La restauration hospitalière dans l’incertitude
Le congrès de l’ACEHF s’est penché sur le futur de l’alimentation à l’hôpital. À court terme, la création des groupements hospitaliers de territoire inquiète les cuisiniers et leurs équipes. Compte rendu.
C’est dans un climat assombri que s’est déroulé les 2 et 3 mars à Carquefou (44) le 34e congrès de l’Association culinaire des établissements hospitaliers de France (ACEHF). La cause en est la création des groupements hospitaliers de territoire (GHT), incluse dans la loi du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé. « Je rencontre des cuisiniers désemparés et beaucoup de mécontentement », a témoigné Yannick Strottner, président de l’ACEHF lors de la table ronde inaugurale du congrès, justement consacrée aux GHT. Éric Martel, directeur du cabinet de conseil Tecnorest, a distingué la problématique des achats, déjà existante et fonction de la latitude laissée à l’intérieur des groupements, de celle de la pérennité des outils de production. Les cuisines vétustes ou sous-dimensionnées sont clairement menacées de disparition par mutualisation ou externalisation, a-t-il précisé. Anne-Françoise Gicquel, appelée à prendre la présidence de l’ACEHF en 2018, a même évoqué le cas d’« outils en bon état qui vont disparaître pour monter une grosse unité et réduire les frais de personnel ».
Dans cette période d’incertitude qui pèse sur les responsables et leurs équipes, des inquiétudes sur une standardisation de l’alimentation, une moindre qualité et une augmentation de la dénutrition, ou encore la difficulté à s’approvisionner en produits locaux se sont exprimées à Carquefou. Des pistes de solutions ont été évoquées, telles la livraison d’autres établissements ou le portage à domicile pour générer des recettes. D’autres jouent l’appui du territoire, comme le Centre hospitalier Ariège Couserans, qui développe un groupement d'intérêt public avec la ville de Saint-Girons pour éviter la mutualisation de sa restauration avec un établissement situé à 80 kilomètres.
La qualité contre le gaspillage
Mais le congrès a aussi été l’occasion, dans le cadre d’une table ronde sur le futur de l’alimentation à l’hôpital, de mettre en avant des initiatives prises pour améliorer la qualité des repas et réduire le gaspillage. Les Hospices civils de Lyon, qui servent 4,8 millions de repas par an, ont ainsi mis en place une nouvelle offre alimentaire pour répondre aux attentes des patients en matière de choix et de goût. L’adoption d’un procédé sous atmosphère contrôlée a permis de rallonger la durée de conservation des plats. Couplée à un système de rotation des propositions sous forme de carte, elle a permis de fortement limiter les pertes. « Le taux de destruction est tombé à 2 % », a précisé Serge Decas, responsable de production de l’UCPA Saint-Priest.
Stéphane Lasseur, ingénieur hôtellerie logistique du Centre hospitalier de Perpignan, a expliqué comment l’établissement avait procédé pour « réinvestir dans la qualité l’argent mis à la poubelle ». Nouveaux fournisseurs, introduction d’épices et d’aromates pour redonner du goût, recettes maison, et réorganisation des plans de menus ont contribué à diminuer de 75 % en trois ans le nombre de barquettes entières jetées. L’hôpital a même mis en place un service « à l’assiette », via des chariots circulant dans les couloirs, pour 220 patients en long séjour, oncologie et hématologie.
Le chantier de la formation
« L’apprentissage est une voie encore peu connue », a reconnu Éric Lepêcheur, le président de Restau’Co, lors d’une table ronde sur la formation. Douze CFA forment une centaine de jeunes au Certificat de spécialisation Restauration collective. Au CFA Jules Rieffel de Saint-Herblain (44), la formation compte cette année treize élèves, qui ont sans souci trouvé un contrat d’apprentissage, surtout en milieu scolaire. La Région Pays de la Loire et le conseil départemental de Loire-Atlantique voient un intérêt à tester des jeunes avant un éventuel recrutement. Alors que le secteur peine à trouver des candidats, Éric Lepêcheur attend beaucoup de la création du CAP Cuisine avec mention complémentaire Restauration collective.