Emmanuel Macron presse les filières de monter en gamme
Élus politiques, représentants syndicaux, professionnels de l’agriculture et de l’agroalimentaire, tous étaient réunis en ce 11 octobre au marché d’intérêt national de Rungis pour écouter l’allocution présidentielle, à mi-parcours des états généraux de l’alimentation. Après un mois et demi de réunions au sein des sept ateliers du premier chantier et de médiatisation des attentes des différentes parties prenantes, les annonces d’Emmanuel Macron étaient très attendues par le secteur.
Un contrat qui serait proposé par les agriculteurs
Si un changement de cadre réglementaire était espéré par certains pour le début des prochaines négociations commerciales, aucune annonce n’a été faite en ce sens par le président, celui-ci préférant repousser les décisions législatives au premier semestre 2018. « Je souhaite que les négociations commerciales qui commencent dès novembre puissent refléter l’esprit de la loi à venir et faire l’objet d’un engagement de toutes les parties à ces négociations sous l’autorité des ministres », a déclaré à ce sujet Emmanuel Macron.
Cette loi à venir dont parle le président portera sur la mise en place d’une « contractualisation rénovée avec un contrat qui serait proposé par les agriculteurs et non plus par les acheteurs ». Elle permettra ainsi une « construction du prix qui doit pouvoir partir des coûts de production ». Emmanuel Macron souhaite par là « stopper la dévalorisation permanente du revenu des agriculteurs ».
Se regrouper pour peser
Pour aider les agriculteurs à peser davantage dans les négociations, le président les encourage à se regrouper en organisations de producteurs (OP) commerciales. « Et aussi vrai que je souhaite que l’État prenne ses responsabilités, je vous le dis, vous devez aussi prendre vos responsabilités et vous regrouper beaucoup plus rapidement, beaucoup plus massivement autour de ces organisations de producteurs », a-t-il sermonné, prévenant que certains dispositifs d’aide seraient conditionnés à la taille des organisations de producteurs commerciales. Le président a indiqué vouloir professionnaliser davantage ces OP pour qu’elles puissent négocier avec leurs acheteurs, en ayant à leur disposition des indicateurs de marché, des coûts de production et des contrats-types par filière.
Pour éviter des poursuites judiciaires pour ententes illicites sur les prix, comme dans l’affaire du cartel des endives, Emmanuel Macron a indiqué qu’il souhaitait que l’Autorité de la concurrence puisse être saisie afin de donner une interprétation précise du droit de la concurrence et que les ministres détaillent dans les semaines à venir les possibilités qui s’offrent déjà pour pouvoir discuter des prix et des volumes au sein des OP commerciales.
Définir des stratégies de filières
L’autre grande décision attendue par les professionnels portait sur le relèvement du seuil de revente à perte (SRP). Le président de la République a dit y être favorable « pour les produits alimentaires », ainsi qu’à l’encadrement des promotions. Il a même affirmé être prêt à faire appel à des ordonnances pour « aller vite ». Mais ces dispositions devront répondre au double objectif que le juste revenu aux producteurs soit garanti et qu’une qualité supérieure des produits soit proposée aux consommateurs. Pour cela, Emmanuel Macron a demandé aux filières de définir une stratégie et de présenter un plan de transformation d’ici à la fin de l’année. S'il indique que « chaque filière aura à porter ses propres défis », le président a cité des orientations collectives autour du bio, des labels de qualité et l’arrêt de certaines productions « de mauvaise qualité ou de qualité moyenne », « que nous ne pouvons pas ni ne voulons faire consommer à notre population » et qui sont en « concurrence sur des marchés internationaux face à des pays contre lesquels nous ne pouvons rien et nous ne pourrons rien ».
Des exemples trop caricaturaux pour certains
Si dans l’ensemble les propositions d’Emmanuel Macron sur le fixement des prix par l’amont et la volonté d’accélérer le processus législatif par un recours aux ordonnances ont été plutôt bien accueillies par les parties prenantes, la volonté du président d’arrêter des productions pour se concentrer sur la montée en gamme n’a pas convaincu certains représentants professionnels.
Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, s’est félicitée de la reprise par le chef de l’État d’un « certain nombre » de propositions formulées par les ateliers, mais a jugé Emmanuel Macron « approximatif, voire caricatural » et même « donneur de leçons » sur la forme, notamment « sur les marchés qui ne marchent pas ».
Guillaume Roué, président d’Inaporc, a lui aussi réagi pour souligner que s’il faut « répondre aux aspirations de la population en matière sociétale » sur les produits biologiques et de qualité, « il faut aussi être capable de fournir en quantité des produits accessibles aux consommateurs au regard de leurs moyens financiers ».
5 milliards d’euros pour l’agriculture
Aux interprofessions désormais de se réunir pour définir leurs contrats de filières, avec la participation de la distribution et des industriels. Dans le cadre du grand plan d’investissement, 5 milliards d’euros ont été réservés au plan d’investissement agricole, a rappelé Emmanuel Macron. Cette somme permettra d’accompagner les choix définis filière par filière.
Début des ateliers du deuxième chantier
Si les réflexions du premier chantier sur la création et la répartition de la valeur vont continuer durant les prochaines semaines, le relais a été donné début octobre au deuxième chantier, qui porte sur le thème d’une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous. Six ateliers ont été définis, portant notamment sur la sécurité sanitaire de l’alimentation française, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la transition écologique et solidaire, ou encore l’attractivité des métiers de l’agriculture et des filières alimentaires. Ces ateliers doivent se poursuivre jusqu’à la fin novembre.