Réglementation
Emballages : ce qui se prépare au niveau européen
Vincent Colard, responsable R&D éco-conception à Citeo, pilote le groupe de réflexion européen sur le projet de normalisation des emballages en plastique recyclables, constitué cet été 2022 à l’initiative de la Commission européenne. Ce travail s’effectue dans le cadre du Comité européen de la normalisation (CEN). Il passe nécessairement par la notion de recyclabilité.
Vincent Colard, responsable R&D éco-conception à Citeo, pilote le groupe de réflexion européen sur le projet de normalisation des emballages en plastique recyclables, constitué cet été 2022 à l’initiative de la Commission européenne. Ce travail s’effectue dans le cadre du Comité européen de la normalisation (CEN). Il passe nécessairement par la notion de recyclabilité.
Pouvez-vous présenter le contexte réglementaire et législatif dans lequel s’inscrit ce travail déterminant la recyclabilité des emballages plastiques ?
Vincent Colard : La loi française Agec impose qu’en 2030, un emballage sera recyclable ou ne sera pas. Tous les emballages sont concernés, même ceux qui sont réutilisables. Tous les matériaux le sont, plastiques, biosourcés ou non, métaux, verre, papier, cellulose, grès, céramique, et aussi le bois a priori, qui devrait être à part selon Citeo. Au printemps 2022 est paru le décret sur les QCE : Qualités et caractéristiques environnementales.
La recyclabilité fait partie des caractéristiques qu’un fabricant ou utilisateur de matériau doit obligatoirement établir. L’Espagne et l’Allemagne sont, comme la France, un peu en avance. Ces deux pays ont mis en place le même type d’encadrement, mais chaque pays a sa définition, ou même ses définitions, il y en a au moins 6 en Allemagne, du fait de plusieurs éco-organismes du type Citeo.
Du côté européen, la Commission européenne a lancé en novembre 2022 le PPWR : le projet règlement sur les emballages et déchets d’emballage. L’article 6 de ce règlement prévoit que tous les emballages seront recyclables en 2030. La Commission européenne a considéré que les filières des emballages plastiques et la société civile pourrait établir une norme sur la méthodologie déterminant leur recyclabilité. Elle envisage de produire dans les prochaines années un acte délégué sur la méthodologie qui va permettre d’ici à 2030, de déterminer quels emballages plastiques seront ou non recyclables. Cet acte délégué pourrait s’appuyer sur la norme, si la chaine de valeur trouve des consensus dans les deux ans. La même méthodologie pourrait s’appliquer à tous matériaux. Notre groupe de travail doit définir une méthode et des critères pour les emballages plastiques.
Comment est composé ce groupe de normalisation de la recyclabilité des emballages plastiques ?
V. C. : Nous avons 120 inscrits, de tous pays européens, et cet effectif grossit. Ce sont des fabricants de granulés de plastique, des fabricants d’emballages, des marques, des centres de tri, des recycleurs, des ONG et la Commission européenne. La norme fonctionne par pays. La France est représentée par l’Afnor et ses membres. Les premiers participants français sont Elipso, qui représente les fabricants d’emballages plastiques, l’IPC, qui est le Centre technique industriel de la plasturgie et des composites, et deux fabricants, Amcor et Alpla. Il va y avoir davantage de participants français.
Quelles sont les exigences de la Commission européenne ?
V. C. : La Commission européenne recherche une définition harmonisée de la recyclabilité des emballages. Chaque pays devra prouver que tel emballage est collecté et trié dans les centres de tri, sinon il devra l’interdire en 2030. Ce qui posera le problème d’un emballage qui serait recyclable dans un pays et interdit dans un autre. Nous devrons présenter des consensus.
Est-il envisageable que le recyclage s’opère dans un pays européen même lointain ?
V. C. : Oui, pourvu que la traçabilité soit assurée. Nos études ont montré qu’il vaut mieux recycler localement, mais les meilleurs recycleurs peuvent se trouver à l’étranger. Les deux recycleurs de polystyrène désignés sur appel d’offre de Citeo sont l’un en Espagne, Eslava, l’autre en Belgique, Indaver ; c’étaient les meilleurs candidats. Certaines filières de recyclage relèvent d’une industrie lourde. Prenons l’acier par exemple, on n'installe pas des hauts fourneaux partout. L’utilisation d’un plastique recyclé aura toujours un meilleur bilan que l’utilisation d’un plastique vierge, même s’il a été recyclé loin de son lieu de collecte.
Quelles questions se pose votre groupe de travail sur les critères de recyclabilité ?
V. C. : Par exemple, nous devons déterminer, pour un pot operculé, si la recyclabilité du pot sera considérée avec opercule ou les deux composants séparément. Les barquettes noires doivent-elles être retenues ? Nous voulons aller assez loin dans les détails, notamment en déterminant si on doit fixer un pourcentage de matériau barrière Evoh à prendre en compte. Aujourd’hui on considère que 65 % des emballages en plastique sont recyclables, 15% disposent de filières de recyclage en développement et les 20% restants ne sont pas du tout recyclables. Pour ces derniers, il s'agit de certains emballages souples complexes (composés de plusieurs matériaux ou plusieurs résines), par exemple, associant plastique et aluminium, comme les paquets de chips. Ils sont aujourd’hui incinérés et valorisés en énergie avec les ordures ménagères.
Les emballages plastiques dits compostables devront-ils aussi être recyclables ?
V. C. : Il restera en 2030 très peu d’emballages compostables autorisés en Europe. Le droit français limite le compostage aux sacs de fruits et légumes et aux dosettes de café.
Décret QCE : les mentions valorisantes d'un emballage doivent être étayées
Selon le décret n° 2022-748 du 29 avril 2022 « relatif à l'information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits générateurs de déchets », chaque produit doit avoir sa « fiche produit des qualités et caractéristiques environnementales ». Les mentions valorisantes doivent être étayées.
Des minima de matière recyclée à intégrer (source IPC)
Le projet de règlement européen PPWR prévoit (article 7) qu’à partir de janvier 2030, les emballages en plastique devront contenir une certaine quantité minimale de matière recyclée récupérée à partir des déchets plastiques post-consommation :
- 30 % pour les emballages destinés au contact alimentaire et fabriqués à partir de polyéthylène téréphtalate (PET) comme composant principal.
- 10 % pour les emballages destinés au contact alimentaire et fabriqués à partir de matériaux plastiques autres que le PET, à l’exception des boissons dans des emballages en plastique à usage unique.
- 30 % pour les bouteilles de boisson en plastique à usage unique ;
- 35 % pour les emballages autres que ceux visés précédemment.
Progressivement, ce pourcentage va augmenter notamment en 2040 où de nouveaux seuils seront fixés.