Europe
Segmentation des volailles : vers un grand chambardement
De nombreux distributeurs européens mais aussi des acteurs de la restauration rapide et des utilisateurs de poulets ingrédients se sont engagés à horizon 2026 dans l’European Chicken Commitment. Quelles conséquences sur la segmentation ?
La crise liée à la Covid-19 est un accélérateur de tendances. La volaille tire pour l’instant son épingle du jeu tout en connaissant un réel tiraillement sous la pression des demandes en faveur du bien-être animal. L’action coordonnée des ONG avec l’European Chicken Commitment (ECC) devrait se généraliser en 2026 pour les poulets ingrédients dans les GMS et la restauration rapide. Quoique de nature privée, elle chamboule déjà l’aviculture européenne. François Cadudal de l’Itavi souligne les deux contraintes majeures sur lesquelles s’appuie la réglementation européenne en matière d’élevage et de commercialisation de viande : la densité intérieure (de 42 à 21 kg/m2) et la génétique (croissance lente, intermédiaire, rapide), deux critères actionnés par l’ECC (30 kg/m2, croissance lente).
Les surcoûts liés aux contraintes ECC
À l’issue de son étude dans cinq pays européens (France, Allemagne, Pays-Bas, Royaume-Uni, Pologne), il montre que l’écart entre les coûts de production d’un poulet standard et d’un ECC est de l’ordre de 23 à 25 %, sauf en Pologne (20 %). Dans l’Hexagone comme aux Pays-Bas, l’ECC va entrer en compétition surtout avec le segment standard supérieur. Pour la France, qui a déjà du mal à garder ses frontières, le risque est grand, car un tel cahier des charges européen va soutenir une concurrence européenne.
Une organisation nationale des rayons
Depuis le début des années 2000, plusieurs démarches nationales veulent faire évoluer les standards de production, à l’instar du Red Tractor (au Royaume-Uni - 2000), de Kip van Morgen (aux Pays-Bas - 2013) ou de l’Initiative Tierwohl (en Allemagne - 2015).
Au niveau européen, le règlement 543/2008 s’intéresse aux poulets d’élevage alternatif et fixe les règles minimales pour quatre grandes allégations. La moins contraignante concerne le poulet extensif en intérieur ou certifié (56 jours d’élevage au minimum donc une souche à croissance intermédiaire, 15 poulets par m2). Il se rapproche des 30 kg/m2 de l’ECC.
Vient ensuite le poulet fermier ou free range – pas de durée minimale d’élevage, concentration maximale de 13 poulets par m2 et 1 m2 de parcours minimum par animal. Ce segment ne représente pas plus de 100 000 poulets par semaine en France, mais est apprécié aux Pays-Bas, en Allemagne et au Royaume-Uni.
De son côté, le poulet traditionnel élevé en plein air – 81 jours au minimum, 12 poulets par m2 ; 2 m2 de parcours minimum – doit recevoir une alimentation comportant au moins 70 % de céréales et dans un élevage de moins de 1 600 m2 (chaque bâtiment de 400 m2 max).
Enfin, le poulet traditionnel élevé en liberté dispose d’un parcours encore plus grand (au moins 4 m2 par poulet). Il correspond au label Rouge français. S’y ajoutent les poulets AB (21 kg max par m2, parcours de 4 m2 par poulet). La France force sur le plein air haut de gamme (20 %), tout au moins pour les poulets entiers. Mais, concurrencée sur le standard, elle montre aussi une faiblesse quantitative et conceptuelle de son segment intermédiaire certifié, estime François Cadudal. La Cafel (Loué) veut s’emparer de ce créneau avec sa gamme Plein Champ. D’autres opérateurs réfléchissent plutôt à faire monter en gamme les élevages standards.