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Escherichia coli Stec : ça bouge dans les analyses !

Une nouvelle norme de recherche d’Escherichia coli Stec est en construction au niveau européen sur la base du protocole TS13136. La France pourrait aussi bientôt disposer de sa propre norme Afnor conservant les sérotypes et les gènes de virulence qu’elle reconnaît comme potentiellement dangereux.

Pour Choreh Farrokh, cheffe du service sécurité sanitaire du Cniel, "2022 doit voir de nombreuses avancées techniques comme réglementaires sur l’analyse des E. coli Stec".
Pour Choreh Farrokh, cheffe du service sécurité sanitaire du Cniel, "2022 doit voir de nombreuses avancées techniques comme réglementaires sur l’analyse des E. coli Stec".
© Cniel

Provoqués par des aliments contaminés, 93 % des cas de syndromes hémolytiques et urémiques (SHU) chez l’homme sont associés à des souches d’Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) hautement pathogènes, les fameuses bactéries porteuses des gènes stx/eae. Ces bactéries constituent un enjeu majeur de risque sanitaire, notamment pour les filières de lait cru (lait liquide ou fromages).

Les difficultés rencontrées pour la détection de ces pathogènes sont multiples. Ces bactéries sont en effet présentes en très faible concentration et elles sont réparties de façon aléatoire dans les matrices. De plus, l’écosystème microbien fromager et la diversité des fromages fabriqués à partir du lait cru de vache, de chèvre ou de brebis modifient la sensibilité des méthodes d’analyse et des kits analytiques utilisés.

Il n’existe, par ailleurs, pas de consensus sur la définition d’une souche pathogène au niveau international, les critères microbiologiques de sécurité manquant en sus des difficultés analytiques.

Les connaissances évoluent beaucoup

« Le groupe des E. coli Stec comporte entre 400 et 700 sérotypes, dont une minorité est pathogène. Les identifier est un enjeu scientifique majeur », rappelle Choreh Farrokh, cheffe du service sécurité sanitaire du Cniel. Elle souligne : « Les connaissances évoluent beaucoup. On arrive à identifier les sérotypes qui sont hautement pathogènes, car les bactéries portent les gènes de virulences stx1 et/ou 2 et eae. Les entreprises comme les autorités françaises compétentes se réfèrent donc au guide de gestion des alertes qui liste cinq sérotypes porteurs de ces gènes-ci. Mais dans l’UE, la réglementation n’impose pas de critères microbiologiques, car il n’y a pas consensus. Ce qui pose notamment des problèmes aux entreprises qui veulent exporter. Ainsi, la Belgique et l’Allemagne exigent l’absence de bactéries porteuses de gène stx. »

« Le groupe des E.Coli Stec comporte entre 400 et 700 sérotypes, dont une minorité est pathogène. Les identifier est un enjeu scientifique majeur » Choreh Farrokh, cheffe du service sécurité sanitaire du Cniel

Or, la méthode de détection TS13 136, appliquée depuis sept ans, devrait devenir prochainement une norme qui s’imposera dans les spécifications techniques des kits de détection comme dans les laboratoires. Dans le cadre du travail de normalisation, les Français sont toutefois inquiets, car le groupe de travail ne retient pas la position française.

Depuis deux ans, un groupe de travail se penche donc, à l’Afnor, sur une norme française qui conserverait son schéma actuel (cinq sérotypes hautement pathogènes, gènes de virulence stx1 et/ou 2 et eae). « Les États-Unis sont assez comparables. Même s’ils retiennent sept sérotypes au lieu de nos cinq, ils cherchent les mêmes gènes de virulence que nous, stx et eae », précise Choreh Farrokh.

Réduire le nombre d’échantillons à confirmer

La méthode TS13 136 s’applique sur quatre matrices : le lait, le caillé, le fromage (cœur et croûte), les filtres de machines à traire. Elle comporte deux phases : le dépistage (via des tests PCR), puis la confirmation (5 à 7 jours en laboratoire). Pour une entreprise laitière, il n’est pas toujours facile de choisir le kit le plus adapté à sa matrice. « Nous avons travaillé avec quatre fabricants pour que les entreprises puissent optimiser le choix de leur kit », indique la responsable.

La première phase n’est toutefois pas optimisée et pas suffisamment sélective, alors que « l’étape de confirmation par isolement de la souche reste problématique techniquement », estimait Patrick Fach, directeur scientifique à l’Anses, le 3 février 2022 lors du webinaire organisé par le Cniel. « Pour optimiser la première étape de dépistage, il serait utile de disposer d’un biomarqueur capable, sans ambiguïté, d’identifier les souches porteuses des gènes stx et eae », soulignait-il.

