Chronique
Secrets d’affaires : la directive européenne transposée
La France vient de transposer dans une version minimale la directive communautaire sur la protection des secrets d’affaires. Une avancée pour les PME.
La protection des secrets d’affaires appartient à cette catégorie de sujets qui suscitent des inquiétudes, parfois éloignées des enjeux réels qu’il s’agit de protéger, et donc des résistances. En 2015, ces craintes ont eu raison d’un projet de loi qui était une initiative purement française, puisque se situant avant l’adoption de la directive communautaire sur ce sujet, laquelle a été adoptée le 8 juin 2016.
La critique la plus récurrente à l’endroit de ce projet concernait la prétendue atteinte à la liberté d’informer, alors même qu’il était admis que ce texte ne concernerait ni les journalistes, ni les lanceurs d’alerte, ni le droit d’information des comités d’entreprise.
Mais qu’à cela ne tienne : le texte de 2015 n’a pas été adopté. Les critiques qui l’accompagnaient, elles, ont largement survécu à l’adoption de la directive susvisée, pour surgir à nouveau telles quelles lors des débats parlementaires préalables à l’adoption de la loi du 30 juillet 2018 transposant en droit français cette directive.
Des enjeux clairement identifiés
Si cette loi est extrêmement succincte, l’exposé des motifs de la directive est, lui, remarquable de clarté et d’exhaustivité quant aux enjeux d’une protection efficace des secrets d’affaires. Les entreprises investissent aujourd’hui massivement dans l’obtention, le développement et l’utilisation d’un savoir-faire afin de se démarquer sur leurs marchés pour profiter légitimement d’un avantage concurrentiel.
Certaines innovations bénéficient d’une protection dédiée, comme les droits de propriété intellectuelle, par exemple, mais d’autres ne peuvent accéder à cette protection spécifique et n’en ont pas moins une valeur économique très importante pour leurs détenteurs.
C’est pourquoi la jurisprudence sanctionne parfois sur le terrain du parasitisme ou de la concurrence déloyale l’atteinte portée à une telle valeur économique non susceptible de protection intellectuelle par un opérateur. Pour donner un exemple significatif, la confection d’un parfum ou l’élaboration d’une recette de cuisine ne sont, jusqu’à présent, pas susceptibles de protection par le droit d’auteur, mais cela ne signifie pas que leur développement et mise au point n’ont pas nécessité de lourds investissements, supportés très souvent par des entreprises de taille modeste, ce que le préambule de la directive met parfaitement en évidence.
Ainsi, la réglementation a vocation à protéger une majorité d’entreprises de taille petite et moyenne qui n’ont pas forcément des budgets à consacrer à leur protection, alors que les critiques avaient les grosses, voire très grosses, entreprises dans le viseur.
Le constat de 2016 était que les États membres étaient bien conscients des enjeux, mais n’avaient globalement pas de protection efficace dans leur arsenal juridique, et ces droits nationaux n’étaient pas homogènes.
D’où l’adoption d’une directive destinée à harmoniser a minima les droits des États membres autour de quelques idées simples : une définition de l’information protégée, du détenteur légitime, du régime applicable à la divulgation illicite et sa réparation, et une reprise des exceptions au profit des journalistes, des lanceurs d’alerte et des comités d’entreprise.
Fichiers clients ou stratégie commerciale protégés
La France a fait le choix, presque dans les délais, d’une transposition minimale. La définition de l’information protégée est identique à la directive quant à son contenu. Il s’agit de toute information qui n’est pas (en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exact de ses éléments) généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’information, qui revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret, et qui fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables pour en conserver le caractère secret.
Peuvent ainsi être notamment compris tous fichiers clients ou fournisseurs, stratégie marketing ou commerciale dès lors qu’ils ont une valeur et que des mesures raisonnables sont mises en œuvre pour conserver le secret.
C’est une avancée majeure !
Maître Didier Le Goff
Fort d’une expérience de plus de 25 années dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé, en 2016, une structure dédiée à l’entreprise pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en Master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire tant en droit national qu’européen ou international.
18, av. de l’Opéra, Paris Ier – www.dlegoff-avocat.fr