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Sous tension, l’industrie vante ses services aux filières

Réunis en assemblée générale à Arras le 19 mai dernier, les industriels de la nutrition animale ont acté la perte de 800 000 tonnes de 2016, mais ils ont surtout insisté sur la valeur qu’ils apportent aux filières animales et à l’agriculture en général. Compte rendu des débats.

Avec une perte de volume de 800 000 tonnes (t), la production française d’aliments pour animaux a particulièrement souffert de la situation des filières animales en 2016. Elle enregistre des baisses de volume dans toutes les espèces : -4,7 % en aliments pour bovins, -3,8 % en porcs et -3,6 % en volailles. La crise de l’influenza aviaire a évidemment pesé lourd. Elle est responsable de la perte de 200 000 tonnes de production d’aliments, supportée par les seules entreprises, sans compensation de l’État.

Les tensions sont réelles en porcs, filière qui, malgré l’embellie liée à l’exportation, reste fragile, et surtout en bovins avec la crise laitière qui dure. Les fabricants d’aliments pour animaux privés ne pouvaient qu’acter ce triste record lors de leur assemblée générale, ce vendredi 19 mai à Arras.

Faire reconnaître leurs actions

Pour François Christian Cholat, président du Syndicat national de l’industrie animale (Snia) depuis un an, il faut cependant savoir tirer les leçons des crises et rebondir. Pour cela, le collectif prime. « Je commencerai par l’exemple de la filière porcine qui, depuis plusieurs mois, va mieux. Elle confirme que pour que toute la filière s’en sorte, il faut avoir accès aux marchés, aux clefs de la compétitivité et disposer de prix rémunérateurs à la production. Cette crise qui a duré longtemps doit être riche d’expérience », déclare-t-il. Il milite notamment pour la mise en place d’outils de gestion de risques.

Il reste prudent quant aux montées en gamme systématiques des produits animaux, notamment en volailles. La production française perd en effet encore des points au-delà des conséquences de la seule influenza aviaire, et cela, malgré la hausse de la consommation. « La montée en gamme des produits de la ferme France apportera de la valeur ajoutée. Oui, mais seulement si elle se traduit par des achats des consommateurs. Nous segmentons l’offre, c’est une bonne recette, mais nous ne devons pas perdre de vue la compétitivité. Nous sommes dans un marché ouvert, il serait suicidaire de penser autrement », expose le président.

Il n’est ainsi pour lui pas question de se cantonner aux seuls segments différenciés, mais de trouver des solutions pour alimenter les consommateurs matin, midi et soir, semaine, week-end et fêtes compris. Pour lui, dont l’entreprise opère en région Paca particulièrement riche en signes officiels de qualité : « ce que les filières qualité ont réussi à faire, avec les fabricants d’aliments autour de la table, est reproductible pour d’autres filières ».

Un investissement pour l’élevage

« L’alimentation animale pour un élevage est un investissement qui rapporte, pas un coût. Je pense même que c’est l’investissement le plus rentable en élevage. Écarter les éleveurs des solutions que nous proposons, c’est les soustraire à de réelles chances de réussite », insiste-t-il. Il n’hésite pas à parler d’éleveurs mal préparés aux crises, car mal conseillés notamment en matière de surmécanisation.

Pour François Christian Cholat, l’une des clés c’est le travail collectif : que ce soit en matière de qualité comme le montre le succès d’Oqualim ou de construction de solutions fixées dans les cahiers des charges si les fabricants d’aliments sont associés très en amont. Pour Bernard Mahé, directeur de Sanders, c’est le cas dans des filières porcines du Sud-Ouest comme dans des filières laitières des Hauts-de-France.

« Sans les fabricants d’aliments, nous n’aurions pas pu construire notre cahier des charges Via Lacta », confirme Sandrine Delory, directrice générale de la laiterie Prospérité fermière/Ingrédia. La coopérative a choisi la voie de la différenciation sur le marché international des ingrédients issus du lait comme réponse à la crise laitière. Elle a lancé en avril dernier une démarche construite sur trois piliers : un pâturage minimal tant en surface qu’en durée, un hiver passé sur paille et une alimentation sans OGM. Pleinement opérationnel à l’automne prochain en raison du délai de conversion au sans OGM, ce projet s’inscrit dans l’ensemble de la démarche RSE que les clients industriels, tant français qu’étrangers apprécient, car elle contribue à leur propre positionnement. « Il ne faut pas confondre sans OGM et RSE », pointe toutefois Christophe Callu-Mérite, responsable des achats de protéines chez Feed Alliance.

500 000 t de soja certifié France d’ici cinq ans

« Si la France, l’Italie et l’Allemagne sont sensibles aux OGM, les Anglais, les Espagnols et les Portugais ne s’y intéressent pas et les Scandinaves sont plutôt demandeurs de soja durable », précise-t-il. Il ne compte pas moins de dix-sept segments différents de soja dont il peut assurer l’approvisionnement selon la demande des clients, demande qui doit être claire, car toute segmentation sur l’approvisionnement a un coût.

S’y ajoute le tout nouveau « soja certifié France » dont la charte a été lancée au dernier Salon de l’agriculture et qui pourrait, si tout se déroule selon le projet de ses créateurs (dont Terres Univia), fournir 500 000 t de graines sans OGM d’ici à cinq ans… tout juste le volume de graines actuellement importées. Les fabricants d’aliments sont plus que disposés à valoriser cette nouvelle source de matières premières françaises. Pour autant, bien sûr, que son prix reste compatible avec les contraintes de leurs clients éleveurs, transformateurs, distributeurs et consommateurs…

Valoriser les coproduits

L’alimentation animale au sens large (aliments pour animaux d’élevage, mash, aquaculture mais aussi petfood) constitue le second marché pour un industriel comme Roquette dont les usines produisent environ 40 % de coproduits. « Le groupe commercialise plus de 2 Mt de coproduits très divers dont la valorisation est indispensable à sa santé économique », explique Hervé Catteau, directeur des ventes nutrition animale Europe de Roquette. C’est la même chose pour la filière biocarburant tant pour les tourteaux de colza que les drèches. Ces coproduits participent à la réduction de la dépendance protéique de la France. D’où l’inquiétude, portée par Antoine Henrion, président de Terres Univia lors de l’assemblée générale du Snia, des répercussions potentielles d’une nouvelle réduction de l’incorporation des biocarburants de 3,8 % inscrite dans la récente proposition de la Commission européenne.

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