Cinq leviers pour sortir la filière viande de l’impasse
Inflation, décapitalisation, guerre des prix, déconsommation… la viande française n’est pas épargnée. Le congrès de Culture Viande a été l’occasion de mettre en lumière quelques solutions.
Inflation, décapitalisation, guerre des prix, déconsommation… la viande française n’est pas épargnée. Le congrès de Culture Viande a été l’occasion de mettre en lumière quelques solutions.
Le 21 septembre 2022 s’est tenu le congrès de Culture Viande, rendez-vous où les acteurs des filières viandes françaises ont tiré une nouvelle fois la sonnette d’alarme. La flambée des coûts de production, la décapitalisation du cheptel, la baisse continue de la consommation de viande et les relations conflictuelles avec la grande distribution mettent le secteur de la viande en danger. Si de nombreux soucis ont été mis en évidence, les intervenants ont également évoqué quelques pistes et leviers à actionner afin de sortir la filière de cette spirale. « La viande, il faut y croire », a encouragé Jean-Paul Bigard, président de la commission bovine de Culture Viande.
1 Se protéger contre les hausses de l’énergie
Les hausses des prix de l’énergie pourraient être le coup de grâce pour de nombreuses PME. « Il va falloir bâtir un plan de soutien énergie pour les entreprises agroalimentaires qui font face à un tsunami de coûts industriels », suggère Gilles Gauthier, président de Culture Viande. Le syndicat appelle les pouvoirs publics à adapter certaines mesures existantes telles que l’aide aux entreprises grandes consommatrices d’énergie ayant subi une hausse des coûts du gaz naturel et/ou d’électricité entre le 1er mars et le 31 août 2022. « Nous plaidons pour un rehaussement du seuil des 3 % du chiffre d’affaires en dépenses énergétiques en 2021. Aucune entreprise n’y est éligible. Aujourd’hui, l’énergie représente une surcharge de plusieurs dizaines de centimes d’euro le kilo, ce qui n’est pas supportable pour les entreprises », précise Gilles Gauthier.
2 S’engager dans la contractualisation
« Je demande à toutes les entreprises de s’engager au plus vite dans des démarches de contractualisation qui leur conviendraient au mieux, déclare Gilles Gauthier. Si l’intégration est ce qui correspond le mieux aux entreprises, alors ça sera l’intégration. » Le syndicat appelle à un tel engagement de la part des entreprises afin de sécuriser les revenus des éleveurs et, ainsi, contrer la décapitalisation des cheptels bovin et, dans une moindre mesure, porcin. « Notre production continue de s’amenuiser à un rythme inquiétant de -3 % par mois », s’alarme Gilles Gauthier.
Le cheptel bovin laitier a perdu ces six dernières années 300 000 têtes et le cheptel bovin allaitant en a perdu 450 000, soit un total de 750 000 têtes depuis 2016 (10 % du cheptel de l’époque). Les conséquences sont sévères pour les abattoirs qui affichent des diminutions d’activité comprises entre 6 et 8 %. « L’approvisionnement en viande de nos clients et des consommateurs risque de ne pas être assuré, ouvrant un champ plus large aux importations, avertit Gilles Gauthier. Ces contrats devront être mieux orientés en fonction des demandes de nos marchés. On a déjà perdu la bataille de la décapitalisation du cheptel ovin. Il ne faut pas que ça se produise sur la filière bovine. »
3 Être consulté pour Egalim 3
« J’espère que les industries agroalimentaires de la viande seront davantage consultées pour la construction de la loi Egalim 3 qu’elles ne l’ont été pour Egalim 1 et 2, même si nous avons su faire avec », énonce Jean-Paul Bigard. L’ensemble de la filière nourrit une inquiétude croissante quant à la reprise de la guerre des prix de la grande distribution. « Les appels d’offres recommencent », regrette Gilles Gauthier. Les tensions avec les enseignes sont fortes à cause d’une application des pénalités logistiques que certains considèrent comme « des pratiques de voyous », selon Christiane Lambert, présidente de la FNSEA. « Les pénalités logistiques sont des marges déguisées. Certaines enseignes les prévoient dans leur budget prévisionnel ! » ajoute-t-elle. « J’ai demandé à la DGCCRF de se pencher sur certaines pratiques qui me paraissent peu légales », rassure Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture et de la Souveraineté alimentaire.
4 Exporter davantage
« La France a une réputation imbattable à l’export », avance Diego Canga Fano, conseiller principal à la direction générale de l’agriculture et du développement rural de la Commission européenne. Si les produits français sont en avance sur le développement durable, les rendant plus chers, ils disposent d’une image très avantageuse sur laquelle ils doivent jouer. « La France doit se fixer l’objectif de passer de 13 à 25 % de produits exportés, met au défi Diego Canga Fano. En Europe, nous sommes les meilleurs en matière de qualité, ce qui plaît aux pays tiers » dont la consommation de viande décolle à l’heure où celle-ci stagne sur le Vieux Continent.
5 Miser sur le surgelé
Une enquête de Kantar montre que parmi les raisons majoritaires de déconsommation de viande, le « prix trop élevé » est à la troisième place, ayant gagné 13 points en 2 ans. « Le surgelé pourrait revenir sur le devant de la scène. Le steak frites fait partie des recettes dont la consommation est en croissance sur 2022 », indique Franck Gardillou, chef d’équipe clients World Panel de Kantar France. « Avec l’inflation, les consommateurs se tournent vers des offres économiques », ajoute-t-il. Kantar prédit un retour à la croissance volume des produits surgelés pour 2024 (+0,3 %, après des estimations de -1,8 % pour 2022 et -1 % pour 2023) en parallèle d’une baisse de l’inflation.