Vins : les Bordelais veulent sauver leur appellation
Le 29 avril, René Renou président du Comité vins de l’Inao réunira un comité exceptionnel. Son objet ? Présenter un projet de réforme de la réglementation des AOC viticoles dont la principale modification consisterait dans la mise en place d’un double classement des vins à appellation d’origine contrôlée : les AOC de haut, voire de très haut de gamme et les autres, correspondant à la définition classique de l’appellation d’origine sans pour autant prétendre aux sommets qualitatifs. C’est d’ailleurs une des failles du régime français des AOC vins qui garantit certes l’origine, les cépages, les traditions de production mais pas la qualité du produit final ; même si les syndicats de défense des diverses AOC préservent théoriquement la qualité des vins admis au titre.
Bordeaux, la plus grande zone française d’appellation, illustre bien ce problème. Parmi les quelque cinq millions d’hectos de Bordeaux bénéficiant de l’étiquette AOC, on va du sublime au pire à travers une immense échelle de prix dont certains ne sont certainement pas justifiés par la qualité du produit. Il en résulte pour le consommateur et notamment pour la clientèle étrangère, une confusion compréhensible et, pour l’image du Bordeaux, une dévalorisation qui se traduit par les difficultés d’accès aux marchés. Les exportations de Bordeaux en 2003 ont dû leur bon résultat à leurs grands vins et à un millésime 2002 exceptionnel. Mais c’est l’exception qui confirme la règle et les « petits » Bordeaux n’en sortent pas grandis.
L’agrément renforcé
Le Comité interprofessionnel des vins de Bordeaux, CIVB, est conscient de cet état de fait. Soucieux de préserver son aire d’appellation, il lui fallait bien jouer la carte de la qualité, de la cohérence. Pendant plusieurs mois, à l’initiative du CIVB, quatre groupes de travail composés de viticulteurs, de négociants, de courtiers, des principales institutions de la filière, des administrations, se sont donc penchés sur les problèmes des vins de Bordeaux pour présenter lors des Assises du vin de Bordeaux, le 9 avril, une série de propositions à court, moyen et long termes, susceptibles de redresser la barre (lire LM d’hier). Parmi les premières, on trouvera la mise en place d’une réserve qualitative permanente, la restructuration qualitative du vignoble ou encore le suivi économique des appellations pour décider des mesures d’ajustement et de maîtrise des rendements.
Les secondes concernent plus particulièrement la politique de promotion et les pratiques nouvelles (bouchage par capsules à vis, « bag in box », etc.).
Les troisièmes vont plus loin dans l’élaboration même du produit et son agrément, celui-ci pouvant être prolongé jusqu’aux exploitations, ce qui pourrait signifier pour celles jugées inaptes à une production de qualité l’obligation d’aller faire travailler leur vendange par d’autres. Le CIVB envisage également de réformer le système d’agrément des vins d’appellation avec un contrôle par lots avant la mise en bouteille, alors qu’actuellement, les viticulteurs ne présentent qu’un seul échantillon pour l’ensemble de leur récolte. À terme, ce contrôle de qualité impliquerait la création d’un organisme de contrôle indépendant des vins pour offrir une meilleure garantie aux consommateurs. Le mode de financement de l’organisme n’est pas précisé.
Dans ses intentions : recherche de la qualité, promotion du produit, relance de l’activité commerciale, le projet du CIVB n’est pas critiquable. Reste les méthodes pour y parvenir et que le Comité interprofessionnel va se rapprocher des instances institutionnelles (Inao, Onivins…) et des administrations de tutelle pour les expérimenter. Les mauvaises langues prétendront qu’en rendant publiques leurs propositions avant que René Renou présente les siennes, les Bordelais ont coupé l’herbe sous les pieds du président « vins » de l’Inao. Les bonnes diront qu’ils lui ont facilité la tâche.