Quel nom pour les alternatives à la viande ?
Le marché des alternatives végétales à la viande est en plein essor. Mais toute innovation alimentaire s’accompagne souvent de contraintes réglementaires, et la dénomination de ces alternatives préoccupe actuellement les acteurs.
Conformément au règlement européen sur l’information des consommateurs, toute denrée alimentaire doit obligatoirement avoir une dénomination qui peut être une dénomination légale ou, si elle n’existe pas, un nom usuel ou, enfin, si un tel nom n’existe pas, un nom descriptif.
Les produits végétaux se heurtent, en France, à cette question. En effet, le législateur a introduit, dès 2020, dans le Code de la consommation, un article L.412-10 qui interdit que les denrées contenant des protéines végétales emploient des dénominations utilisées pour désigner les denrées alimentaires d’origine animale. L’application de ce texte restait subordonnée à la publication d’un décret.
Publication d’un décret
Celui-ci a finalement été publié le 29 juin 2022 – soit plus de deux ans après l’adoption de la loi. Il précise qu’à compter du 1er octobre « il est interdit d’utiliser, pour désigner un produit transformé contenant des protéines végétales : une dénomination légale pour laquelle aucun ajout de protéines végétales n’est prévu par les règles définissant la composition de la denrée alimentaire concernée ; une dénomination faisant référence aux noms des espèces et groupes d’espèces animales, à la morphologie ou à l’anatomie animale ; une dénomination utilisant la terminologie spécifique de la boucherie, de la charcuterie ou de la poissonnerie ; une dénomination d’une denrée alimentaire d’origine animale représentative des usages commerciaux ».
Face à l’étendue de cette interdiction et à la difficulté d’imaginer, dans le court laps de temps laissé, un nouveau vocable végétal complet, les acteurs de la filière ont été pris de panique.
Aussi l’association Protéines France a demandé, en référé, une suspension de l’application dudit décret, à laquelle le Conseil d’État a fait droit, par une ordonnance du 27 juillet 2022, aux motifs qu’« en se bornant à faire valoir l’objectif d’information des consommateurs poursuivi par le décret contesté, alors que celui-ci vient modifier des pratiques établies de longue date, l’administration n’établit pas d’urgence s’attachant à un intérêt public imposant l’exécution de la mesure ».
Un sursis pour les opérateurs des protéines végétales
Ce sursis accordé aux opérateurs de la filière semble légitime tant les dénominations telles que « steak végétal » ou « saucisses végétales » sont descriptives. Cet argument a convaincu le Conseil d’État qui a reconnu que « certains termes que le décret, tel qu’interprété par l’administration, entendrait interdire, pourraient correspondre à de tels noms usuels ou, à défaut, noms descriptifs. »
En effet, une boulette n’est autre qu’une « petite boule façonnée à la main » et le nugget, une « croquette panée et frite », selon la définition du Robert en ligne.
Seul un jugement sur le fond permettra de déterminer si le décret est définitivement annulé, pour l’heure (et pour plusieurs années). La tentative de la France reste, à ce jour, un cas isolé. Ces dénominations ne sont interdites ni dans les autres États membres ni au niveau européen, et ce, malgré une tentative d’amendement du Parlement européen en 2019 dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune *.
En conclusion, il serait souhaitable que les filières apprennent à cohabiter et que les innovations ne soient pas systématiquement perçues comme des tentatives de parasiter les produits plus traditionnels.
Un autre débat ou… combat se profile : celui de la viande dite cellulaire. Bien qu’elle ne soit pas même autorisée, il faut s’attendre à ce que les dénominations « viande cellulaire » ou « viande cultivée » rencontrent des résistances plus vives encore que la « viande végétale ».
Katia Merten-Lentz, membre fondateur de FLS
FoodLawScience & Partners est un cabinet de niche, présent à Bruxelles et à Paris, spécialisé dans les domaines réglementés européens et, en particulier, le droit alimentaire. Katia Merten-Lentz est le membre fondateur de ce cabinet. Accompagnée de scientifiques et d’avocats, elle gère toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales et intervient, tant en conseil qu’en contentieux, auprès de toutes les filières et industries du secteur.