Comment élaborer des vins blancs de noirs tranquilles ?
Avec la hausse de la demande pour les blancs et la crise sur les rouges, de plus en plus de vignerons se mettent à produire des blancs de noirs tranquilles, dans toutes les régions de France. Avec chacun leurs spécificités.
Avec la hausse de la demande pour les blancs et la crise sur les rouges, de plus en plus de vignerons se mettent à produire des blancs de noirs tranquilles, dans toutes les régions de France. Avec chacun leurs spécificités.
Du peps, de la minéralité ; des vins qui peuvent se boire sur tous types de plats. Les blancs de noirs tranquilles semblent avoir de nombreux atouts… En Vendée, les Vignobles Mourat, à Mareuil-sur-Lay, ont été parmi les premiers à se lancer sur le créneau. C’était en 2013. « Nous voulions quelque chose d’assez atypique, informe François Richard, maître de chai des Vignobles. Nous avons un terroir très favorable au pinot noir sur lequel Jérémie Mourat voulait tester un blanc de noirs tranquille. » De test, cette cuvée est passée à un volume de 70 à 80 hl par an. « C’est un produit qui fonctionne très bien », confirme le maître de chai.
Des vendanges manuelles, un pressurage léger mais pas de malo
Les pinots noirs sont récoltés manuellement en cagettes, à la date de maturité classique. Les grappes entières sont pressées très légèrement dès leur arrivée au chai, pour extraire le minimum de couleur possible. François Richard pratique ensuite un débourbage statique d’environ 24 heures, à 14-15 °C. Puis lance la fermentation alcoolique (FA) dans des œufs en béton, avec des levures indigènes sélectionnées sur la parcelle et multipliées par un laboratoire.
Cette cuvée ne fait pas de malo. « Nous avons essayé une année, mais cela ne nous a pas satisfaits, témoigne le maître de chai. Nous recherchons de la fraîcheur. » Il effectue donc un très léger sulfitage en post-FA pour stabiliser le vin, puis le soutire. Une partie est alors élevée en foudre de 35 hl, une autre dans de petits œufs en terre cuite de 300 litres. François Richard réalise des bâtonnages réguliers et ouille toutes les semaines. Une fois l’élevage terminé, il stoppe les bâtonnages durant un mois et demi à deux mois. Il soutire le vin puis le filtre une ou deux fois sur terre, et une fois sur plaque. Avec à la clé un vin de France « rond, avec du peps ; du minéral et une fin de bouche gourmande, sur la poire », décrit le maître de chai. Le prix départ caveau est de 11,70 euros.
Mieux vaut une malo et du cabernet sauvignon plutôt que du franc
Dans le Bordelais, les Vignobles Hubert, situés à Cars, se sont aventurés sur la cuvée sans IG Blanc de noir en 2017. « Tout est parti d’un 'accident' à l’élevage, se remémore Guillaume Hubert, copropriétaire des Vignobles. Nous réalisons un élevage long de douze mois en amphores de grès et la couleur tombe. » S’il a testé cette méthode de vinification tant sur cabernet franc que sur cabernet sauvignon, c’est cette seconde option qui a sa faveur. « C’est plus intéressant, il y a davantage de structure, c’est plus atypique », expose-t-il. Il y a de la tension, du minéral, du gras, mais aussi de la richesse.
Il suit un itinéraire technique similaire à celui d’un rosé. Il réalise des vendanges manuelles en grappes entières et en cagettes, suivies d’un pressurage direct doux. La fermentation alcoolique et la malo s’enclenchent ensuite. « Nous sulfitons très peu, ne collons pas et ne filtrons pas serré », détaille le vigneron. Malgré cela, tous les ans, c’est un pari. « C’est un risque, reconnaît Guillaume Hubert. On ne sait jamais à l’avance si la couleur va bien s’estomper avec le temps. » Pour cette raison, et malgré l’intérêt de ses clients, il cherche à ce que cette cuvée, située dans le haut de sa gamme, reste anecdotique.
Un grenache noir vendangé en légère sous-maturité
La Maison Parcé frères élabore deux cuvées blanc de noirs tranquilles, avec du grenache noir vendangé manuellement et en légère sous-maturité. « C’est ce qui permet aux baies de ne pas libérer trop facilement leur couleur lors du pressurage mais aussi au vin d’être plus vif qu’un blanc de blanc traditionnel », souligne Rémi Walter. Un pressurage direct sous pneumatique s’en suit avec des programmes réfléchis afin d’obtenir un moût le moins teinté possible. « C’est la petite difficulté de cet itinéraire, concède l’œnologue, car nous ne voulons pas utiliser d’agents décolorants, comme le charbon par exemple. »
Un débourbage par hyperoxygénation
En 2016, en Haute-Corse, la cave coopérative les Vignerons d’Aghione, à Ghisonaccia, est aussi partie d’une démarche commerciale pour créer un blanc de noirs tranquille. « Nous voulions apporter de la nouveauté, indique Anaïs Bonnet, responsable marketing et communication de la cave, car l’innovation fait partie de la stratégie de la cave. Nous avons fait un essai sur niellucciu, et ça a été un gros succès commercial. Cette cuvée se vend très bien. » Le vin est gras, rond, long en bouche, avec des notes de fruits blancs et d’épices. « C’est un produit très particulier », poursuit la responsable marketing.