Relations commerciales
Un effet Covid-19 : le transport s’invite dans les décisions commerciales
À l’importation de matières premières jusque dans la livraison des plateformes des distributeurs, le transport a été – et reste – perturbé du fait de la crise sanitaire. Il entre pleinement dans les décisions d’achat et de vente.
À l’importation de matières premières jusque dans la livraison des plateformes des distributeurs, le transport a été – et reste – perturbé du fait de la crise sanitaire. Il entre pleinement dans les décisions d’achat et de vente.
« La crise de la Covid-19 a tout d’abord rappelé combien la chaîne logistique française était stratégique pour notre économie, rappelle Isabelle Bernet-Denin, nouvelle directrice générale de la Confédération française du commerce de gros interentreprises (CGI). Au premier confinement, il a fallu basculer du jour au lendemain 20 % de l’alimentation du circuit de la RHD vers celui du commerce de détail. Le tout, en continuant de gérer l’approvisionnement de la restauration médico-sociale. » Les grossistes, comme les prestataires de la logistique, ont déployé beaucoup d’agilité et rempli correctement leurs missions. Isabelle Bernet-Denin met aussi en avant le dialogue qui s’est noué entre pouvoirs publics, acteurs de l’alimentaire en compte propre et transporteurs. « Cela ne s’est pas fait sans heurts ni tensions, souligne-t-elle. Néanmoins, cette concertation tripartite a permis de maintenir la continuité de l’approvisionnement alimentaire et, au-delà, d’accompagner la reprise de l’activité une fois le premier confinement levé. » On estime à la CGI que cet effort de dialogue ne s’est pas démenti depuis.
Des camions n’attendaient pas au pied de l’usine
Les tensions tarifaires sont cependant vite apparues. Principalement en raison des retours à vide de camions quand beaucoup d’activités, ainsi qu’une grande part de la RHD, se sont arrêtées brutalement. Ce dérèglement s’est beaucoup atténué avec le second confinement. « Il y a eu beaucoup plus d’anticipations », commente Alexis Degouy, délégué général de l’union Transport et logistique de France (TLF). Secondairement du fait des mesures sanitaires en entrepôt et à bord des véhicules. L’approvisionnement exceptionnel des grandes surfaces a pu aussi entraîner des hausses tarifaires. « Des camions n’attendaient pas au pied de l’usine », ironise un industriel. Les tensions tarifaires sont demeurées mesurées, considère-t-on à la CGI. Ce que divers industriels de l’alimentaire confirment.
Des prétentions tarifaires douchées
Les prétentions de Stef et STG, en mars 2020, d’augmenter leurs tarifs de base de 8,5 % et 8,75 % respectivement, ont été douchées. « Les autres transporteurs ne suivaient pas », interprète un industriel du surgelé. Cette tentative des deux leaders du transport a pu profiter à des concurrents. Ainsi, le transporteur Dumont a été choisi par Defroidmont, fabricant dans le Nord des pâtisseries du Nord. Il livre les distributeurs de la Belgique jusqu’à la région parisienne et fait appel à des transporteurs partenaires dans les départements qu’il ne dessert pas.
Proposition de « hausse de tarif hors norme » pour 2021
Les transporteurs vont toutefois chercher à intégrer leurs coûts liés à la crise sanitaire dans leurs contrats et prestations de 2021. Le Comité national routier (CNR) a évalué en octobre 2020 l’impact moyen de celle-ci sur les coûts de fonctionnement selon quatre facteurs. Le graphique ci-contre est un extrait de la synthèse du CNR. À noter que celle-ci ne prend pas en compte le second confinement. Des industriels sont déjà prévenus de hausses par leurs prestataires. Ainsi, un fournisseur de produits de la mer surgelés d’importation s’attend à des augmentations de la part de Stef, « surtout en groupage (plusieurs expéditeurs dans le même camion, NDLR), pas tellement en camion complet », précise-t-il. Un industriel de l’ultrafrais, implanté dans l’Est, s’est vu proposer par STG une « hausse de tarif hors norme », dit-il, de l’ordre de 15 % (1 à 3 % étant la norme).
Les perspectives de hausse sont moins évidentes pour les transports routiers en Europe, échelon auquel la concurrence opère davantage. Pour le 4e trimestre 2020, le taux de fret routier européen a reculé, selon le rapport Upply et la société d’analyse de données Ti. Une dépêche AFP rapporte ce recul : 1 % en moyenne par rapport au 3e trimestre et 1,2 % par rapport au 4e trimestre 2019. Upply envisage une reprise européenne du transport routier au deuxième trimestre de 2021.
Des distributeurs plus souples ?
Du côté du fret maritime, la Covid-19 a des effets très manifestes en Asie depuis la fin 2020 : triplement, voire quadruplement des taux de fret en conteneurs, lié au dynamisme des importations de biens de consommation ; en Chine, engorgements du fait des contrôles sanitaires, risques de retours des bateaux ou de destruction de marchandises.
La grande distribution se montrera-t-elle plus à l’écoute qu’au premier confinement, quand les pénalités de retard ont plu sur ses fournisseurs de produits frais en rupture de stocks ? Sera-t-elle aussi souple qu’ont su l’être les transporteurs ? Un industriel de l’Est témoigne qu’à l’issue du premier confinement, seul Intermarché a assoupli ses règles de durée de vie des produits frais pour absorber les stocks des industriels.