La Commission européenne à la traîne pour le végane

Les autorités allemandes ont été les premières à avoir adopté une définition officielle des termes « végane » et « végétarien ». Cette initiative, qui offre enfin un cadre précis d’utilisation pour ces allégations, souhaité par les industriels, n’a pas, pour autant, conduit la Commission européenne à agir. Une inaction fortement critiquée.
En droit européen, il n’existe, à ce jour, aucune définition pour les termes de « végétarien », de « végétalien » ou « végane ». Bien que l’article 36 du règlement Inco prévoyait expressément la possibilité pour la Commission européenne d’adopter des actes d’exécution pour l’indication de l’acceptabilité d’une denrée alimentaire pour les végétariens ou les végétaliens, cette dernière est toujours restée très discrète sur la question.
Seules les associations – comme l’Union des végétariens européens (UVE) – proposent des définitions des termes « végane » et « végétarien ». L’UVE, par exemple, définit les véganes comme les personnes consommant des aliments qui ne sont pas des produits d’origine animale, et qui, dans la fabrication, la préparation ou le traitement, n’ajoutent ou n’utilisent, aucun ingrédient ou auxiliaires technologiques d’origine animale, de manière intentionnelle. Pour les végétariens, la définition de l’UVE est la même, excepté le fait que le lait, le colostrum, les œufs, la cire d’abeille, le miel et la propolis, leurs constituants et leurs produits dérivés peuvent être consommés.
C’est dans ce contexte d’inaction de la Commission européenne que le gouvernement allemand a donc pris, en juin 2016, l’initiative de définir les conditions d’utilisation de ces allégations. En effet, avec près de 10 % de la population allemande végétarienne, un encadrement juridique des aliments destinés aux « végétariens » et aux « véganes », était devenu indispensable.
Des définitions allemandes
Les définitions retenues sont les suivantes : un produit alimentaire dit « végane » n’est pas d’origine animale. Aucune étape de sa production et/ou transformation ne fait intervenir de produits d’origine animale, sous une forme brute ou transformée, qu’il s’agisse, d’ingrédients (y compris additifs, vecteurs, arômes et enzymes), d’auxiliaires technologiques, de substances qui ne sont pas des additifs alimentaires, mais qui sont utilisées d’une manière et dans un but analogues à ceux des auxiliaires technologiques.
Un produit dit végétarien, répond aux exigences en vigueur pour les produits « végane », à la différence près que les produits suivants peuvent être ajoutés ou utilisés : le lait, le colostrum, les œufs, le miel, la cire d’abeille, la propolis, la graisse de suint (de laine de mouton, y compris la lanoline dérivée de la laine de moutons vivants ou leurs dérivés).
Les définitions allemandes sont ainsi en adéquation avec celles de l’UVE, dans la mesure où ni les produits « végétariens » ni les produits « végétaliens » ne peuvent avoir été fabriqués avec l’aide de substances d’origine animale, quand bien même ces substances ne sont plus présentes dans le produit final.
Absence d’harmonisation
Mais dans les autres États membres, les termes « végane » et « végétarien » ne sont toujours pas encadrés, ceux-ci restant dans l’attente d’un règlement de la Commission européenne, suivant en cela l’exemple du sans « gluten ».
Cette situation est très regrettable, car l’initiative allemande n’a fait qu’accentuer l’absence d’harmonisation entre les États membres, là où la volonté du législateur européen était d’harmoniser la question de l’étiquetage des denrées à destination de consommateurs particuliers, soucieux d’être éclairés quant à leur choix alimentaire.
Ainsi, même si le principe de reconnaissance mutuelle devait, en théorie, permettre la commercialisation en Allemagne, de produits provenant d’autres États membres et ne respectant pas les définitions allemandes de « végétarien » et « végane » précitées, l’introduction de telles définitions n’a fait que renforcer les discriminations entre États membres et les barrières à la libre circulation.
Or, il en va cette fois de la demande d’information du consommateur lui-même…
LE CABINET KELLER & HECKMAN
Keller & Heckman est un cabinet international de droits des affaires, spécialisé en droits agroalimentaires, matériaux en contact alimentaires, environnement et publicité, présent à Bruxelles, Paris, San Francisco, Shanghai et Washington. Katia Merten-Lentz est avocate-associée au sein du cabinet Keller & Heckman. Elle est chargée de toutes les questions agroalimentaires, européennes et nationales, et ce, pour toutes les filières de la chaîne alimentaire. Elle intervient tant en conseil qu’en contentieux, auprès des industries de l’agroalimentaire pour la mise en œuvre de la réglementation agricole et alimentaire de l’Union européenne.