Chronique
La fraude alimentaire, un nouvel enjeu normatif pour le Codex
Le 23 février 2019, Emmanuel Macron réaffirmait sa volonté d’œuvrer pour que le Codex Alimentarius puisse constituer pour tous les pays du monde, « la grammaire commune d’une alimentation et d’une agriculture saine ». Une déclaration faite quelques jours avant la réunion du comité du Codex à Bordeaux sur les enjeux émergents et futurs relevant de sa compétence.
Créé en 1963 dans le cadre du programme mixte entre l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation mondiale pour la santé (OMS), le Codex Alimentarius est un recueil de normes alimentaires visant à guider et à promouvoir l’élaboration, la mise en œuvre et l’harmonisation de définitions et d’exigences relatives aux produits alimentaires et, de ce fait, à faciliter le commerce international.
Ces normes ne constituent nullement une alternative à la législation nationale ou européenne lorsqu’elle existe, mais sont prises en considération dans l’élaboration ou l’adaptation des législations alimentaires. À défaut de normes nationales contraignantes, elles établissent les exigences auxquelles peuvent répondre les aliments pour assurer au consommateur des produits alimentaires sûrs et de qualité.
Elles sont élaborées et régulièrement révisées par la commission du Codex Alimentarius (CAC) et ses organes subsidiaires. Cette commission compte 189 membres (dont la France et l’UE). Les comités au nombre d’une vingtaine et autres task forces intergouvernementales, notamment sur la lutte contre la résistance aux antibiotiques, élaborent les normes et textes apparentés du Codex Alimentarius en matière d‘hygiène, de contaminants, de résidus de pesticides admissibles, d’étiquetage, de biotechnologies, de fruits et légumes, de produits laitiers, d’additifs alimentaires ou encore de produits pour alimentation infantile et de nutrition.
Prise en compte des facteurs sociétaux
Présidé par la France, le comité du Codex sur les principes généraux (CCPG) a vocation à faciliter le traitement des questions impliquant l’ensemble des comités et/ou membres du Codex. Il a tenu, à Bordeaux la semaine passée, sa 31e session, au cours de laquelle ont été abordés d’importants sujets et notamment la prise en compte des facteurs sociétaux et environnementaux dans la définition des normes alimentaires, tels que le développement durable ou les nouvelles technologies, mais aussi la fraude alimentaire.
En effet, les – trop – nombreux scandales alimentaires qui ont agité la scène internationale, et notamment européenne, ont amené, dès 2016, le comité du Codex sur les systèmes d’inspection et de certification des importations et des exportations alimentaires (CCFICS), à se pencher plus avant sur la lutte contre la fraude alimentaire dans le contexte de la sécurité sanitaire des aliments et des pratiques loyales dans le commerce alimentaire.
Projet de définition de la fraude
En septembre 2018, le CCFICS a estimé qu’une lutte efficace contre la fraude alimentaire nécessitait davantage de recommandations en matière de contrôle et d’orientation pour garantir l’authenticité des denrées alimentaires et la lutte efficace contre la contrefaçon des aliments et toute autre forme de fraude à la législation et aux normes alimentaires.
Au-delà du non-respect des normes applicables, la fraude revêt un caractère intentionnel et organisé. Face à ce phénomène mondial et polyforme (adultération, substitution, dilution, altération, simulation, contrefaçon et falsification), il est donc nécessaire pour les autorités nationales de s’accorder sur une définition précise et contraignante des notions en jeu, tels que l’intégrité et l’authenticité des aliments, ou encore l’adultération pour des raisons économiques.
Le CCFICS a ainsi proposé un projet de définition de la fraude alimentaire comme « toute action délibérée quelconque d’entreprises ou individus visant à tromper autrui quant à l’intégrité d’un aliment aux fins d’obtenir un avantage injustifié ».
Sur la base de ces propositions, le CCFICS pourrait à l’avenir élaborer diverses orientations, concernant notamment les risques que les autorités compétentes devraient envisager de prendre en compte dans le cadre des contrôles, l’échange d’informations et la coopération entre les différentes autorités aux niveaux national et international, la communication avec les parties prenantes et le public sur les incidents des fraudes ou les mesures ciblant la fraude alimentaire.
Avec la participation de Thaïs Payan, legal consultant au sein du cabinet d’avocats Keller and Heckman.
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.