensuels. « On cherche un style accessible. Nous n’allons pas du tout sur l’oxydatif », abonde Loïc Parola. « Travailler avec des cépages aromatiques va aider à attirer des consommateurs », projette de son côté Robert Joseph.

Les consommateurs de vin orange sont plutôt urbains

Une chose est sûre, l’amateur de vin blanc de macération est pour l’instant surtout urbain. « Le vin orange n’est pas connu en Allemagne, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, mais il l’est à Londres, New York, Boston, Berlin… », insiste Robert Joseph. L’étude consommateurs commanditée par Gérard Bertrand le confirme pour la France. La connaissance du vin orange est nettement plus développée à Paris et en agglomération parisienne et chez les moins de 35 ans. Le bouche à oreille est un vecteur majeur de notoriété pour le vin orange.
 

Trouver le bon canal diffuser le vin orange

« Le rôle pédagogique du sommelier pour ce genre de vin est primordial », plaide Estelle Touzet, sommelière et consultante. Elle considère que le vin orange est un produit parfait pour le vin au verre.

Elle préconise aussi d’adapter le discours à la cible visée. Les seniors seront sensibles à l’histoire ou à la vinification, tandis que l’accord avec les cuisines indiennes ou marocaines pourra séduire les millénials.

Les grandes surfaces, un tremplin pour le vin orange ?

Dès lors, le vin orange peut-il compter sur les grandes surfaces pour monter en puissance ? Jérôme Peter, manager marketing vins chez Carrefour, se montre convaincu mais très prudent. « Le vin orange répond au besoin de nouveauté et peut attirer de nouveaux consommateurs. Il est important de créer la catégorie », admet-il. Tout en reconnaissant qu’il y a trop peu de références en rayon pour qu’elle soit visible et qu’elle nécessite d’être expliquée. Or pour lui, seules les foires aux vins offrent une fenêtre de tir pour communiquer.

Un positionnement prix sur le créneau premium

Le positionnement prix est aussi pointé. Alors que les vins sont en moyenne achetés autour de 5 euros dans le rayon, le vin orange appartient au créneau premium. Pas de précipitation donc. Au grand dam de Gérard Bertrand qui rêve de voir les rayons ressembler à ceux des magasins de la SAQ au Québec, où les références de vins orange se comptent par dizaines. Ou que le marché français réagisse aussi vite qu’aux États-Unis. « Nous sommes référencés en national chez deux enseignes après trois ans d’arrivée sur le marché », se réjouit-il. Cela ne l’empêche pas d’imaginer que d’ici une dizaine d’années voire moins, le vin orange pourrait représenter « 5 à 10 % du marché ». Aujourd’hui, son groupe en commercialise 1 million de bouteilles de vin orange.

Le cocktail comme moyen de promotion

Il n’hésite pas à miser sur le cocktail pour promouvoir le vin orange, qui reste encore une catégorie ovni. De là à imaginer une vague orange à la hauteur de celle des vins rosés, il y a un pas que Robert Joseph ne franchit pas. « Je pense qu’il y a un créneau et que c’est une catégorie durable mais il faudra du temps pour qu’elle progresse ; 25 % du marché dans cinq ans, je n’y crois pas », affirme-t-il. Une couleur donc prometteuse mais pas magique.
 

Le vin orange est un blanc

Le code International des pratiques œnologiques de l’OIV définit le vin blanc avec macération comme un type de vin blanc, issu uniquement de variétés de raisins blancs, dont la macération est effectuée par contact du jus et du marc durant au moins un mois, caractérisé par une couleur « orange-ambre » et un goût tannique.

Le nom orange n’a rien d’officiel. « L’ambre est inclus dans la loi sur le vin de Géorgie, mais dans de nombreux pays, il n’y a pas d’ambre ou d’orange du tout, seulement du blanc », relève Anna Godabrelidze, directrice de la faculté de viticulture et d’œnologie de l’Université d’agriculture de Géorgie, et qui collabore à l’OIV. « Bien sûr, il est possible de soulever cette question, mais je pense que ce sera une longue discussion », considère-t-elle. Sur les cartes des vins, on voit parfois la qualification « skin contact ».

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