L’avis de l’analyste des marchés de la CGB
« Il y a une réelle tension sur le marché européen du sucre »
Les Marchés Hebdo : En dehors de la production de sucre en Inde et en Thaïlande, qui devrait diminuer, quels facteurs et signaux sont-ils selon vous à surveiller sur le marché mondial ?
Timothé Masson : L’an prochain, on repasse en cycle déficitaire. Ce qui devrait se confirmer vers la fin de l’été. Certes, les stocks mondiaux sont importants, mais ils sont mal répartis. Il y en a beaucoup en Inde et peu en Chine. En outre, la consommation est dynamique. Elle continue de croître de 2 à 3 millions de tonnes par an. Parmi les nombreux facteurs influençant les cours, il y a la corrélation avec le pétrole. À 62 dollars le baril comme aujourd’hui, on a tendance à transformer du sucre en éthanol. La monnaie brésilienne est à suivre. L’arrivée de Jair Bolsonaro aux commandes en début d’année s’est traduite par le renforcement du réal. Plus fort par rapport au dollar, il va tirer les cours. Il y a enfin les spéculateurs. Le 28 mai, les cours étaient nets vendeurs de 9,8 Mt, presque 2 fois la production de la France. Ils sont en train de changer de perception et deviendront nets acheteurs quand le marché va se tarir. La hausse du cours à New York en ce début juin, est un signal.
LMH : Qu’en est-il de l’Union européenne, où les cours observés restent bien bas ?
T. M. : L’observatoire européen indique un prix livré sous contrat, aux alentours de 300 euros la tonne. Or, les contrats s’étaient négociés avant la sécheresse qui a affecté la production. Les semis pour la récolte de 2019 sont en recul de 7 %. On pourrait bien ne pas produire plus que l’an dernier. On s’oriente alors vers un stock de 1,3 Mt, qui correspond à 29 jours de consommation, contre 2,6 Mt en moyenne quinquennale. Il y a une réelle tension sur le marché. Elle ne se traduit pas encore dans les prix livrés, mais dans le prix spot, qui est 470 euros/t rendu utilisateur européen.
LMH : Comment mieux adapter la filière à la volatilité du sucre ?
T. M. : La CGB veut un autre système de contractualisation en aval et en amont. En aval, il n’est pas possible de contractualiser à prix fixe pour un an. En amont, les sucriers doivent davantage adapter les surfaces plantées au marché, être capables de diminuer collectivement les surfaces. Plutôt que de fermer des usines. Le marché mondial, à 390 euros la tonne en moyenne sur 10 ans, est rémunérateur pour les industriels et les betteraviers. Il faut savoir gérer la volatilité, avoir des outils de gestion du risque et d’adaptation des surfaces.