L’influenza aviaire : un fléau mondial aux lourdes conséquences
Le virus H5N8 frappe l’Union européenne et plus particulièrement la France. Une déveine pour le Sud-Ouest et le grand export. État des lieux et mise en perspective des épisodes les plus graves dans le monde au cours des dernières années.
Deux pays européens producteurs de foies gras, France et Hongrie, paieront un lourd tribut à l’influenza aviaire hautement pathogène H5N8. Les oiseaux migrateurs diffusent largement ce virus depuis l’automne, partant du nord de l’Europe jusqu’en Inde et, traversant la Méditerranée, jusqu’en Afrique subsaharienne. Celui-ci a la particularité d’être hautement pathogène chez les palmipèdes. Sa présence s’est confirmée en France, dans le Tarn, le 1er décembre puis rapidement dans le Gers, les Landes et d’autres départements limitrophes où elle s’est diffusée en tache d’huile. Une expansion contrée par l’abattage massif dans les poches de contamination. Plus de 120 élevages français étaient atteints à la mi-janvier.
À l’échelon de l’Union européenne, l’Efsa a recensé plus de 800 cas, la moitié en élevages. Un rapport d’expertise britannique désignait en décembre les canards et oies comme étant les espèces les plus affectées. Le système mondial d’information (Wahis) de l’Organisation internationale de la santé animale (OIE) permet de suivre au jour le jour la progression de l’influenza en Europe. Selon les estimations données par l’expert Neo Mapitse, cet épisode pourrait coûter à l’Union européenne (UE) jusqu’à 3,72 millions de têtes en destruction de population.
Plus de 30 millions de têtes en Corée du Sud
Pour autant, le sacrifice européen de l’hiver 2016-2017 sera modéré en comparaison de ceux de la Corée du Sud, cet hiver et en 2014, et de celui des États-Unis en 2015. Les autorités coréennes ont annoncé début janvier que plus de 30 millions de volailles, essentiellement des poules pondeuses, seraient abattues à cause du virus hautement pathogène H5N6 sévissant actuellement en Asie (lire aussi p. 19). C’est plus du double du dramatique précédent de 14 millions de têtes en 2014. Aux États-Unis en 2015, plus de 15 millions de volailles, essentiellement des dindes et poules pondeuses, avaient été euthanasiées pour cause de virus H5N2.
À plus petite échelle, le Nigeria se rapproche aujourd’hui de 3 millions de volailles abattues, essentiellement des poules pondeuses, à cause d’un virus H5N1 (comme en Europe l’an dernier) ; tandis que le Japon, en lutte contre le H5N6, a dépassé le million de volailles sacrifiées de diverses espèces.
Les conséquences de l’influenza aviaire sont lourdes. Dans le sud-ouest de la France, l’abattage massif de canards sains est un nouveau coup dur après les suspensions de l’élevage de l’an dernier qui a permis d’éradiquer le H5N1. Quatre abattoirs de canards, dont un à la ferme, sont mobilisés pour l’abattage exclusif de ces volailles destinées à l’équarrissage. Les deux tiers des éleveurs de poulets fermiers du Gers et des Landes doivent suspendre leurs mises en place.
Les filières d’exportations souffrent depuis plus d’un an. Certaines restrictions à l’export découlent du code de l’OIE : seule une zone (qui peut être un groupe de communes) indemne d’influenza hautement pathogène peut exporter des produits avicoles vivants et viandes de volailles crues. Un pays qui était indemne avant un épisode d’influenza recouvre son statut trois mois après l’absence avérée de la maladie.
D’autres restrictions relèvent de politiques de pays importateurs bannissant tout un territoire national quand seulement une commune est atteinte. Ces pays « n’acceptent pas la régionalisation », regrette Paul Lopez, président de la Fédération des industries avicoles (FIA), qualifiant cette attitude de « protectionniste ».
40 M€ d’exportations en moins par an
La France aurait recouvré son statut indemne début décembre (le virus H5N1 ayant disparu) si le H5N8 ne s’était pas déclaré. Selon Paul Lopez, les problèmes des exportateurs demeurent les mêmes : « les quatre premières destinations des exportations françaises restent fermées ; c’est 40 millions d’euros de ventes en moins par an, sans compter la baisse des prix », établit-il. Il désigne dans l’ordre décroissant ces quatre premières destinations : l’Afrique du Sud, le Japon, le Congo, la Chine. « Tant que l’influenza est présente, on a du mal à aller argumenter en faveur de la régionalisation », reconnaît Paul Lopez.
« Heureusement, on peut continuer à vendre dans l’UE », souligne-t-il. À cause de leur épisode de 2015, les États-Unis avaient reculé de 13 % sur le marché mondial des viandes de volaille, selon le rapport de septembre 2016 de la veille international en volailles pour FranceAgriMer. Cette année la Corée doit importer des œufs et ovoproduits pour répondre à sa forte demande intérieure, prochainement accentuée en période de nouvel an chinois. Le Brésil profite de cette situation favorable et renforce sa biosécurité préventive.