Le sujet avance. Ainsi, 1 451 échantillons de produits laitiers positifs aux gènes stx et eae ont été testés avec les différentes combinaisons de nouveaux marqueurs proposés par l’Anses. La comparaison de cette méthode avec le protocole TS13136 montre qu’elle réduit systématiquement le nombre d’échantillons présumés positifs allégeant d’autant ceux qui doivent passer à la seconde étape de la méthode, la confirmation.

Cette réduction s’étage de 26 à 52 % sans aucune dégradation de la sécurité sanitaire, ce qui présente un double avantage pour les acteurs de la filière : gain de temps (la phase de confirmation exigeant en effet plusieurs jours et ne peut être pratiquée que par quelques laboratoires) et d’argent, une analyse complète coûtant aux environs de 300 euros.

Ce type d’outil, actuellement en R&D chez un fournisseur de kit, pourrait être déployé sur le terrain dans les 18 à 24 mois.

à savoir

La méthode de détection TS13 136 pourrait cette année passer du statut de spécification technique à celui de norme, divisée en deux parties : la détection et l’isolement ; la caractérisation des souches isolées.

Ajouter le sérotype O80 ?

Le rapport de l’Efsa sur le Stec publié fin 2019 révèle que 97 % des cas de SHU sont associés à des souches véhiculant au moins un gène stx2 et 84 % des SHU sont associés à des souches véhiculant au moins un gène stx2a. Pour l’Anses (saisine 2017), toute souche d’E. coli isolée chez l’homme ou dans les aliments devrait être considérée comme une STEC si elle possède les gènes de virulence suivants : stx1et/ou stx2, eae ou d’autre(s) gène(s) codant un système d’adhésion au tube digestif chez l’homme.

« Les sérogroupes O26 (48 % des cas confirmés) et O80 (16,5 %) étaient largement majoritaires en 2019 », précise, par ailleurs, l’Institut Pasteur, chargé de la surveillance des SHU chez les enfants de moins de 15 ans.

La France reconnaît donc actuellement comme potentiellement dangereuses les souches d’E.Coli Stec appartenant à l’un de ces cinq sérotypes : O26:H11 ; O103:H2 ; O1157:H7 ; O145:H28 et O111:H8 et possédant les gènes de virulence stx1 et/ou stx2 et eae. « Au vu des données épidémiologiques françaises, il est proposé d’inclure le sérogroupe O80 dans le groupe des E.Coli à risque élevé », explique Patrick Fach, directeur scientifique à l’Anses. Une saisine de l’Anses est en cours et devrait être publiée dans le courant 2022.

Construire un plan d’autocontrôles efficace

Les documents d’aide méthodologiques sur les Stec et sur les salmonelles dans les filières fromages au lait cru, rédigés dans le cadre de la plateforme de surveillance de la chaîne alimentaire (PSCA) et publiés en mars 2022, fournissent des pistes pour optimiser les plans d’échantillonnage.

D’après l’avis de l’Anses sur les fromages et autres produits laitiers au lait cru de 2022, les autocontrôles sur les produits finis sont à l’origine de 84 % des alertes.

Les plans d’échantillonnage, propres à chaque entreprise, dépendent du produit et de la fabrication. Ils doivent définir le lot (nombre de fromages pour un jour de production, pour une semaine ou pour une citerne de collecte…), le nombre de prélèvements réalisés dans le lot, les quantités prélevées, souvent au moins 25 grammes, et celles analysées. Le regroupement des prélèvements en « pooling » est parfois possible. « Sous réserve que la contamination soit homogène dans les produits, la probabilité de détection sera similaire si on analyse 1 échantillon de 125 g ou 5 échantillons de 25 grammes, ce qui représente un gain significatif de temps et de coût analytique. Toutefois, dans ce cas, une vigilance particulière doit être accordée à la méthode analytique utilisée », précise Fanny Tenenhaus Aziza, directrice data et statistiques du Cniel. Enfin, la fréquence d’analyse (ex. : tous les lots, 1 lot sur 2) doit être évaluée en s’appuyant sur les historiques d’autocontrôles.

Le Cniel organise des formations d’une journée pour les responsables qualité, sur les techniques calculatoires garantissant une haute probabilité de détection, tout en maintenant des coûts analytiques réalistes. En l’absence de critère réglementaire, comme c’est le cas des STEC, le recours à l’appréciation quantitative des risques (AQR) permet de confronter l’efficacité d’un plan d’échantillonnage à visée libératoire directement au risque pour la santé du consommateur. Par exemple, des simulations d’un modèle développé pour les Stec dans une pâte pressée non cuite ont montré que, dans une situation spécifique de production, une analyse de 25 g au 10e jour d’affinage permet une réduction du risque de syndrome hémolytique et urémique chez l’enfant de moins de quinze ans de 40 %, pour un pourcentage de lots non mis sur le marché de 5 %.

L’interface de simulation des modèles AQR de la filière laitière, disponible en ligne, permet aux opérateurs laitiers, de réaliser des simulations après leur formation.

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