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Réglementation
La restauration concédée face à la montée en gamme

Les sociétés de restauration collective sont appelées comme la restauration autogérée à offrir plus de produits bios et de qualité. Une tendance qui devrait toucher leurs approvisionnements en viande et les amener à revoir leurs pratiques.

Au plus tard le 1er janvier 2022, les repas servis dans les restaurants collectifs dont les personnes morales de droit public ont la charge comprendront en valeur au moins 50 % de produits de qualité ou acquis selon les modalités prenant en compte les coûts imputés aux externalités environnementales, les produits bios ou en conversion devant représenter une part en valeur d’au moins 20 %, selon l’article 24 de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessibles à tous (n°2018-938 du 30 octobre 2018), dite loi Alimentation, publiée au JORF du 1er novembre. Produits bénéficiant d’un signe de qualité, d’un écolabel ou d’un symbole graphique spécifique aux régions ultrapériphériques, ou issus d’une exploitation certifiée sur le plan environnemental rentrent dans les 50%. Toutefois à l’heure où nous écrivons ces lignes, pour sa mise en œuvre cette mesure attend encore un décret en Conseil d’Etat précisant la liste des signes et mentions à prendre en compte. A noter que selon le même article 24 de la loi Alimentation les restaurants collectifs scolaires, universitaires, accueillant des enfants de moins de 6 ans, les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux et pénitentiaires, gérés par des personnes morales de droit privé sont aussi concernés.

On doit pouvoir baisser l’apport en quantité de protéines animales pour en proposer de meilleure qualité, selon Philippe Pont-Nourat, président du SNRC.

Si la restauration autogérée, à travers notamment la démarche Mon restau responsable initiée par Restau’Co et FNH, prend de plus en plus à bras le corps cette montée en gamme demandée par les parents d’élèves et les convives et désormais la loi, qu’en est-il de la restauration concédée souvent accusée de trainer des pieds sur ces sujets ? Viande Magazine a enquêté, sur la question précise de la montée en gamme de la viande servie en restauration collective. Et il faut bien reconnaître que cette thématique n’a pas suscité facilement de commentaires officiels des représentants des grands groupes de restauration en France. Ce qui ne signifie pas que rien n’est fait dans ces entreprises. « Peut-être à cause des encouragements (y compris dans la loi Alimentation, ndlr) à développer les protéines végétales et alors que la question de la consommation de viande agite le débat sociétal ? », s’interroge Philippe Pont-Nourat, président du Syndicat national de la restauration concédée (SNRC) qui a bien voulu nous répondre. « On doit pouvoir baisser l’apport en quantité de protéines animales pour en proposer de meilleure qualité », estime-t-il. 

Les grammages du GEM-RCN en question

Entre des tarifs par repas serrés et des coûts de produits carnés de qualité élevés, la solution pourrait être de revoir les grammages imposés par les recommandations du GEM-RCN. « Pour les maternels, le grammage d’un repas est de 400g, alors que l’on sait qu’à cet âge-là un enfant ne peut ingérer qu’entre 300 et 350g, affirme-t-il, par ailleurs pour les 6-10 ans on n’a qu’un seul grammage, on pourrait avoir plus de tranches ». Selon le président de la SNRC, ce débat devrait être porté à la DGAL. 

D’ici là, le syndicat de la restauration concédée, souvent accusée d’avoir recours de manière massive à l’importation, tient à remettre les pendules à l’heure. Avec 3,7 milliards de repas servis par an, la restauration collective concédée représente 50% des repas pris hors domicile et a acheté en 2017 pour 400 millions d’euros HT de viande par an, dont 62% d’origine française. Un taux variable selon les produits. Si le porc acheté par les sociétés de restauration est à 82% français, et la volaille à 84%, ce taux tombe à 45% pour le bœuf, 13% pour le veau et 9% pour l’agneau. Quid des signes de qualité ?

58% proposent du bio

Selon une toute récente enquête de l’Agence Bio, 58% des établissements en gestion concédée interrogés en octobre affirmaient proposer du bio de temps en temps, contre 63% des établissements en gestion directe. Et quand on les questionne sur les catégories proposées en dehors de la volaille (citée par 42% des établissements), la viande (à 40% en frais) arrive loin derrière les fruits (86%), les produits laitiers (80%) ou encore les légumes (79%). Toutefois la viande bio devrait progresser dans les menus des cantines pour respecter le taux de 20% en valeur imposé par la loi Alimentation. 

