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Comment la filière gibier se structure en France

L’Association européenne de la promotion et de la valorisation de la viande de gibier veut donner une nouvelle image à la filière.

Que deviennent les 18 000 tonnes de gibier chassées chaque année ? Peu de chiffres existent. La consommation de venaison est intrinsèquement liée à l’acte de la chasse, pour l’InterProchasse. Or, que dit le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ? « L’interprofession chargée de la chasse ne peut que très partiellement se saisir de ce dossier et devra s’élargir à l’aval de la filière – industriels et artisans de la viande – pour répondre aux enjeux de cette valorisation caractérisant son secteur d’activité », lit-on dans les conclusions du rapport Valorisation de la venaison, publié en octobre 2021.

Selon les quelques données récoltées, il apparaît que la viande de gibier est autoconsommée dans neuf cas sur dix. « 44 % de la venaison rapportée au foyer est ensuite distribuée ou offerte à l’entourage du chasseur », indique le rapport, où l’autoconsommation vraie, c’est-à-dire dans la famille du chasseur, est estimée à moins de 50 %.

Conformément à la réglementation française, le chasseur peut aussi vendre des carcasses entières en plumes ou poils non éviscérés pour le petit gibier mais aussi des carcasses entières en peaux et éviscérées pour le grand gibier après examen. Ces livraisons sont pour la plupart destinées à des détaillants, comme les bouchers mais tous les circuits courts ne sont pas identifiés. La majorité des circuits sont informels. L’exemple est probant en grand gibier où seuls quelques rares professionnels et particuliers s’approvisionnent dans les conditions prévues par la réglementation. En 2019, précisément 24 782 sangliers auraient transité par les circuits officiels. En pourcentage, c’est peu, seulement 3 % sur l’ensemble des sangliers abattus en action de chasse (hors enclos). Il existe une véritable « zone grise » de la circulation de la venaison pour le CGAAER. Le gibier qui y transite constitue une part importante à valoriser. L’Association européenne de la promotion et de la valorisation de la viande de gibier, créée en mars 2023 et présidée par Vandrille Spire, s’est, entre autres, donné pour mission de réduire cette zone d’ombre au regard d’une des principales recommandations du rapport du CGAAER. « Le monde de la chasse doit, pour valoriser une partie de la venaison et améliorer sa conformité aux dispositions réglementaires, s’affranchir d’une approche de cueillette pour s’engager dans un début d’organisation de filière. »

Optimiser la collecte et intégrer les circuits commerciaux

C’est également cet esprit de filière que Vianney Baule et Édouard Rapp, membres de l’association, tentent de développer à travers leur activité. Les deux cofondateurs de Nemrod proposent de la charcuterie et des viandes fraîches aux professionnels, mais aussi en livraison à domicile pour les particuliers. Toutes sont à base de gibier sauvage français issu de la chasse durable collectée en territoire ouvert. Au sein de leur entreprise, située dans le massif des Vosges, les deux jeunes entrepreneurs participent à la redynamisation des circuits de transformation. « Une partie de l’avenir de la venaison repose sur sa transformation : désaisonner, conserver, créer des produits nouveaux sont autant de défis », insiste le CGAAER.

Donner l’envie du gibier

Côté consommation, l’Association européenne de la promotion et de la valorisation de la viande de gibier veut aussi agir. La viande de gibier est-elle boudée par les Français ? En 2021, elle ne représentait qu’un pour cent du total des viandes consommées, 44 700 tonnes, estime l’association. Près de 40 % des Français n’en mangent jamais ; près de 50 % en consomment moins d’une fois par mois. Les consommateurs réguliers en mangent 12 fois par an en moyenne. Il y a une cause sociologique à cela : le gibier fait référence à la chasse ; il évoque une brutalité plus que les autres viandes ; la connotation générale est négative.

L’association tente de redorer le blason de ce produit carné en mettant en avant certaines caractéristiques. « La viande de gibier est goûteuse et non grasse. La vie sauvage de l’animal lui confère ces caractéristiques particulières », vante Vandrille Spire. Il y a aussi sûrement un manque d’offres.

Enfin, la majeure partie de la consommation de gibier a lieu à l’occasion des fêtes de fin d’année. Des communications sont pensées par l’association pour désaisonnaliser cette viande et la faire découvrir à un plus grand nombre de consommateurs. D’ores et déjà, plusieurs termes seront bannis du langage promotionnel ; c’est le cas du mot chasse et de tout le champ lexical qui s’y réfère. Autre barrière à franchir, le prix élevé. Mais la filière a bon espoir de rendre le gibier abordable, surtout quand elle regarde au-delà de nos frontières. En Suisse par exemple, on consomme de la viande de biche dans les cantines scolaires. La consommation de viande de venaison est aussi chose courante dans de nombreux pays scandinaves. C’est principalement de ces pays, mais aussi d’Allemagne, que la France importe de la viande de gibier. Difficile de chiffrer ces achats. Il semble selon la Brigade nationale d’enquête vétérinaire et phytosanitaire, qu’en 2019, 51 % des volumes de viande de gibier sur le marché national (circuit long comme circuit court) étaient importés. Ce qui représentait 12 % de l’ensemble des volumes de viande de gibier estimés produits. « Parmi les pays européens, la France serait un gros consommateur », estime le rapport.

Des ateliers surtout implantés au nord de la Loire

En France, vingt-six ateliers sont agréés pour découper et transformer le grand gibier, selon le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux. On les trouve principalement au nord de la Loire. L’activité est très concentrée puisqu’un opérateur français réalise à lui seul plus de 30 % du volume d’activité du secteur du grand gibier sauvage. Près de 80 % de ce dernier est traité, toujours au nord de la Loire, par les sept plus grands ateliers. En petit gibier, on compte huit ateliers de traitement dans l’Hexagone, ils sont aussi agréés pour le grand gibier. Tous également sont situés dans la même zone. Des opérateurs doivent faire de longues distances en transport. Ces structures de chasse livrent alors moins fréquemment l’atelier que d’autres, plus proches. Le rapport pointe la nécessité d’avoir des collecteurs professionnels qui peuvent eux-mêmes être équipés de centres de collecte intermédiaires.

à retenir

Près de 40 % des Français ne mangent jamais de viande de gibier.

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