La volaille de Bresse, vaisseau amiral des AOP de Saône-et-Loire
> Un mode d'élevage unique : 108 jours d'alimentation précise selon un cahier des charges pour les poulets ; 140 pour les poulardes et 224 pour les chapons.
Seule volaille AOP en Europe, avec une tradition vieille de plus de sept siècles, couronnée en 1957 par une AOC et par l'AOP en 1996, la filière volaille de Bresse fait du département de la Saône-et-Loire le cœur de la réputation de ces produits emblématiques qui s'étend également sur les départements limitrophes. Entre légende et réalité, Henri IV décida un jour de son sort en demandant aux Français de « mettre la poule au pot le dimanche » !
Une réputation à l'épreuve du tempsMais d'où vient cet engouement ? La volaille de Bresse est unique en son mode d'élevage. Un élevage long et précis en matière d'alimentation : 108 jours pour les poulets (depuis les modifications du cahier des charges enregistrées en novembre 2013), 140 jours pour les poulardes et 224 jours pour les chapons. Une finition « en épinette » allant de dix jours pour les poulets, trois semaines pour les poulardes à quatre semaines pour les chapons. D'autre part, une race unique : la gauloise de Bresse blanche à pattes bleues.
Enfin, une réputation, un rituel et un calendrier immuables depuis 1862 : les Glorieuses de Bresse réservées aux chapons, poulardes et dindes. Cet évènement se reproduit tous les ans au mois de décembre dans quatre endroits différents : Louhans, Montrevel-en-Bresse, Bourg-en-Bresse et Pont-de-Vaux. Le prix du président de la République distingue les vainqueurs des Glorieuses par un vase en porcelaine de Sèvres.
Autre facteur de réputation, la grande cuisine française s'est emparée du produit. Georges ” Blanc – trois étoiles Michelin, quatre toques Gault et Millau pour son restaurant de Vonnas et en même temps président de l'ODG (organisme de défense et de gestion) – a beaucoup œuvré pour la réputation de la seule volaille AOP française. Sa reconnaissance sur le territoire est totale : « Ce qui me frappe avec cette volaille, c'est le consensus de tous les plus grands chefs tant français qu'étrangers sur la qualité de cette volaille, se réjouit Georges Blanc. Elle fait l'unanimité avec les « pros » de la restauration gastronomique et a franchi les frontières avec une aisance remarquable, quel que soit le pays de destination ».
“ Une tradition vieille de plus de sept siècles
Aujourd'hui, les volailles de Bresse sont séparées en deux ODG, l'un, le Comité interprofessionnel des volailles de Bresse (Civb) pour le poulet, la poularde et le chapon, et l'autre, le Syndicat de défense et de promotion de la dinde de Bresse, avec une AOC obtenue en 1976 et une AOP en 1996. La dinde de Bresse est un produit essentiellement festif comme le chapon. Le département de la Saône-et-Loire regroupe principalement les éleveurs réalisant 100 % de leur activité, tant dans le poulet, poularde et chapon que dans les dindes, et l'année 2014 devrait voir le rapprochement de ces deux entités en un seul et même ODG.
Mais la difficulté de cet élevage, le vieillissement des éleveurs et la grippe aviaire ont conduit à une chute du nombre d'éleveurs depuis 2006. Avant la crise, 220 éleveurs produisaient 1,2 million de volailles, mais ce nombre est passé à 170 aujourd'hui avec une production de 1 million de volailles.
Insatisfaction pour l'exportLe résultat s'est vite fait sentir : « Cette diminution du nombre d'éleveurs fait que nous ne pouvons plus fournir à l'export comme par le passé », regrette Marie-Paule Meunier, directrice du Civb. « Compte tenu de la renommée mondiale de notre production, nous perdons tous les ans des marchés que nous ne pouvons pas servir ». Effectivement la réputation de la volaille de Bresse a depuis longtemps franchi les frontières de l'Hexagone pour conquérir des marchés à l'export : Belgique, Suisse, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Japon, Chine ou Émirats arabes sont très friands de ce type de volailles gastronomiques. Seuls les États-Unis, l'Australie et le Canada interdisent l'importation de ces produits.
Un marché bien spécifiqueAlors que d'habitude, les GMS arrivent en tête des parts de marché, dans le cas de la volaille de Bresse, les circuits de distribution sont atypiques, les boucheries artisanales arrivant en tête (30 %) suivies par les grossistes (24 %). La répartition géographique est prédominante sur le bassin parisien avec 30 % de la production et 65 % sur le reste du territoire. Les exportations concernent 5 % de la production.
Les AOP se regroupent entre ellesDans le regroupement de Saône-et-Loire, « les AOC gourmandes, le meilleur de la Saône-et-Loire » caracolent à côté de la volaille et de la dinde (les plus anciennes AOC), cinq autres AOC/AOP récentes. Le fromage mâconnais a obtenu son AOP en 2010. C'est un fromage au lait cru de chèvre, affiné un minimum de 10 jours. Le fromage charolais, AOC depuis 2010 a été mis en publication pour l'AOP à Bruxelles en 2014. Il se présente comme un petit fromage haut et bombé, fabriqué au lait de chèvre cru et affiné 16 jours minimum. Le bœuf de Charolles, AOC depuis 2010, fait partie du club très fermé des huit viandes françaises AOC/AOP. Il vient d'être publié en 2014 et devrait être enregistré définitivement en AOP d'ici à la fin de l'année. Enfin, le beurre et la crème de Bresse, AOP depuis 2014 – il n'existe que cinq beurres et crèmes AOP en France – sont aussi du voyage.
L'idée est née il y a quatre ans lors du Salon international de l'agriculture à Paris. Depuis, le budget mis à disposition par le département de la Saône-et-Loire (100 000 euros annuels) est utilisé pour réaliser des opérations ponctuelles et annuelles : le Sirha à Lyon, le Festival des AOP/AOC de Cambremer, le Grand Marché des AOC de Bourg-en-Bresse, le Salon international de l'agriculture de Paris. « AOC gourmandes » utilise aussi le réseau des restaurateurs (Bresse dans l'assiette) sur les trois départements de l'Ain, et celui des « points Bresse » (150 adresses de bouchers et volaillers, ventes à la ferme en France), les circuits d'aires d'autoroute dans la Bresse avec l'utilisation d'un dépliant six volets contenant l'explication de l'ensemble des sept produits. Une forte communication média est réalisée également par le biais de Georges Blanc, au travers de ses restaurants et hôtels, tant à Vonnas qu'ailleurs.
Pourquoi ce regroupement ? « On est plus forts collectivement que seuls, constate Eléonore Sauvageot, directrice de l'ODG bœuf de Charolles, qui attend prochainement son AOP. Nous voulions faire passer un message clair de la typicité réelle des AOC/AOP. Le public ne connaît pas automatiquement la signification de ces trois lettres en dehors des vins. Nous avons créé cette structure pour porter haut et fort la typicité des produits du département et montrer ainsi qu'à côté des vins, il existe aussi des produits agroalimentaires de grande qualité. » D'autre part, il semblerait que la cohabitation avec d'autres signes officiels « moins terroirs » pose quelques problèmes de voisinage et que le discours soit plus compréhensible pour le consommateur lorsque l'on parle terroir avec un seul et même signe.