Le vin en canette, un complément de gamme
La canette s’affirme comme un contenant de conquête pour l’exportation. Pour certains, elle est aussi capable de dynamiser un marché français en mal de jeunes consommateurs. Mais c’est encore un terrain à défricher.
La canette s’affirme comme un contenant de conquête pour l’exportation. Pour certains, elle est aussi capable de dynamiser un marché français en mal de jeunes consommateurs. Mais c’est encore un terrain à défricher.
Sur le papier, la canette possède un fort potentiel pour répondre aux modes de vie d’aujourd’hui. À son actif : sa commodité (poids léger, incassable, ouverture facile…) ; la consommation portionnable, individualisée et nomade qu’elle permet. « L’objectif n’est pas de remplacer la bouteille mais de capter des nouveaux consommateurs et des moments de consommation qui ont tendance à échapper au vin », résume Thomas Seitz, responsable France chez Los Bucaneros, un prestataire d’encanage mobile d’origine barcelonaise.
Un débouché export en plein développement
Les États-Unis mais aussi la Scandinavie, le Royaume-Uni, le Japon, l’Australie voire l’Allemagne sont aujourd’hui les marchés les plus demandeurs. Autant de destinations où la consommation du vin est moins formelle qu’en France.
Dans les pays du nord de l’Europe, les atouts environnementaux de la canette sont un levier de plus en plus fort : elle affiche une moindre empreinte carbone que le verre pour le conditionnement et le transport, une recyclabilité à 100 % et un taux de recyclage estimé à plus de 75 %. Un aspect de la canette méconnu en France, constate Thomas Seitz.
Résultat, l’export tire aujourd’hui le marché. Delphine Marnot, directrice commerciale et marketing de Cacolac, estime que 90 % des 8 millions de canettes de vin et boissons aromatisées à base de vins (BABV) conditionnés par son entreprise partent hors de France.
En France, les distributeurs sont encore timides
La France est-elle mûre pour adopter ce contenant ? Marie Pierre Lallez des Vignobles Raguenot constate pour l’instant la timidité de ses distributeurs français pour ses canettes d’AOP bordeaux blanc, rouge et rosé.
« Ils ne voient pas d’ouverture. Avec le développement des food-truck, de la consommation nomade, il y a pourtant de l’espace pour des créneaux plus informels », regrette-t-elle. Sa première mise de 50 000 canettes était entièrement dédiée à l’export. Ce sera aussi le cas de la suivante.
« Les acheteurs sont encore frileux. Il n’y a pas assez de références pour proposer des assortiments », abonde Anne Victoire Monrozier, alias Miss Vicky Wine, du château des Moriers, qui s’est lancée avec un AOP fleurie en canette. Mais les observateurs décryptent des signes de changement. « Il y a des références en grande distribution, c’est un bon signal », estime Cédric Segal, dirigeant de Star Beverages. Ce prestataire encanne aujourd’hui 2 millions de canettes par an, pour l’instant essentiellement destinées à l’export.
La bière comme modèle d’inspiration
Maison Le Star, producteur et négociant basé en Gironde, a déjà posé ses jalons en France. En s’appuyant sur des relations fortes avec l’enseigne Carrefour, Emmanuel Castano, responsable marketing, a déployé en 2020 une gamme de trois canettes monocépages en IGP pays d’oc. Il pensait initialement l’écouler exclusivement sur le marché américain. Pour lui, la canette est un levier évident pour conquérir les jeunes générations aimantées par la bière. « On assume l’accessibilité pour toucher les Millénials, qui n’ont pas forcément un pouvoir d’achat élevé », développe-t-il. L’entreprise vient de créer Le Star Bubbles, un pétillant brut en blanc et en rosé pour répondre à la demande d’un importateur américain, mais elle le lance aussi en France.
Maxime Gamard positionne également sa gamme MadMed de deux vins nature sur les terrains conquis par la bière comme « les pique-niques, le verre détente à la maison ».
Il mise sur des cavistes nature et épiceries fines à Paris, Lyon et Marseille avec un prix de 4,90 ou 5 euros l’unité. Il débute avec une mise importante de 52 000 canettes. S’il s’est lancé parce qu’il avait des marchés export, son objectif est d’en vendre 30 % en France.
Le contenant a une bonne image chez les jeunes
L’espoir vient d’une familiarité des moins de 35 ans avec la canette. Aujourd’hui, ce contenant représente 20 % des bières et 22 % des sodas vendus en France, selon Metal Packaging Europe. Il est aussi adapté au marché florissant des repas livrés à domicile. Or une étude récente de France Boissons affirme que seulement 25 % des restaurateurs proposant des plats à emporter ont une offre de vin. Aux États-Unis, l'institut WIC Research notait en 2019 que ni la connaissance du vin, ni le milieu social n’étaient des critères discriminants pour apprécier le vin en canette ; le mode de vie faisait avant tout la différence.
Attention aux volumes minimaux requis
Le format 25 cl domine face au 18,7 cl et au 20 cl. Tester le marché avec une petite mise est une option mais un volume minimum est requis. Il est de 12 000 canettes chez Star Beverages. Los Bucaneros ne déplace pas sa chaîne mobile à moins de 20 hl. Chez Cacolac, on évoque 100 000 unités minimum, soit une citerne de 250 hl.
Les prestataires restent discrets sur leurs tarifs car le marché devient très concurrentiel. Comme pour tout conditionnement, les coûts sont proportionnellement plus élevés rapportés à des petites quantités. L’étiquetage en impression directe sur canette n’est possible que pour 100 000 ou 150 000 unités selon les opérateurs. L’étiquette papier ou le film (sleeves) sont des alternatives mais plus onéreuses. La logique est d’aboutir à un prix cohérent avec les contenus, positionnement et réseau de distribution. « Il faut un rapport tenable entre le prix de trois canettes et celui d’une bouteille de vin », prévient Emmanuel Castano chez Maison Le Star.
Un investissement à moyen et long terme
« On ne se fixe aucun objectif », avance prudemment Olivier Bourdet-Pees, directeur général de Plaimont, à propos d’Elia, un vin à 9 % vol. Il compte sur le succès de la version en bouteille pour entraîner la canette. Dominique Martin, vigneron en AOP muscadet, en est à sa troisième mise de 12 000 canettes. Ce n’est pas encore rentable selon lui, car « les gens ne savent encore pas que le vin peut être mis en canette ». Commercialement, « il faut défricher pour des petits volumes », mais il a des clients réguliers « très satisfaits » et toujours de nouvelles demandes. La canette complète donc durablement sa gamme. « Le marché français va progresser mais ça va prendre un peu de temps », pronostique Emmanuel Castano. Avec désormais 7 références, il vise tout de même 600 000 canettes pour 2022 sur l’ensemble de ses marchés, le double de 2021.
Cacolac y croit aussi puisque sa division « In can we trust », active sur le marché de l’encanage de vin depuis 2011, construit un nouveau site en Gironde pour fin 2022-début 2023. Il vise à terme une capacité de 40 millions de canettes annuelles.
Une canette, six possibilités
Vins fruités, rond, légers, désaltérants, faciles à boire sont les points communs entre ces six vins en canette repérés sur le dernier salon Wine Paris & Vinexpo Paris.
Quel profil analytique ?
« D’un point de vue technique, la compatibilité du vin avec le revêtement interne de la canette doit être vérifiée. Nous contrôlons pH, niveau de SO2, cuivre, chloride », indique Thomas Seitz, chez Los Bucaneros.