Point de vue
« Il nous faut un accompagnement pour atteindre ces objectifs »
Éric Lepêcheur, président de Restau’co, commente sans mâcher ses mots pour Les Marchés l’examen du projet de loi Alimentation et les amendements déposés sur la partie restauration collective.
Éric Lepêcheur, président de Restau’co, commente sans mâcher ses mots pour Les Marchés l’examen du projet de loi Alimentation et les amendements déposés sur la partie restauration collective.

Les Marchés Hebdo : Les députés réunis en commission du Développement durable viennent d’inscrire dans la future loi Alimentation l’objectif de 20 % de produits bios et 30 % de produits de qualité d’ici à 2022 pour la restauration collective. Qu’en pensez-vous ?
Éric Lepêcheur : On n’est contre rien par définition dans la mesure où l’on a le souhait de porter une alimentation saine, sûre et pour tous. Il faut néanmoins un accompagnement pour atteindre ces objectifs. Le Grenelle de l’environnement avait déjà proposé cet engagement il y a dix ans. Résultat : nous sommes arrivés à 2,9 % de bio en 2017. Refaire la même erreur est une hérésie.
LMH : La commission du Développement durable préconise un accompagnement financier pour la restauration collective en zones difficiles. Est-ce suffisant ?
E. L. : Non, cela ne suffit pas ! Il nous faut créer les conditions de développer les volumes, de créer de nouvelles installations de producteur pour répondre aux enjeux à l’aube de 2022.
Le 10 janvier, l’ensemble des acteurs de la restauration collective s’est réuni pour faire 20 propositions afin d’accompagner la demande des convives. Trois nous semblent essentielles. Il faut un soutien financier en particulier pour l’approvisionnement en bio, qui, selon une étude réalisée par les grossistes, représente un surcoût de 42 %. On a fait le calcul : si on doit passer à 20 % de bio, cela fera 20 centimes de plus à l’assiette (dont le coût alimentaire moyen est à 2,50 euros). Si l’on prend en compte toute la restauration collective cela représente 739 M€/an dont 264 M€/an juste pour la partie publique. On avait proposé à l’Élysée l’option d’une TVA adaptée pour ces produits. Aujourd’hui, 50 % des hôpitaux sont en faillite, et on nous demande de réduire encore les coûts dans la restauration et les économies faites nous sont soustraites pour payer d’autres dépenses !
On a aussi demandé la signature du pacte d’engagements volontaires pour toute la restauration collective par le Premier ministre ou le président de la République : ils nous ont répondu qu’ils n’étaient pas disponibles.
Troisième mesure : la création de synergie dans les régions, avec l’ambition de mettre tous les acteurs autour de la table pour rendre notre rêve possible dans un réseau régional.
Sans un travail participatif, avec nos ministères, nous ne sommes pas capables de porter ces engagements ni de porter les enjeux des filières : j’ai l’impression d’avoir une grosse valise, mais pas de poignée pour porter les enjeux du gouvernement, et nous ne serons pas capables dans ces conditions d’accompagner les plans de filière et la montée en gamme.
LMH : La commission Développement durable propose de privilégier les labels équitables…
E. L. : Soyons fous ! C’est de l’hypocrisie totale. Aujourd’hui, en commerce équitable, on fait un peu de café, de chocolat, c’est marginal.
LMH : Quid du plan de diversification des protéines que l’on vous demande de mettre en place ?
E. L. : Je vais aller dire à mes clients : demain je ne vous sers pas de viande ! Ça va être difficile auprès des étudiants et de nos convives. Il faut présenter cela avec pédagogie, avec lucidité et pragmatisme. L’évolution des idées comme nos repères alimentaires ne se décrète pas, elle se forge en conscience, dans une éducation au goût.