Le docteur vétérinaire Gregorio Torres est un épidémiologiste en santé animale issu de l’université de Cordoue (Espagne) et de celles de Glasgow et Londres (Grande-Bretagne). Avant d’entrer en 2014 à l’OMSA (ex-OIE, à Paris), il a notamment travaillé aux programmes de surveillance du ministère espagnol de l’Agriculture. À la tête du service scientifique de l’OMSA depuis 2019, il dirige les programmes de contrôle de plusieurs maladies, dont l’influenza.
L’influenza aviaire hautement pathogène a été un thème majeur de la 90e session générale de l’OMSA, qui s’est tenue à Paris fin mai 2023. C’est depuis plusieurs années une menace mondiale inédite pour les élevages, la faune, les économies et la subsistance de populations. Peut-on imaginer un retour à la situation antérieure ?
Gregorio Torres - Difficile à prédire. Les risques de contamination restent très présents dans l’avifaune sauvage, pour l’élevage avicole, quel qu’en soit le système, à travers les migrations, les mouvements humains et d’animaux. Le risque est multifactoriel, et le mécanisme de diffusion est complexe. Il faut aussi bien surveiller les oiseaux domestiques que les oiseaux sauvages, les mammifères, y compris les humains en tant qu’hôtes potentiels. Cela passera par une meilleure coordination internationale. Considérons que le risque d’influenza aviaire va perdurer.
L’OMSA considère l’existence d’une grande variété de systèmes d’élevages avicoles à travers le monde. Rien qu’en France, on distingue l’élevage fermier en plein air et l’élevage intensif, l’élevage autarcique et l’élevage organisé. Les observations permettent-elles de mettre en question certains systèmes qui seraient particulièrement vulnérables à l’égard de l’influenza ?
G. T. - Ce n’est pas à l’OMSA de recommander des changements de systèmes d’élevage. Les délégués nationaux pointent le besoin d’approfondir les connaissances des influenzas aviaires et d’établir scientifiquement des alternatives de prévention et de contrôle. Un forum de santé animale sur l’influenza aviaire s’est tenu pendant la session générale, au cours duquel il a été question de mettre en place les mesures de biosécurité les plus appropriées au contexte, par exemple, l’arrivée d’oiseaux migrateurs porteurs du virus dans telle zone. Les mouvements humains peuvent dans certains cas être un facteur majeur de contamination. Dans de nombreuses régions du monde, les capacités de surveillance sont insuffisantes. Il ne faut pas se contenter de surveiller les élevages commerciaux. Le forum a aussi constaté la sous-utilisation du zonage et de la compartimentation dans la gestion de l’influenza aviaire, si l’on veut protéger les élevages, assurer la continuité des activités et faciliter le contrôle des maladies.
La vaccination des volailles est présentée, dans une des résolutions de la 90e session générale de l’OMSA comme un outil complémentaire de lutte. Pourquoi pas une solution radicale ?
G. T. - La biosécurité, la détection précoce et le contrôle des mouvements demeurent la pierre angulaire de la prévention et du contrôle de l’influenza aviaire. La vaccination est un outil parmi d’autres. On ne vaincra pas l’influenza aviaire uniquement en vaccinant. Voyez le coronavirus chez les humains, qui a reculé grâce à un ensemble de pratiques : propreté, distanciation, masque, vaccination.
Est-ce une bonne nouvelle que les pays membres soient déterminés à ne pas faire obstacle au commerce des produits d’élevage d’un pays vaccinant des volailles ?
G. T. - Une bonne chose est que les pays s’engagent à respecter les normes de l’OMSA en matière de vaccination. Ces standards ne sont pas nouveaux. Ils font qu’un pays qui vaccine de façon conforme et prouve que cette vaccination est efficace et que le virus ne circule pas dans sa population ne doit pas subir de tort sur le plan commercial. Il faut s’entendre sur les signes d’efficacité et de non-circulation dans les pays pratiquant la vaccination.
L’épizootie peut flamber dans des zones où l’élevage est très concentré. Dans ces zones, est-il préférable de déconcentrer ou de vacciner les volailles ?
G. T. - On ne peut décréter que telle ou telle solution est la meilleure dans une zone d’élevage dense. La réponse à un contexte est certainement une combinaison de mesures.