À la française
Si vous voulez ne rien perdre de l’actualité cette semaine, on vous conseille de camper sur le Champ-de-Mars à Paris. Demain mercredi, la Sopexa organise au 1er étage de la Tour Eiffel, le lancement de l’opération « L’apéritif à la française », à laquelle participera Hervé Gaymard. Je ne sais pas encore avec précision ce qu’est un apéritif à la française vu par Sopexa, mais il y a du travail, c’est certain. Car pour l’instant, la liqueur anisée est fabriquée avec de la badiane chinoise, les pistaches sont turques ou iraniennes, les chips hollandaises et les olives espagnoles. Va-t-on se remettre au vieux Byrrh, au Chambéry-fraise à l’eau de Selz, à la Suze, au kir du chanoine, en grignotant des crapiaux ou des couennes confites ? C’est au moment que tout semble fini que la civilisation reprend le dessus…
Jeudi 13 mai, on quitte les hauteurs pour le plancher des vaches. L’esplanade sera occupée par une manifestation – dites plutôt : un « événement», organisé par la FNSEA, Jeunes agriculteurs et la Fédération nationale bovine. Sur le thème : non aux accords avec le Mercosur qui auraient pour conséquence une entrée massive de viande brésilienne. On parle de 200 000 tonnes en plus des contingents habituels de Hilton Beef.
Les responsables de la FNB, qui ont pris l’initiative de cette action à laquelle se sont jointes ensuite les deux centrales, souhaitent montrer à l’opinion publique (rien de tel qu’une dégustation gratuite de grillades pour parler avec les consommateurs…) que la viande produite là-bas ne peut l’être qu’au prix de lourds sacrifices sur l’environnement. On sait par exemple que, cette année encore, le Brésil va déforester 1,8 Mha de la forêt amazonienne pour planter du soja et nourrir du bétail. Cette réutilisation offensive des arguments écologiques entre dans une nouvelle dialectique des représentants de l’élevage, et singulièrement du troupeau allaitant, en faveur d’une sorte de « viande à la française. » Ils entendent, en effet, utiliser à fond les arguments longuement (et chèrement) capitalisés ces dernières années sur la traçabilité, la naturalité et la qualité spécifiques des viandes produites à partir des troupeaux spécialisés. Et si ceux-ci sont plus présents en France que partout ailleurs en Europe, ce n’est la faute de personne. Même pas de ceux qui souhaiteraient imposer l’étiquetage d’une « origine UE », de préférence aux mentions nationales.