Les Sud-Américains déchantent de l’embargo russe
L’embargo de Moscou sur les aliments de l’UE n’a profité à aucune filière exportatrice du Brésil ni de l’Argentine. Les ventes de viandes et fruits à destination de ce marché ont au contraire chuté depuis la mise en place de l’embargo il y a deux ans.
L’embargo de Moscou sur les aliments en provenance de l’Union européenne n’a pas favorisé ses importations d’aliments d’origine sud-américaine. La nouvelle tombée en août 2014 avait émoustillé les services commerciaux des ambassades argentines et brésiliennes, et suscité l’espoir des industriels qui connaissent bien leurs clients russes, leurs qualités (preneurs de gros volumes) et leurs défauts (des prix bas et des autorités imprévisibles).
Le bureau sanitaire russe avait agréé à l’export une vingtaine d’abattoirs supplémentaires au Brésil juste après l’annonce de l’embargo. Mais depuis, il en a rayé huit de la liste. « Avec les Russes, un coup, c’est un problème sanitaire, un coup, ce sont les OGM. L’an dernier, ils ont autorisé l’importation de tourteaux de soja argentins, mais les opérations ont été minimes, puis stoppées », informe Nelson Illesca, de la Bourse aux céréales de Buenos Aires.
Les envois de viandes de bœuf de la Pampa vers Moscou, au lieu de progresser grâce à un hypothétique effet d’appel d’air de cet embargo, ont pratiquement disparu à cause de la forte dévaluation du rouble, dont l’effet a été réel.
Les Brésiliens aussi souhaitaient profiter de l’embargo sur les viandes en provenance de l’Union européenne et des États-Unis, car les viandes pèsent lourd dans le commerce extérieur russo-brésilien : « près d’un milliard de dollars l’an dernier, dont 519 millions pour le porc et 408 millions pour le bœuf », selon Antônio da Luz, de la Fédération des associations rurales du Rio Grande do Sul. Cet État a réussi à maintenir lors des trois dernières années la valeur de ses exportations de porcs vers la Russie autour de 200 millions de dollars. « Comme le rouble, le réal brésilien a décroché par rapport au dollar, surtout en 2015 », explique-t-il.
L’effet rouble
Selon l’Association brésilienne des industries exportatrices de viande (Abiec), la Russie a importé en 2015, 169 457 tonnes de viandes de bœuf fraîches du Brésil au prix moyen de 3 257 $/t ; à comparer aux 310 058 tonnes commandées en 2014 au prix de 4 183 $/t. Des volumes et une valeur qui dévissaient toujours au premier semestre de l’an dernier, respectivement de 26 % et 38 % par rapport à la période janvier-juin 2015. Le prix est tombé à 2 816 $/t « et les Russes paient en rouble… », rappelle un courtier.
À Buenos Aires, on perçoit une réactivation du marché russe. « Nous retournons cette année au salon Prodexpo, du 6 au 10 février, avec quatre entreprises d’abattage. Elles étaient deux lors de nos derniers salons à Moscou, contre une trentaine auparavant », raconte Luis Fontoira, de l’Institut de promotion de la viande bovine argentine.
En Patagonie aussi, on a déchanté. Pour la filière des fruits à pépins, la Russie était le principal débouché jusqu’à il y a peu, avec des tonnages de 400 000 tonnes par an. Ses commandes ont été réduites de « 30 à 40 % en pommes et de 70 à 90 % en poires », selon monsieur Rosauer, un industriel exportateur installé à Cipolletti, au Río Negro. « Les poires de Belgique continuent d’arriver en Russie à travers ses pays frontaliers », croit-il savoir.