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Chronique
Promotions encadrées : quid des cartes de fidélité ?

La loi Alimentation permet au gouvernement d’encadrer les promotions, mais qu’en est-il des pratiques liées aux cartes de fidélité ? Explications. Ce sujet a été proposé par Michel Biero, directeur exécutif achats et marketing de Lidl France, rédacteur en chef invité des Marchés Hebdo.

Didier Le Goff, avocat.

La loi dite Alimentation promulguée le 1er novembre est le fruit des états généraux de l’alimentation achevés début 2018. L’un de ses objectifs majeurs était de conforter le revenu des producteurs, ce qui impliquait forcément d’exercer un contrôle plus prégnant sur les conditions de formation des prix de vente au consommateur. L’on se souvient de la promotion agressive présentant à la vente au consommateur une pâte à tartiner chocolatée à base de noisettes avec une démarque de 70 % en rayonnage, début 2018. Si cette affaire a fait grand bruit, c’est notamment parce qu’elle coïncidait avec les Egalim en cours.

Pourtant, il faut bien admettre qu’une promotion fréquente en rayonnage, du type « 3 pour le prix de 1 » revient à une réduction du même ordre de grandeur. En droit de la vente, lorsque le vendeur a livré sa marchandise et qu’il en a été payé, l’acheteur est libre de la commercialiser comme bon lui semble, sous réserve de ne pas la revendre à perte.

La prise en compte des services rendus

Or, dans la relation fournisseur/distributeur, le schéma décrit ci-dessus est des plus théoriques, puisque la loi permet de prendre en compte dans la finalisation du contrat prévu par les dispositions de l’article L441-7 du Code de commerce, les « services rendus par le distributeur aux consommateurs ou aux professionnels à l’occasion de la revente des produits du fournisseur » et même les « autres obligations destinées à favoriser la relation entre le fournisseur et le distributeur… »

Conforter le revenu des producteurs revenait donc nécessairement à remettre en cause, au moins pour partie, cette économie contractuelle, et c’est pourquoi la loi Alimentation a autorisé le gouvernement à encadrer, par une ordonnance (encore non publiée à l’heure du bouclage), les opérations promotionnelles financées par le distributeur ou le fournisseur portant sur la vente au consommateur de denrées alimentaires et de produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie.

Sous réserve de changements de dernière minute, les ordonnances devaient porter sur une double limitation des promotions : pas plus de 34 % du prix de vente au consommateur ou une augmentation de la quantité vendue équivalente, ces avantages promotionnels ne devant pas porter sur des produits représentant plus de 25 % du chiffre d’affaires prévisionnel prévu par la convention art. L441-7, ou par le contrat conforme à l’article L441-10 ou encore L442-9 du Code de commerce. La limitation viserait tous types d’avantages, qu’ils soient immédiats ou différés.

Ainsi, le « 3 pour le prix de 1 » ne sera plus possible, mais le « 3 pour le prix de 2 », toujours. Or, la promotion par le prix est l’ADN de la grande distribution, à l’instar de ce que le service associé représente pour la distribution sélective.

Autant dire que la grande distribution va devoir se réinventer pour continuer à fidéliser sa clientèle, au moment même où, d’une part, elle est attaquée une nouvelle concurrence, du type Amazon, et où, par ailleurs, une partie de la population est dans la rue pour défendre son pouvoir d’achat.

Fidélité par cagnottage

Et si la carte de fidélité par cagnottage était cet instrument idéal ? À travers cette technique de fidélisation, les distributeurs proposent pour l’achat de certains produits, des avantages financiers dont le montant est reporté sur une cagnotte liée à une carte de fidélité qui est souvent également un moyen de paiement.

En règle générale, l’avantage financier porte sur plusieurs produits, de sorte qu’il n’est pas possible de l’affecter à rebours à un produit en particulier (Ex : -10 % de cagnottage sur les poissons d’eau douce). En 2007, il avait été jugé que la clientèle liée à une carte de fidélité d’enseigne nationale n’est pas celle du point de vente qui l’a émise, mais bien celle de l’enseigne.

Et de son côté, l’Autorité de la concurrence, dans deux affaires passées, n’a pas retenu l’argument qui avait été invoqué, de l’effet des cartes de fidélité sur les prix pratiqués en caisse.

Cette technique serait donc compatible avec la nouvelle limite de 34 % du prix du produit, à condition de ne pas porter atteinte au seuil de 25 % en volume précité.

Maître Didier Le Goff

Fort d’une expérience de plus de 25 années dont près de 20 ans comme associé d’un cabinet parisien de premier ordre tourné vers le droit commercial et la vie des affaires, Maître Didier Le Goff a créé, en 2016, une structure dédiée à l’entreprise pour lui proposer des services adaptés, en conseil ou contentieux. Titulaire d’une mention de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, il a développé une compétence générale en droit économique qu’il enseigne en Master II Droit du marché de l’université de Nantes, avec une prédilection pour l’agroalimentaire tant en droit national qu’européen ou international.

18, av. de l’Opéra, Paris Ier – www.dlegoff-avocat.fr

L’avis de Michel Biero

«  Les 1+1 gratuits ou autres 2e à -50  % ne concernent que les marques nationales et sont le résultat de montages de plans d’affaires complexes et difficiles à comprendre pour le commun des mortels ! Quand une marque de distributeur veut faire de la promotion, il faut que la baisse accordée soit au maximum la marge dudit produit ! Autant dire que la loi n’aura que très peu d’impact sur les marques de distributeurs. La carte de fidélité par cagnottage est une promo comme toutes les autres et serait totalement déloyale si elle n’était pas concernée par la loi.  »

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