Avis de l’interprofession porcine
« Il faudra peut-être mettre en place des mesures impopulaires »
Les Marchés Hebdo : Quel est l’état d’esprit de la filière porcine française face à la menace de ce que vous appelez la fièvre porcine africaine (FPA) ?
Guillaume Roué : On considère que tous les clignotants sont allumés. Depuis plusieurs années, un virus que l’on ne contrôle pas fait des sauts plus ou moins importants en Europe de l’Est. On sait que ce virus est beaucoup véhiculé (transport d’animaux, migration d’animaux sauvages, facteur humain, alimentation). Et d’un seul coup le virus débarque en Belgique. Nous sommes dans une situation explosive.
LMH : Comment jugez-vous l’attitude de l’Union européenne sur le sujet ?
G. R. : La position de l’Union européenne est intenable. On a proposé avec les Danois, Espagnols et Portugais de dresser une barrière physique quand la maladie était en Pologne et en Roumanie, avec des abattages préventifs. Il faut une stratégie offensive. Il n’y a pas de raison que la maladie n’atteigne pas d’autres états. C’est la chronique d’une défaite annoncée.
LMH : Comment jugez-vous les mesures prises en Belgique, sont-elles à la hauteur ?
G. R. : Les Belges ont bien pris le taureau par les cornes. Faire abattre tous les porcs dans un rayon autour des cas détectés est une bonne décision. Ils réfléchissent aussi à mettre en place une vraie clôture, et c’est bien.
LMH : Qu’attendez-vous des autorités françaises ?
G. R. : De la fermeté ! Les contacts avec la DGAL sont bons. Il faudra peut-être mettre en place des mesures préventives impopulaires. Nous devons être très fermes sur la mise en place d’une zone tampon à proximité de la frontière, en enlevant les porcs et en indemnisant les éleveurs. Ces éleveurs devraient être coopératifs. On ne fait pas la guerre avec des fusils en plastique ! Et enfin, il faut respecter les mesures de biosécurité. Mais là, chacun doit prendre ses responsabilités.
LMH : Pour l’instant comment se passent les exportations françaises de porc ?
.R. : Nous sommes sur une même tendance positive : de 120 000 t en 2018 contre 116 000 t en 2017 à la même époque. Mais il reste encore quatre mois. Avec la FPA en Chine, on devrait voir un regain commercial, d’autant plus que les taxes ont augmenté aux États-Unis. Mais tous les pays ne respectent pas la politique définie par l’OIE, car ils ferment le pays entier, en cas de FPA, au lieu d’appliquer la régionalisation. On souhaiterait faire accepter cette régionalisation à l’Asie, en particulier à la Corée, au Japon et à la Chine. Par ailleurs, nous avons des rencontres à l’OIE pour que les pays, dont les porcs domestiques ne sont pas touchés, soient déclarés indemnes.