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L’article 3 de la loi Descrozaille en débat

La proposition de loi « visant à sécuriser l’approvisionnement des Français en produits de grande consommation » a défrayé la chronique des dernières semaines. Les négociations commerciales de l’article 3 ont focalisé toute l’attention.

Olivier-Henri Delattre, avocat au cabinet Racine.
Olivier-Henri Delattre, avocat au cabinet Racine.
© Racine

Cet article 3 vise à dissiper le flou juridique entourant les situations dans lesquelles un accord tarifaire entre fournisseur et distributeur n’a pas été trouvé au 1er mars, et à modifier la pratique généralement mise en œuvre dans ce cas, selon laquelle les prix négociés l’année précédente continuent de s’appliquer.

Afin d’éviter l’écrasement des marges des industriels de l’agroalimentaire confrontés à la hausse des coûts de production et à l’inertie de la distribution, la proposition prévoyait qu’en cas d’absence d’accord au 1er mars, toute commande du distributeur se ferait « sur la base du tarif et des conditions générales de vente » du fournisseur.

Période transitoire de négociation

Les distributeurs, vent debout, ont dénoncé « une folie inflationniste » susceptible de hausses de prix imposées « supérieures à 30 % ». La commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, qui se prononçait le 11 janvier, a seulement ajouté à la proposition une période transitoire de négociation.

La nouvelle version du texte prévoyait qu’à défaut de convention tarifaire conclue au 1er mars, s’ouvrirait une période de prolongation d’un mois de la convention de l’année précédente, pendant laquelle les parties seraient invitées à conclure, sous l’égide du médiateur des relations commerciales agricoles ou du médiateur des entreprises, soit une nouvelle convention, soit un accord sur un préavis de rupture commerciale.

Mais il était encore prévu qu’à défaut de conclusion de la convention ou de l’accord, toute commande du distributeur se ferait sur la base du barème des prix unitaires du fournisseur.

Il aura fallu que les distributeurs lancent un « appel à la responsabilité des députés » pour que l’Assemblée nationale, qui se prononçait le 18 janvier, supprime cette règle. Aux termes du texte voté, la négociation d’un mois sous l’égide d’un médiateur était conservée mais, à défaut d’accord à l’issue, il était désormais prévu que « la relation commerciale [soit] rompue ».

Risque de déréférencement

Le débat s’en est trouvé relancé, notamment parmi les industriels. Le nouveau texte facilitait la rupture avec le distributeur, puisqu’il précisait que les parties, à défaut d’accord dans le délai d’un mois, ne pourraient invoquer la rupture brutale des relations commerciales sanctionnée par le Code de commerce. Il y avait là un effet incitatif, pour le distributeur menacé dans son approvisionnement, à trouver un accord. Mais le texte créait aussi, pour les PME en particulier, un risque de déréférencement brutal. La commission des Affaires économiques du Sénat a cherché à le neutraliser le 8 février, en amendant encore le texte.

Désormais, la médiation engagée pour un mois ne vise plus qu’à la conclusion d’un accord fixant les conditions d’un préavis : il n’est plus question de nouvelle convention. Si l’accord est trouvé, le tarif qu’il fixera s’appliquera rétroactivement aux commandes passées dans le mois de médiation. Et à défaut d’accord, un préavis devra en tout état de cause être respecté, devant tenir compte « pour la détermination du tarif applicable durant sa durée, des conditions économiques du marché ». L’ancien tarif n’aura donc plus vocation à s’appliquer mécaniquement. Enfin, faute d’un tel préavis, la partie lésée pourra saisir les tribunaux en invoquant une rupture brutale.

Selon la commission, « cet amendement règle trois problématiques : les industriels ne peuvent plus se voir imposer de livrer à un tarif devenu caduc, les distributeurs ne courent plus le risque d’un arrêt brutal des livraisons et les PME ne courent plus le risque d’un déréférencement soudain ».

Le traitement juridique du rééquilibrage du rapport de force entre industriels et distribution a-t-il trouvé là son épilogue ? Le texte était encore débattu en séance publique le 15 février.

Le cabinet Racine

Le cabinet Racine est un cabinet d’avocats indépendant spécialisé en droit des affaires. Avec un effectif total de deux cents avocats et juristes dans sept bureaux (Paris, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Strasbourg et Bruxelles), il réunit près de 30 associés et 70 collaborateurs à Paris. Olivier-Henri Delattre, avocat au cabinet Racine à Paris, est spécialisé en droit de l’agroalimentaire, conseil et contentieux judiciaire, administratif et arbitral. Racine – 40, rue Courcelles – 75008 Paris – www.racine.eu

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