Marché français
Une difficile répercussion de la hausse des cours du porc
En France, la hausse récente de 20 % des cours de la viande porcine profite aux éleveurs, mais se répercute difficilement auprès de la grande distribution, menaçant l’avenir de certains transformateurs et abatteurs.
En France, la hausse récente de 20 % des cours de la viande porcine profite aux éleveurs, mais se répercute difficilement auprès de la grande distribution, menaçant l’avenir de certains transformateurs et abatteurs.
« Inédite ». C’est de cette façon que les industriels français de la viande porcine qualifient la situation du marché mondial actuelle, avec des cours fortement en hausse ces derniers mois. Cette hausse est due à l’explosion de la demande en viande de porc en provenance de l’Asie du Sud-Est, dont les cheptels sont touchés par la peste porcine africaine (PPA). La Chine a vu sa production s’effondrer au cours des derniers mois, entraînant une baisse de 10 % sur un marché mondial dont le pays est le véritable moteur. Ses voisins – Taïwan, Corée du Nord, Hong Kong, Mongolie, Vietnam, Laos, Cambodge – connaissent une situation similaire.
En parallèle, la Chine a fermé le marché canadien pour des raisons sanitaires et les importations de viande de porc en provenance des États-Unis sont en chute libre à cause des surtaxes mises en place par le pays asiatique face à l'administration Trump. Conséquence : le pays se tourne majoritairement vers l’Union européenne, dont la production demeure stable depuis plusieurs années, et le Brésil. L’explosion de la demande aboutit à « une conjoncture favorable pour les filières porcines occidentales, notamment françaises », affirme Guillaume Roué, président d’Inaporc.
Les cours grimpent de 0,10 € par kg par semaine
La Chine est devenue le premier client de la France, dépassant dorénavant l’Italie. En mai 2019, les exportations de viande porcine vers le pays asiatique ont grimpé de 40 % par rapport à mai 2018. « Ce chiffre est toutefois à relativiser, car nous leur vendons 70 % de coproduits (têtes, pattes, abats, oreilles…, ndlr) », tempère Paul Rouche, directeur délégué de Culture Viande.
La demande fait actuellement grimper les cours de « 0,10 € par kg par semaine, car les acteurs de la filière porcine chinoise anticipent la raréfaction de la viande lorsque tous leurs stocks seront écoulés », selon un opérateur important de la viande porcine, qui souhaite rester dans l'anonymat.
La viande de porc reste peu chère en France
La hausse des cours a entraîné en France une augmentation des prix à la production de 20 %, qui éprouve de grosses difficultés à être répercutée sur le marché national. « Nous sommes quand même l’un des pays du monde où la viande de porc est la moins chère, nous avons de la marge pour augmenter les prix à la vente », précise Paul Rouche.
« Aujourd’hui, les références pourraient en moyenne être vendues à 1 € de plus le kg, cela reviendrait à 32 € de plus par an par habitant. Cette augmentation est raisonnable. Il ne faut pas non plus tomber dans l’excès opposé et trop tirer les prix vers le haut. Cela ferait diminuer la consommation de viande de porc, ce n’est surtout pas le moment », explique Guillaume Roué.
Par ailleurs, cette situation mondiale jouit d’une certaine durabilité. « L’Asie aura besoin d’un ou deux cycles de porc, c’est-à-dire 3 ou 6 ans, pour se restructurer et produire à des volumes suffisants pour leur propre marché », ajoute Guillaume Roué.
Un risque de déstructuration des entreprises
La distribution a aujourd’hui accru ses tarifs de 8 % sur les produits à base de viande de porc, mais « cela reste insuffisant comparé à la hausse des cours de 20 % », prévient Paul Rouche. « La filière est inquiète pour la fin de cette phase de transition. Car lorsque les stocks de viande en Chine seront épuisés, nous ferons face à une nouvelle hausse des cours », rapporte un opérateur de la viande porcine.
Intermarché est l’enseigne qui renégocie le plus ses prix
Abatteurs, transformateurs et tout particulièrement les salaisonniers sont en grande difficulté en ce moment et doivent expliquer la situation aux distributeurs. « Ces discussions peuvent prendre du temps. L’enseigne la plus ouverte pour renégocier ses prix est Intermarché », signale Paul Rouche. « Si la distribution refuse de revoir ses tarifs à la hausse, de nombreuses entreprises risquent de disparaître », avertit Guillaume Roué.
Une occasion pour les éleveurs
La filière montre une volonté de faire profiter aux éleveurs des cours hauts. Fin février, les contrats de la loi Egalim ont été signés sur des cours bas, à 1,17 € le kg, qui n’a rien à voir avec les 1,52 € actuels. « Pas un éleveur ne nous demande la mise en place de la loi aujourd’hui, plaisante Paul Rouche, ces cours hauts présentent une opportunité pour eux après quelques années difficiles. » « Cela leur laisse un choix : sortir du métier en se désendettant ou continuer en réinvestissant pour moderniser leur élevage » au niveau des infrastructures et du matériel, complète un opérateur de la viande porcine.
« Le marché a besoin de temps pour s’équilibrer. La Chine s’orientera vers d’autres productions telles que le bœuf et la volaille, et entraînera une hausse de l’offre mondiale. Cela ne changera rien pour la France, car nous ne sommes pas assez compétitifs sur ces marchés », conclut Paul Rouche.