La hausse des frets maritimes, prémices de la reprise

«Alors que la récession a mis au banc des accusés les modèles mathématiques, la baisse de l’indice Baltic Dry a devancé la chute des prix des matières premières. Son rebond de 200 % depuis décembre est perçu comme le signe avant-coureur de la reprise de l’activité », écrivait le Journal des Finances à la mi-février, dans un article intitulé « le fret maritime, nouvel oracle des salles de marchés ». Une impression visiblement partagée par les économistes réunis mardi 12 mai à Paris pour la sortie de la « bible » annuelle des matières premières.
La 23 e édition du CyclOpe, dirigé par Philippe Chalmin, revient longuement sur ce secteur qui a enregistré des variations spectaculaires au cours de l’an passé. « Le marché du fret a été, de tous les marchés de commodités, le plus « fou » en 2008 », souligne le rapport. « L’année a commencé dans l’euphorie la plus totale et en mai et juin, les taux de fret se trouvaient à des niveaux que nul n’aurait imaginés ni même rêvés ! Ce fut particulièrement le cas du vrac sec sous le choc ultime de la demande chinoise de charbon : en mai, un « Capesize »(ndlr : navire trop gros pour passer par le canal de Suez ou celui de Panama) pouvait se louer 200 000 dollars par jour. […] En décembre 2008, au plus bas, le même « Capesize » se louait de 3 000 à 4 000 dollars par jour ».
Après les JO, le marché s’effondre
Il y a tout juste un an, à la perspective des Jeux olympiques de Pékin, le transport maritime était intense. Les compagnies maritimes ouvraient de nouvelles lignes et les chantiers navals s’activaient aux commandes, rappelle Marie-Christine Simonet, journaliste pour Medafrique. info, auteur du chapitre consacré aux frets maritimes. Le Baltic Dry Index (BDI, indice des prix pour le transport maritime en vrac de matières sèches établi sur une moyenne des prix pratiqués sur 24 routes mondiales de transports de minerais, charbon, métaux et céréales) atteignait un record absolu à 11 793 points le 20 mai 2008. Début août, l’indice n’était plus qu’à 6 612 points avant de s’effondrer à 3 458 points un mois plus tard. Des clients chinois du producteur australien de minerai de fer, Mount Gibson Iron, demandaient alors à reporter les livraisons prévues. Le 28 novembre, le BDI valait 715 points (du jamais vu depuis janvier 1987), avant de toucher le fond le 5 décembre à 663 points. « Début décembre on comptait 150 à 250 navires Capesize à quai et les taux pratiqués couvraient un tiers des prix de revient », commente le CyclOpe.
-3 % à -4 % attendus pour le trafic de conteneurs
Les porte-conteneurs ont également connu un revers à partir du mois d’août avec une offre hebdomadaire sur les trois principales routes maritimes tombée en décembre à 812 000 EVP (équivalent vingt pieds, taille standard d’un conteneur), contre 916 000 EVP en août. La croissance moyenne du trafic de conteneurs entre 2002 et 2008 a été évaluée à 10 %, mais elle n’a été que de 3 % pour la seule année 2008. « Pour 2009, les premières estimations délivrées par le consultant maritime Drewry tablaient sur -3 % entre l’Asie et les États-Unis et -4 % entre l’Asie et l’Europe », rapporte le CyclOpe. Face à cette situation, les compagnies de transport maritime se sont organisées. Les groupes français CMA CGM et danois Maersk viennent de lancer des services communs entre l’Asie et les côtes des États-Unis.
Des signes de reprise se font sentir depuis quelques semaines, encourageant les opérateurs à un certain optimisme. Le 7 mai, CMA CGM a annoncé une augmentation de ses tarifs de 150 à 200 dollars par EVP sur les lignes Asie-Méditerranée, avant de signaler des signes de reprise sur les échanges entre la mer Noire et l’Asie.
Philippe Chalmin ne s’est pas risqué à faire des prévisions sur l’évolution des tarifs des conteneurs en 2009. Mais pour les taux du vrac sec, il prévoit une augmentation des prix par rapport au début de l’année (index 900 début janvier). « Les prix du début de l’année ne sont pas soutenables longtemps. Mais l’ampleur de la flotte des navires neufs devant arriver sur le marché limitera toute hausse trop marquée », estime-t-il dans son rapport. Il s’attend globalement à une baisse de 76 % du prix moyen du fret maritime 2009 par rapport aux prix moyens de 2008.
Vendredi 15 mai, le BDI a clôturé à 2 544 points (contre 2 214 points une semaine plus tôt), son niveau le plus élevé depuis le 8 octobre.