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La crise énergétique s’ajoute à l’inflation

Les prix de gros du gaz et de l’électricité dépassent l’entendement. Les factures augmentent. Les contrats ne peuvent pas se renouveler. Les difficultés s’accumulent pour les activités agricoles et alimentaires.

Transférer des productions sur des sites moins énergivores, une solution à étudier.
Transférer des productions sur des sites moins énergivores, une solution à étudier.
© Rudy and Peter Skitterians de Pixabay

Le jour où nous avons joint Dominique Chargé début septembre, le président de La Coopération agricole ne savait pas si le gouvernement choisirait d’épargner le secteur agroalimentaire dans un éventuel arbitrage d’un rationnement de gaz ou d’électricité cet hiver. Et puis le ministre délégué de l’Industrie, Roland Lescure, a déclaré sur France Info le 5 septembre, les entreprises « qui ne peuvent pas s’arrêter » seraient épargnées, dont « un certain nombre d’entreprises agroalimentaires ».

Dominique Chargé avançait : « Le secteur agroalimentaire pourrait être exonéré au moins dans les moments où les productions périssables sont les plus exposées. » Mais il savait que les activités industrielles des coopératives devraient ménager le réseau électrique. Travailler de nuit pourrait être une option, certains en parlent, comme de transférer des productions sur des sites moins énergivores. « Tout ça est sur la table », a-t-il rapporté. Afin que le secteur agroalimentaire prenne part à l'économie de 10 % d’énergies sur deux ans, que demande le gouvernement à la société entière, le président de La Coopération agricole a évoqué plusieurs pistes proposées par les industriels pour optimiser leur consommation, et dont celles de réduire certaines références pour éviter des changements de ligne très énergivores.

Au-delà de la fourniture aléatoire en énergies, le prix de celles-ci pourrait provoquer des arrêts de production en première transformation et, par conséquent, des pénuries, craignent les coopératives. « La boulangerie et la pâtisserie m’alertent sur des risques de manque de matières premières, si le blé n’était pas assez valorisé, détaille Dominique Chargé. Dans le lait, les fruits et légumes, la viande, le problème se pose également. »

Enfin, La Coopération agricole s’inquiète des entreprises dont les contrats en énergies – de 3 ans généralement – arrivent à échéance ces prochains mois. « Le niveau d’utilisation des entreprises ne leur permet pas de se couvrir en électricité. Elles sont obligées d’accepter des contrats sur les prix de marché », s’est alarmé Dominique Chargé. La situation explosive nécessite non seulement la protection d’un bouclier garanti par l’État, selon le président de La Coopération agricole, mais aussi l’indexation de ces coûts énergétiques dans le cadre des négociations commerciales.

« Le niveau d’utilisation des entreprises ne leur permet pas de se couvrir en électricité », Dominique Chargé, président de La Coopération agricole

L’Association des entreprises de produits alimentaires élaborés (Adepale) a mené une enquête auprès de ses entreprises adhérentes montrant qu’un tiers d’entre elles verra leur couverture énergie prendre fin en décembre 2022, et qu'elles pourraient subir des hausses jusqu’à 700 %, selon un communiqué intitulé « PME & ETI agroalimentaires : la rentrée de tous les dangers ». « Une situation catastrophique qui risque d’entraîner des arrêts de lignes de production et des recours à l’activité partielle », appréhende l’association.

L’énergie s’ajoute à l’inflation des matières agricoles, des emballages, du fret, etc. « Nous sommes sur des accumulations des hausses qui fragilisent clairement les industries de l’agroalimentaire, estime Jérôme Foucault, président de l’Adepale, en plus des difficultés de recrutement et d’approvisionnement que nous rencontrons. » Or, selon l’enquête interne, un tiers des entreprises n’a pas obtenu formellement des distributeurs les hausses de tarifs dont elles ont besoin.

4 millions d’euros par an pour conditionner des pommes

L’Association nationale pommes et poires (ANPP) a lancé l’alerte publiquement à la fin août, après avoir déjà sollicité l’État en juin. En effet, un tiers des stations de conditionnement et de stockage des pommes et poires renouvelle en principe cette année leur contrat d’électricité. L’ANPP montrait en juin qu’une unité de conditionnement moyenne de 20 000 tonnes par an, payant à l’époque 300 euros le mégawattheure, voyait sa facture annuelle passer de 270 000 euros à 1,3 million d’euros, pour quelque 300 000 euros de résultat annuel. Ce serait aujourd’hui 4 millions d’euros. « En Nouvelle-Aquitaine, on ne nous propose plus de contrat depuis le 1er septembre », s’offusque Daniel Sauvaitre, président de l’ANPP. « Nous intervenons auprès de Bruno Le Maire pour être pris en charge par le plan de résilience », informe-t-il. Voici des entreprises qui ne peuvent pas s’arrêter, comme a dit Roland Lescure.

EDF n’écarte pas des risques de tensions

Un indice du ralentissement à venir dans l’agroalimentaire : les entrepôts de Stef, principal prestataire en logistique et transport sous température dirigée, subissent depuis le printemps la hausse de l’électricité. Stanislas Lemor, président-directeur général de Stef, a annoncé le 1er septembre : « Le groupe se prépare pour faire face au ralentissement de l’activité dans les mois à venir. »

À quoi s’attendre cet hiver ? EDF et Engie se sont prononcés à un débat sur la crise énergétique aux rencontres des entrepreneurs de France du Medef les 29 et 30 août. Les réserves de gaz d’Engie sont à plus de 95 %, celles de la France de 90 %. Le risque de pénurie semblait écarté par Engie, sauf si l'hiver devenait trop rigoureux. Le plan européen de réduction de la demande en gaz, de la Commission européenne vise à réduire la demande de 15 % jusqu’au 31 mars 2023. EDF n’écarte pas le risque de tensions sur la fourniture d’électricité, et prévoit de redémarrer des centrales nucléaires en maintenance. Dans le cadre du plan de résilience, le gouvernement a prévu de lancer le 15 septembre une deuxième phase de remboursements partiels des dépenses engagées durant l’été, sur la base d’une éligibilité élargie et simplifiée.

En plus des peines à l’embauche

Autre préoccupation des industriels, les difficultés d’embauche sont vécues dans tous les secteurs de l’agroalimentaire, non seulement la transformation des viandes, mais aussi l’industrie laitière, la boulangerie, la biscuiterie… Tel est le constat à l’Association bretonne des entreprises agroalimentaires (ABEA). Les métiers en manque de candidats restent les techniciens de maintenance, conducteurs de machines et opérateurs de production. Mais les fonctions support, jusqu’au marketing, sont à leur tour en pénurie. Dans les bassins d’emplois où le taux de chômage est tombé à 5 % depuis un an – c’est 3,5 % dans le bassin de Vitré – c’est pire.

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