La définition de « novel food » intéresse la CJUE
La cinquième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 9 novembre 2016* un arrêt, qui pourrait remettre en question la définition de « novel food », telle qu’appliquée depuis vingt ans.
Les « novel foods » sont définis à l’article I du règlement n° 258/97 comme des aliments ou des ingrédients, dont la consommation était négligeable – voire inexistante – dans l’Union européenne avant le 15 mai 1997 et qui relèvent de l’une des quatre catégories listées dans ledit article. L’arrêt du 9 novembre 2016 s’intéresse à la première catégorie citée, en s’attachant à définir plus précisément ce qu’est une « structure moléculaire primaire nouvelle ».
Dans les faits, la société allemande Davitas commercialisait un produit alimentaire ayant comme seul ingrédient une substance minérale d’origine volcanique. Suite au rapport du service de santé et de sécurité alimentaire de Bavière, il a été établi que le produit était un « novel food » au sens du règlement précité, et a interdit sa commercialisation. La société Davitas a aussitôt formé un recours en annulation devant le tribunal administratif de Bavière, au motif que l’unique ingrédient de son produit était présent à l’état naturel, et ne saurait, dans ces conditions, être qualifié de « structure moléculaire primaire nouvelle ».
« Structure moléculaire primaire nouvelle »
Le tribunal administratif a préféré saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), afin qu’elle se prononce sur le fait de savoir si une structure moléculaire primaire nouvelle consiste en une structure nouvellement utilisée dans l’alimentation ou en une structure moléculaire primaire nouvellement créée ou modifiée par l’homme. La question est subtile juridiquement et sa réponse, sensible économiquement. En effet, l’écart est important entre les deux approches.
Ainsi, si la Cour apportait une réponse positive à la première question, l’évaluation d’innocuité aurait été requise dès lors qu’une substance – quand bien même elle aurait existé naturellement depuis des décennies – n’aurait pas été utilisée dans la consommation humaine avant 1997. En revanche, si la CJUE retenait la seconde définition, les substances existant avant 1997 – bien que non encore utilisées pour l’alimentation humaine – seraient hors du champ du règlement.
La CJUE a opté pour la première approche, en considérant que l’expression « structure moléculaire primaire nouvelle » se rapporte aux aliments qui n’ont pas fait l’objet d’une consommation humaine sur le territoire de l’Union européenne avant le 15 mai 1997, sans distinguer selon que la substance existait ou pas, sous sa forme naturelle avant cette date. Cette décision est sans surprise au regard du sacro-saint principe de protection du consommateur. Elle est toutefois contestable juridiquement. En effet, deux exigences sont nécessaires pour qualifier un aliment de « novel food » : d’une part, que l’aliment ou l’ingrédient n’ait été consommé que depuis le 15 mai 1997, et d’autre part, qu’il relève de l’une des quatre catégories visées par l’article I.
Substance d’origine minérale
Or la CJUE a – peut-être trop rapidement – assimilé la catégorie « nouvelle structure moléculaire primaire » à la formule « nouvellement consommé par l’homme ». Ce faisant, elle a oublié que cette catégorie avait principalement pour objectif d’évaluer l’innocuité d’aliments nouvellement créés ou modifiés par l’homme, et non pas d’englober tous les aliments ou ingrédients « simplement » non consommés avant le 15 mai 1997. Cet amalgame résulte manifestement du fait que le législateur n’avait pas prévu de catégorie pour les nouveaux aliments composés de substances d’origine minérale. Cette carence a été palliée dès lors dans la mesure où le règlement n° 2015/2283 abroge le règlement n° 258/9, et fait désormais référence aux « denrées alimentaires qui se composent de matériaux d’origine minérale ou qui sont isolées ou produites à partir de matériaux d’origine minérale ».
Pour autant, cet arrêt est une nouvelle illustration de la complexité à définir un « novel food ».
*Affaire C-448/14, Davitas GmbH contre Stadt Aschaffenburg.
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.