« Pour arriver à 20% il sera difficile de se passer de viande bio », selon Vincent Rozé, coprésident de Mbim

« Quand on est à 5% de bio dans les repas on peut se passer de viande bio, mais pour arriver à 20% ce sera difficile de s’en passer », estime Vincent Rozé, coprésident de Manger bio ici et maintenant (Mbim), réseau de 16 plateformes bios, comptant 800 producteurs et transformateurs pour un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros. Un des représentants du réseau sur le stand de l’Agence Bio, au salon des Maires fin novembre à Paris, confiait d’ailleurs avoir beaucoup de demandes de maires, en mandat, ou de candidats aux futures municipales se renseignant sur le moyen de mettre plus de bio dans les menus. « Comment savoir en délégation de service si on a du bio dans les assiettes ? », ainsi un élu s’interrogeait porte de Versailles. Réponse du Mbim : en demandant tous les mois une liste des fournisseurs. 

Déroger aux habitudes pour s’approvisionner en local

Et justement, la restauration collective concédée fait-elle facilement appel à des réseaux locaux d’approvisionnement en produits bios ? « On est en lien avec tous les acteurs, y compris Sodexo. On travaille avec des entreprises qui font 15 000 repas par jour : on fait une tonne de bourguignon », répond Vincent Rozé, à la tête de Manger Bio Isère qui réalise 3,5 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 70% à destination de la restauration scolaire et enregistre une croissance de 30% par an. S’il est plus facile pour une société de restauration concédée d’acheter bio (car ne devant pas passer par les appels d’offres), « il existe des freins », reconnaît-il toutefois. Comme le fait que certains acheteurs préfèrent passer par les réseaux de grossistes de taille. « Passer par nous déroge à leurs habitudes, il faut gérer les choses autrement », commente-t-il, soulignant que ces mêmes acheteurs lui ont déjà suggéré de mettre en place un catalogue national à prix unifié pour plus de commodité. « On peut établir un catalogue national, mais les prix ne seront pas unifiés. Nous travaillons en commerce équitable », tranche-t-il.

« Les cuisines centrales ont besoin de quantités importantes, avec beaucoup d’anticipation »

Didier Balanche, acheteur national en bio pour le groupe Elior, indique effectivement acheter du steak haché bio auprès de Charal et Bigard, et dans une moindre mesure « s’approvisionner avec du sourcing local ». « Avec le MBIM on a mis en place des gammes applicables à chaque région selon les produits disponibles », précise-t-il, reconnaissant toutefois que c’est « plus facile d’avoir du porc et de la volaille bio que du bœuf ». Sur le bœuf, Didier Balanche indique qu’Elior se porte plutôt vers une offre en surgelé, « car les cuisines centrales ont besoin de quantités importantes, avec beaucoup d’anticipation ». Et d’assurer que ses approvisionnements en bio (tous produits confondus) progressent de l’ordre de 17% par an. Toutefois un frein majeur s’oppose à un plus fort développement : « En délégation de service on peut répondre au bio si son coût est intégré », souligne l’acheteur d’Elior. A défaut, les élus risquent d’encourager l’importation à moindre coût.

Gérer l’équilibre carcasse en lien avec d’autres circuits

Autre frein à lever, général au marché bio, la question de l’équilibre matière, tous les acteurs souhaitant plutôt des morceaux avants et les GMS arrivant souvent à se servir en premier à la défaveur de la restauration collective. « On a peut-être des choses à réfléchir sur comment la restauration collective et les GMS peuvent traiter les bêtes de la corne à la queue. C’est encore un peu embryonnaire mais cela a existé au moment de la crise de la vache folle », se rappelle Philippe Pont-Nourat, président du SNRC. Selon lui, un tel accord avait alors existé sur l’équilibre carcasse entre Sodexo et Cora. Autres solutions : développer la surgélation de la viande bio (pour désaisonnaliser l’offre), inventer de nouvelles recettes ou encore juxtaposer les d’écoulements selon les modes de conservation, propose-t-il. 

Et le label Rouge ?

Philippe Pont-Nourat rappelle aussi justement que la montée en gamme demandée par la loi Alimentation ne passe pas que par le bio. « La Loi demande 20% de bio et 30% d’autres produits de qualité » souligne-t-il. « Nous sommes des débouchés importants sur le label Rouge », ajoute-t-il, précisant que le veau de l’Aveyron et du pays de Ségala a d’abord été distribué par la restauration scolaire. « Sur les viandes le fait d’offrir du bio et des produits d’autres filières est une bonne option », conclut-il. 

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