Les conséquences de la mauvaise récolte de blé

Une récolte petite et hétérogène, un poids spécifique en baisse et un faible rendement meunier devraient conduire à une surcharge de travail et de coûts pour la meunerie. À l'inverse, l'alimentation animale devrait bénéficier d'une matière première abondante. Côté biscuiterie, la qualité des blés spécifiques devrait être moindre que l'an dernier. Bilan de la moisson 2016.
La récolte de blé tendre de l'an dernier était exceptionnellement abondante ; celle de cette année est exceptionnellement pauvre. D'un extrême à l'autre, la chute donne le vertige : 25 % à 30 %, et fait plonger la collecte à moins de 30 millions de tonnes (Mt), bien en dessous des niveaux ordinaires. De façon inédite, les principaux bassins de production sont touchés, en Champagne, dans les Hauts-de-France, le Centre et l'Île-de-France ainsi qu'en Normandie, Bourgogne, Lorraine et Franche-Comté. Pauvre en volume, la collecte l'est aussi en taille de grains.
La première conséquence est une réduction drastique de la quantité disponible pour l'export. Les pays tiers représentent ordinairement le premier débouché du blé fran-çais, en majeure partie du blé meunier : 8,5 Mt en 2011, qui était une petite année, 12,5 Mt en 2015, année faste. Il pourrait tom-
Acheminer au plus vite les blés vers les silos portuaires maritimes
” ber en dessous de 5 Mt selon l'union de coopératives InVivo, premier opérateur à l'export. Cette année, le Maroc, l'Algérie, les pays d'Afrique de l'Ouest et du Moyen-Orient, clients traditionnels, bénéficient d'une offre mondiale abondante et à bas prix. InVivo s'est adressé à un double public à travers son communiqué du 10 août : aux coopératives qui confient leur collecte à sa filiale de négoce internationale InVivo Trading et à ses clients internationaux. Aux coopératives InVivo fait savoir qu'il s'agira de saisir des « fenêtres d'opportunités », allant de quelques jours à une semaine, par exemple « quand les pays de la mer Noire (Russie, Ukraine, ndlr) seront moins agressifs sur les prix ». InVivo Trading saura voir ces fenêtres s'entrouvrir. Il faudra alors « acheminer au plus vite les blés des coopératives vers les silos portuaires maritimes et charger rapidement les bateaux ».
À ses clients étrangers le groupe assure qu'InVivo Trading fera tout pour les fidéliser et vante sa capacité à les fournir en origines multiples, et cette année particulièrement en mer Noire, en Europe du Nord, en Amérique du Nord ou en Argentine.
Divers coûts supplémentairesLa deuxième conséquence de la mauvaise moisson 2016 est un prix de revient supérieur des farines et autres produits issus du blé. Elle relève de l'hétérogénéité à l'intérieur même de chaque bassin en blé et du faible rendement meunier. « L'hétérogénéité, constatée à l'échelle du pays chaque année est encore plus marquée cette campagne entre régions productrices mais aussi dans les parcelles, qu'il s'agisse des volumes ou des qualités », ont constaté FranceAgriMer et Arvalis. La collecte nécessite, selon l'Office et l'Institut du végétal, « des opérations d'identification et de tri des lots particuliè->> rement renforcées », un « travail de nettoyage et de criblage de grande envergure pour constituer des lots homogènes satisfai-sant aux exigences de l'ensemble des débouchés ».
La meunerie est la première concernée. Elle met en œuvre ordinairement quelque 5 Mt de blé meunier. La Meunerie française prévoit divers coûts supplé-
“Nous n'aurons pas besoin d'importer
” mentaires : augmentation des frais d'approche dans les régions touchées, surcoûts de sélection, prime à la qualité par rapport à la référence du Matif, et enfin, réduction prévue des rendements meuniers de l'ordre de 3 à 5 % du fait de la petitesse des grains. En compensation, les meuniers négo-cieront des réfactions sur les blés d'un poids spécifique inférieur à 76 kg/hl, se disant généralement prêts à accepter jusqu'à 74 kg/hl. « Nous n'aurons pas besoin d'importer », informe Éric Roos, directeur de la division meunerie du groupe Soufflet, faisant état de vingt-deux moulins répartis en France. D'autres groupes meuniers interrogés estiment qu'il ne devrait pas y avoir plus d'importations de blés meuniers que les autres années – celles-ci étant minimes. Ils invoquent leur souci de privilégier l'origine française auprès de la boulangerie et surtout l'absence d'intérêt d'importer de la mer Noire ou de l'est européen du fait des frais d'importation non compétitifs.
Ressources et utilisations du blé tendreDES TESTS ENCOURAGEANTS POUR LA MEUNERIE
Hormis les poids spécifiques majoritairement faibles, les blés tendres échantillonnés par les agents de FranceAgriMer à l'entrée des silos de collecte présentent des qualités appréciables de taux protéique et d'indice de chute de Hagberg. C'est ce qui ressortait du point hebdomadaire publié par FranceAgriMer le 25 août, sur la base des analyses réalisées dans les laboratoires de l'Office et d'Arvalis. Le taux de protéines a été analysé sur environ 62 % du nombre d'échantillons attendus (100 % dans les régions du Sud et du Centre, 67 % en Bourgogne Franche-Comté, 45 % en Champagne-Ardenne Alsace-Lorraine et des faibles pourcentages en Bretagne, Normandie et Hauts-de-France). Pour 65 % des échantillons analysés, le taux de protéines est supérieur à 12,5 %. Le temps de chute de Hagberg, mesuré dans des proportions similaires (mais inférieures dans les régions Nord), se révèle supérieur à 240 secondes pour 79 % des échantillons testés. C'est une bonne nouvelle pour les meuniers, parce qu'ils ne peuvent pas corriger un temps de chute de Hagberg trop court.
Quand c'est le cas, la pâte est collante et filante, du fait d'une activité enzymatique excessive, et le pain est plat.
Voir le site www.franceagrimer.fr