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Économie
Les lourdes conséquences du coronavirus sur l’agroalimentaire

L’épidémie mondiale, déclarée en janvier, bouleverse les activités des entreprises. Entre annulations, arrêt des exportations ou frénésie d’achat chez les consommateurs, les entreprises doivent s’adapter. L’État affiche son soutien.

« Le coronavirus aura un impact sévère sur l’économie française », a annoncé Bruno Le Maire, ministre de l’Économie lors d’une conférence de presse, lundi 9 mars. Avec 120 000 contaminations dans plus de 90 pays, l’OCDE s’inquiète pour l’économie mondiale et a revu nettement à la baisse ses prévisions de croissance (voir graphique ci-contre). Les marchés s’agitent également : la Bourse de Wall Street a fermé ses portes, et on observe depuis quelques semaines la baisse des cours de certains produits (poudre, beurre…). S’il est trop tôt pour estimer les répercussions économiques du coronavirus sur les entreprises agroalimentaires, ces dernières en souffrent. En première ligne, les traiteurs, dont le chiffre d’affaires a baissé de 60 % en moyenne et les restaurateurs (-25 %), selon Bercy. Le réseau Les Traiteurs de France (37 entreprises, 204 M€ de CA en 2019) estime par exemple ses pertes à plus de 3,5 millions d’euros en moins d’une semaine.

Importations et exportations fortement touchées

Dans les échanges commerciaux, les principaux faits mesurables sont l’absence de reprise des exportations et le report des commandes vers la Chine (1er client pays tiers) après le Nouvel An chinois sur les principaux postes. Depuis le déclenchement de l’épidémie, très peu, voire aucun nouveau contrat n’aurait été signé avec la Chine par les opérateurs français, selon l’Association de la transformation laitière française. « Les problématiques sont générales et pas spécifiques à certaines filières », souligne FranceAgriMer.

Le coronavirus dégrade en premier lieu le fonctionnement des ports, congestionnés, et des transports en raison d’un manque de personnel. « La logistique intérieure de la Chine est ralentie, voire à l’arrêt », rapporte FranceAgriMer. Le phénomène semble particulièrement important à Shanghai et Tianjin (ports de Pékin) où arrivent 80 % des exportations de viandes, mais également les exportations des principaux produits agroalimentaires (notamment les produits laitiers) à l’exception des céréales. Les marchandises ne circulent plus dans le pays et restent au port. Cela entraîne plusieurs difficultés telles que le stockage des denrées périssables dans la durée et le maintien des températures pour les produits frais et surgelés. « Le bilan pourrait s’aggraver si la crise perdurait, malgré la réduction des stocks chinois », prévient l’Ania.

Le bilan pourrait s’aggraver

La Chine est aussi la porte d’entrée et une plateforme d’échanges pour toute la région de l’Asie du Sud-Est. « Cette crise pourrait avoir des conséquences indirectes sur les exportations dans d’autres pays asiatiques – difficultés économiques au Japon, paralysie du transport aérien régional faisant chuter la consommation dans les hubs aéroportuaires… – et au-delà, puisqu’il apparaît que de nombreux conteneurs restent en Chine et commencent à manquer même pour les exportations vers d’autres destinations », a confié l’Ania aux Marchés Hebdo.

Pour les activités d’importation, les entreprises de certains secteurs rencontrent des difficultés d’approvisionnement en matières premières. Des retards de livraison vers l’Europe sont constatés : quelques compagnies ne font plus d’escale en Chine entraînant des retards d’acheminement des conteneurs vers l’Europe avec encore une faible visibilité sur les délais de livraison. Si la situation perdure, « il risque d’y avoir des ruptures de produits et une généralisation du problème », expose FranceAgriMer. Pour certains importateurs, les suspensions et les reports de commandes pourraient être effectifs jusqu’aux mois de mars ou avril sachant que dans la grande distribution chinoise le ralentissement des commandes pourrait se prolonger jusqu’au mois de juin du fait de la très faible fréquentation dans les magasins chinois.

Les échanges avec l’Italie sont également surveillés de près. S’il n’y a pour l’instant pas de mesures particulières de nature à enrayer les transports, les problèmes logistiques pourraient, comme pour la Chine, peser à l’avenir.

L’État instaure des mesures d’accompagnement

Pour couvrir leurs pertes d’exploitation, les entreprises ne pourront que peu compter sur leurs assurances. « La perte d’exploitation est relative. Chez nous, l’assurance va jouer si le client a souscrit une couverture "annulation sur décision administrative", et s’il n’y a pas de clause d’exclusion des pandémies dans le contrat », explique François Nédey, membre du comité exécutif d’Allianz France. L’État a, lui, engagé plusieurs mesures pour accompagner les entreprises en difficulté.

Depuis le 2 mars, les échéances sociales et fiscales peuvent être reportées sur simple demande par courrier électronique (à effectuer avant le 15 mars) ; les entreprises ont la possibilité d’obtenir un crédit bancaire via Bpifrance (40 à 70 % de garantie) ; des dégrèvements d’impôts directs sont prévus « pour les entreprises menacées de disparition » ; un mécanisme de chômage partiel pour les salariés, déjà sollicité par 900 entreprises (tous secteurs confondus), a été instauré. Ces mesures peuvent paraître insuffisantes pour certains acteurs. Quelques-uns ont appelé le gouvernement à créer des fonds d’indemnisation et à encadrer juridiquement les conditions d’annulation d’évènements et de cas de force majeure.

La Confédération générale de l’alimentation de détail souhaite « la mise en place d’un plan permettant, au cas par cas, d’exonérer de charges et d’apporter un soutien financier ».

Les Français font des stocks

L’incertitude de la situation a poussé un certain nombre de Français à constituer des stocks de nourriture. Ces achats frénétiques ont concerné les produits de grande consommation dont les ventes ont progressé de 6,2 % en valeur et 5,4 % en volume entre le 24 février et le 1er mars par rapport à la même semaine l’an passé, a indiqué le cabinet Nielsen. En tête des achats de stockage arrivent le riz (+50 %) ; les pâtes (+45 %), suivis de la pâte à tartiner (+27 %) et des conserves (+23 %). Le commerce électronique a lui progressé fortement avec une croissance de 15,6 %. La grande distribution, le Sifpaf (producteurs de pâtes) et la Fédération du commerce et de la distribution s’accordent toutefois à dire qu’il n’y a aucun risque de pénurie, et que les stocks dans les entrepôts et chez les fournisseurs sont amplement suffisants.

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