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Exportation de céréales : Sénalia passe d’un record à l’autre

Consulter le rapport d’activité du groupe Sénalia c’est disposer de la photographie de l’exportation céréalière française. L’effondrement de la production de blé, cette campagne, après le record de récolte atteint par la précédente, a entraîné celui des exportations en France et pour Sénalia. Mais ne s’agit-il que d’un fait conjoncturel ?

Lors de la campagne 2015-2016, les exportations françaises de blé vers les pays tiers atteignaient le record de 12,6 millions de tonnes (Mt), pour l’actuelle, elles tomberaient à 4,7 Mt, selon les prévisions de FranceAgriMer. Dans le même temps, les chargements de céréales par Sénalia*, dans le port de Rouen, premier port céréalier français, passeraient de 5,2 Mt – record également – à 1,9 Mt, une chute de 66 % !

Pour faire face à ces chiffres, évoqués le 6 janvier dernier par Thierry Dupont, président du groupe, et Gilles Kindelberger, directeur général, Sénalia dispose d’une assise financière encore renforcée par l’exceptionnelle campagne céréalière 2015-2016 : un chiffre d’affaires de 39,412 M€, en hausse de 2 %, dont 22,5 M€ générés par le secteur céréalier, soit 57 % du chiffre d’affaires total. Le reste est assuré par la manutention des produits agro-industriels : trituration des oléagineux, diester, sucre, cacao. La diversification, étant la règle origine du groupe, a permis une progression de 13 %. Mais, compte tenu de la place occupée par l’exportation céréalière dans les bilans de Sénalia, l’influence de la dégradation de ce poste pèsera lourd sur les comptes 2016-2017, quelles que soient les économies réalisées depuis le début de cet exercice (le recours au chômage partiel entre autres).

Peut-on ne considérer la désastreuse campagne française d’exportation céréalière, de blé notamment, que comme un accident de parcours infligé par les conditions météorologiques exceptionnellement calamiteuses, ou tenir le record de l’an dernier comme la garantie du rôle de la France au rang de grande exportatrice mondiale de céréales ? La situation est plus complexe, voire grave. Thierry Dupont la décrit ainsi : « le centre de gravité de la “ planète blé ” s’est déplacé vers l’est, le driver du marché est en mer Noire […], des pays montent en puissance : l’Argentine, les pays baltes […]. Dans ce contexte, la France n’est plus un acteur incontournable […], on peut même dire que nous sommes devenus un acteur de 2e zone […] ». « Il y a quelques années, une production française en baisse de 35 % aurait provoqué une hausse du prix [français, ndlr] avec une inquiétude de certains pays importateurs à trouver de la marchandise de qualité. Aujourd’hui, le marché mondial se fait sans le blé français, sans que cela ne crée la moindre secousse », poursuit-il. De plus, l’un des atouts majeurs de la France sur le marché international, la régularité de sa récolte, en volume et en qualité, se trouve mis à mal cette année.

Adapter l’offre à la demande internationale

Quatre experts des grands marchés céréaliers internationaux sont venus participer à la table ronde organisée par Sénalia à l’occasion de cette assemblée générale sur le thème de la « Planète blé ». Ils ont brillamment débattu de la situation des grands pays producteurs, exportateurs ou importateurs de blé. La Russie, susceptible de réagir instantanément aux fluctuations des prix du marché international (elle en fait la brillante démonstration actuellement) disposant d’une incommensurable réserve de terres arables ; l’Ukraine avec son excellente logistique portuaire exemplaire ; la Chine, soucieuse d’assurer son autosuffisance ; l’Inde, tour à tour importatrice ou exportatrice, au gré de la mousson ; l’Argentine, opportuniste et ambitieuse… sont autant de concurrents d’envergure pour le blé français ou de débouchés à préserver ou à conquérir.

Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales, a tiré les conclusions de ce débat, rappelant que si la Pac avait été conçue prioritairement en fonction du développement de l’agriculture, les choses ont changé, et la compétitivité doit concerner aussi bien les producteurs que les entreprises. Le président d’Intercéréales ne conteste pas que la Pac avait aussi permis la création de grands outils économiques, tel Sénalia et d’un tissu d’organismes stockeurs efficaces. Les ports céréaliers ne manquent pas, la recherche de la qualité, à travers le plan protéines par exemple, porte ses fruits. Reste à poursuivre une démarche d’adaptation de notre offre à la demande internationale en matière de prix et de qualité. Cela se nomme compétitivité. « La planète bouge vite, et la France doit s’activer pour garder une place significative », a-t-il déclaré.

Défense d’un bon niveau de protéines

Pour ce faire, le président de Sénalia propose diverses actions, dont la défense d’un bon niveau de protéines est une condition d’accès au marché, invitant à ne pas faire de fausses économies. Il faut, insiste-t-il, redonner de la performance économique à nos exploitations pour retrouver des coûts de production compétitifs. « Cela ne doit-il pas passer par une diminution des charges de mécanisation par exemple, ou de structure ? Et certainement par la mise en place active et rapide d’innovation au service des exploitations », lâche-t-il. Thierry Dupont salue l’atout que représente un outil interprofessionnel comme Intercéréales qui fédère l’ensemble des acteurs de la filière, préconise une offre correspondant aux attentes des marchés, par la segmentation notamment, abaisse les coûts d’intermédiation portuaire et toute mesure susceptible de renforcer la compétitivité du blé français sur sa planète.

Sénalia continue, pour sa part, à y jouer son rôle.

*Union de coopératives offrant à ses adhérents, du grand quart nord-ouest de la France, son activité de stockage et de chargement dans le port de Rouen.

Maintenir la dynamique

Sénalia n’entend pas relâcher ses actions pour assurer et améliorer ses services à ses adhérents. Les longues négociations avec le port de Rouen ont abouti au renouvellement du site portuaire de la presqu’île Élie en garantissant l’exploitation jusqu’en 2048. Sénalia travaille à la mise aux normes grand gabarit du site de Grand-Couronne. Les fonds propres, 91,373 M€, renforcés de 4 % par la belle dernière campagne permettent de financer le programme d’investissement approuvé l’an dernier. Enfin, le groupe a décidé d’exporter son savoir-faire, en l’occurrence la logistique portuaire dans les pays de destination des grains. Le premier accord a été signé avec la société portuaire marocaine Sosipo en avril 2016, pour une implantation à Casablanca.

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