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Cotations
Pourquoi une telle chute des prix des œufs destinés à l'industrie ?

La pénurie d’œufs en France engendrée par l’Union a conduit à un bond des importations, qui ont contribué par la suite à faire chuter les prix. Si les achats de l’Hexagone tendent à se tasser, la Pologne, voire l’Ukraine, pourraient néanmoins continuer à chahuter le marché français dans les prochains mois.

oeufs coquilles cassées
La cotation des oeufs destnés aux casseries a été divisé par deux en moins de quatre mois !
© PublicDomainPictures

2,535 €/kg, c’est le record historique qu’a atteint, fin mars, le prix des œufs français départ élevage destinés aux casseries, selon la TNO, établie chaque jeudi, par Les Marchés. Fin juillet, cette cotation s’affichait à 1,09 €/kg. Elle a été divisée par plus de deux en quatre mois.

Sur le site Les Marchés, tous les articles parlant de l’évolution du marché et des prix des œufs, des entreprises du secteur, de l’actualité réglementaire, des tendances de consommation et de la filière sont disponibles à cette adresse : https://www.reussir.fr/lesmarches/oeufs
Cotation TNO industrie établie par Les Marchés, en €/kg

Que s’est-il passé ? Si le cours des œufs a été si élevé en mars, dépassant de 28 % son précédent pic de mars 2022, c’est bien sûr à cause de la grippe aviaire. Les cas dans les Pays-de-la-Loire en 2022 avaient sérieusement entamé le potentiel de production de la France « on a perdu 4 à 5 millions de poules, et eu beaucoup de difficultés pour remettre en place, les poussinières ne pouvant délivrer d’aussi grandes quantités de poulettes rapidement », explique Mohamed Bouzidi, chargé d’études économiques à l’Itavi. Ensuite, les cas de grippe aviaire dans les Côtes d’Armor en février 2023 ont donné un nouveau coup à la production française et la pénurie s’est installée.

Face au manque d’œufs, le recours aux importations

Pour y faire face, de nombreux utilisateurs d’ovoproduits ont ouvert leurs cahiers des charges, passant de l’origine France à l’origine UE. Les casseries françaises ont donc importé davantage d’œufs coquilles, certains de leurs clients optant même pour acheter directement des ovoproduits à des fabricants européens. C’est la Pologne qui a tiré le gros lot, « en 2022, cette origine ne comptait que pour 2 % des importations françaises d’ovoproduits, cette part est passé à 11 % sur les cinq premiers mois de 2023, soit 3 600 tonnes équivalent œuf coquille (téoc) », alerte Mohamed Bouzidi.

Les importations se tassent mais la menace reste

Depuis le mois de mars, les importations ralentissent. Ainsi en avril, les volumes d’œufs coquille importés en France se situaient 10 % sous leur niveau d’un an plus tôt, la baisse atteint 22 % en mai, « mais cela reste très supérieur aux niveaux de 2021 » nuance le chargé d’études.

"Les importations restent très supérieures aux niveaux de 2021", Mohamed Bouzidi

Même tendance en ovoproduit, avec une baisse de 15 % sur les cinq premiers mois de 2023. Actuellement, la production française se rétablit. « Les mises en place ont été très perturbées par la grippe aviaire, en 2023 on devrait rester 4 % sous le niveau de 2021 » estime Mohamed Bouzidi.

graphique Evolution de la production françaises d'oeufs

Ci dessus : Prévisions de production d'œufs - en millions d'œufs - prévisions basées sur les mises en place du premier semestre 2023,  établie par l'Itavi d'après SSP, CNPO

Mais les mises en place de poulettes de 1 jour ont bondi de 26 % en juin, « si on continue à ce rythme, on dépassera les mises en place de 2022, et on renouera avec la croissance de la production d’œufs en 2024 » avance l’analyste.

Un peu plus d’œufs français, des disponibilités européennes qui pèsent toujours, voilà qui se conjugue pour faire diminuer les prix. A cela s’ajoute un changement d’habitude, certains acteurs échaudés par des pénuries auraient passé des contrats avec l’étranger pour garantir leurs approvisionnements en cas de nouveaux cas de grippe aviaire. Et l’inflation bouleverse aussi la donne. Les achats des ménages des produits de grande consommation ont chuté, conduisant certains opérateurs à ralentir les fabrications, et donc leurs achats. C’est ainsi que fin juin la TNO industrie est repassée sous son niveau de l’an dernier, une première depuis l’été 2021. Les cours s'approchent peu à peu des coûts de production. Les réformes progressent, tout d'abord par un effet de rattrapage, avec les lots de poules qui ont été gardé plus longtemps. Mais les réservations auprès des abattoirs se bousculent dans les semaines à venir.

Attention aux flux d’importations potentiels

« La production se reprend en Pologne, après une chute l’an dernier liée à la hausse des coûts de production », rapporte Mohamed Bouzidi, qui alerte sur la compétitivité accrue du pays qui bénéficie d’un afflux de céréales ukrainiennes peu chères via l’accord de solidarité. Le renforcement, par la Russie, des hostilités en mer Noire pourrait conduire à une augmentation de ce transit ferroviaire et fluvial et une nouvelle dépréciation des prix de l’aliment en Pologne. « De plus, les Ukrainiens eux-mêmes commencent à se dire qu’au lieu d’exporter l’aliment volaille ils pourraient exporter des œufs. Une nouvelle ferme, proche de la frontière, qui va abriter 400 000 poules dans des cages aux normes UE va entrer en production. La compétitivité est encore plus forte puisque les prix des céréales ukrainiennes sont totalement déconnectés du marché mondial ».

Un afflux massif d’œufs ukrainiens vers l’Union européenne

Pendant les quatre premiers mois de l’année, les importations européennes d’œufs et d’ovoproduits en provenance d’Ukraine ont atteint 16 100 tonnes équivalent œufs coquille (téoc), c’est 9 fois plus que sur la même période de 2022 (1 723 téoc) ! Il n’y a pas d’importations directes depuis la France, les envois se font principalement vers la Pologne, la Lettonie et les Pays-Bas. « Mais il est possible que des œufs ukrainiens soient transformés en ovoproduits en Pologne et envoyés vers la France, apparaissant dans les données douanières comme polonais », nuance Mohamed Bouzidi. Les exportations d’œufs coquilles ont bondi de 700 % et ceux d’ovoproduits secs ont été carrément multipliés par 35, à 4 066 téoc. « C’est logique, afin de maximiser les gains, ce sont des produits de forte valeur ajoutée, stockables, moins chers à transporter et avec moins de droits de douane » décrypte Mohamed Bouzidi. Les professionnels européens ont multiplié les alertes à ce sujet, en demandant à activer la clause de sauvegarde.

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