Relations commerciales
Négociations : rien ne va plus dans les box !
À peine quelques semaines après la fin des états généraux de l’alimentation, les acteurs de l’industrie se plaignent du non-respect de la charte censée apaiser les tensions. La guerre des prix est toujours là et l’esprit des états généraux bien loin.
Comme le craignaient bon nombre d’acteurs à la sortie des états généraux de l’alimentation, rien n’a changé dans les box. À un mois de la clôture des négociations commerciales annuelles sur les marques nationales, les industriels sont unanimes sur un premier constat : la guerre des prix est toujours présente, et on est loin d’un contexte constructif autour de la valeur ou de la notion de responsabilité sociétale des entreprises. « Il y a malheureusement un fort décalage entre la volonté de redonner un sens à la valeur des produits alimentaires, partagée par tous les acteurs de la filière lors des états généraux de l’alimentation, et la réalité des discussions qui se tiennent depuis plusieurs semaines », déplore Coop de France. La fédération des coopératives confirme « le maintien de pratiques abusives habituelles comme les demandes systématiques de déflation, les compensations de perte de marges, les compléments de budget promotionnel sans impact de volume, les pénalités automatiques, etc. »
Déflation et promotion
L’observatoire des négociations commerciales de l’Association nationale des industries alimentaires (Ania) met en avant de nouveau « des menaces de déréférencement, des demandes massives de déflation, des pressions économiques inacceptables sur les partenaires, des comportements contraires à la loi ». Selon l’Ania, « les signalements de mauvaises pratiques commerciales de la grande distribution à l’encontre des entreprises alimentaires sont encore plus nombreux que l’année dernière ».
Toutes les enseignes demandent une fois encore des baisses de prix
Richard Girardot, PDG de Nestlé France, a pris la parole via son blog pour dénoncer des engagements « bafoués » par la grande distribution. « Dans le cadre des négociations commerciales annuelles, toutes les enseignes demandent une fois encore des baisses de prix… qui viendront une année de plus détruire de la valeur et alimenter la guerre des prix », écrit-il.
Le PDG s’interroge également sur les promotions mises en place pour les distributeurs, « -50 % à Carrefour », « -70 % à Intermarché », « du 1+1 gratuit à Géant Casino » ou encore « 40 % de remise immédiate à Cora ». « Toutes ces promotions sont évidemment annoncées à coups de dépenses publicitaires énormes et semblent bien loin des engagements de retour à la raison pris par les enseignes vis-à-vis des plus hautes autorités de l’État (-34 %) », argue Richard Girardot.
Renforcement des contrôles
Le ministre de l’Alimentation, Stéphane Travert, a bien du mal à faire respecter sa charte de bonnes pratiques. Les premiers éléments issus des contrôles en cours de la DGCCRF et les échanges qui ont eu lieu avec les différents maillons de la chaîne le 19 janvier dernier ont mis en lumière « une application inégale de la charte et l’existence de marges de progrès dans la conduite des négociations », indique le ministère.
À la suite d’une réunion du comité de suivi, le ministre de l’Alimentation et Delphine Gény-Stephann, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, ont appelé les acteurs à la responsabilité et au respect de leurs engagements. Stéphane Travert a notamment menacé les distributeurs d’une augmentation des contrôles de la DGCCRF pour obliger la distribution à suivre la charte, en attendant la future loi sur l’alimentation.
L’année dernière, ces contrôles avaient amené à 9 assignations, 230 procédures de sanction administrative à l’encontre de la grande distribution, représentant près de 15 millions d’euros d’amendes. Le médiateur des relations commerciales agricoles va également rencontrer les différents maillons de la chaîne afin d’approfondir les éléments fournis et d’échanger sur des pistes d’amélioration.
Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a été saisie et rendra un avis pour clarifier les possibilités d’action offertes aux acteurs du secteur agricole de structurer les filières, notamment en adaptant l’offre à la demande, au regard de l’application du droit de la concurrence.
Un nouveau comité de suivi fin février
Mais pour l’heure, chacun se rejette le manque d’avancées et campe sur ses positions. Cette situation a fait réagir le président de la République, Emmanuel Macron, qui a menacé la grande distribution de dénoncer les mauvaises pratiques : le fameux « name and shame ».
Nous dirons aux consommateurs citoyens français qui fait quoi
« S’il n’y a pas de changement dans les dernières semaines de négociations, nous dirons aux consommateurs citoyens français qui fait quoi » dans ces négociations commerciales, a-t-il déclaré à l’occasion de ses vœux aux agriculteurs en Auvergne le 25 janvier dernier. Un second comité de suivi des négociations commerciales devrait être organisé à l’initiative des ministères de l’Agriculture et de l’Économie d’ici à fin février, avant le Salon de l’agriculture.