Comment réduire sa consommation énergétique ?
Organisées le 6 décembre 2022 à Nantes, les 10es RITT AA ont présenté diverses technologies et méthodes pour aider les industriels à réduire l’impact financier et environnemental de leur consommation d’énergie.
La dixième édition des rencontres d’innovations techniques et technologiques en agroalimentaire (RITT AA) a pris pour thème un enjeu majeur d’actualité et d’avenir pour les entreprises. Le sujet choisi pour ces rencontres par les organisateurs Tecaliman, Oniris, CTCPA et Technocampus Alimentation était « les technologies de l’agroalimentaire qui réduisent l’impact économique et environnemental des énergies ». « Un sujet qui n’a pas toujours mobilisé », a noté en introduction Lionel Boillereaux, directeur délégué du site Oniris de la Géraudière, rappelant un travail ancien d’Oniris sur l’efficacité énergétique en boulangerie, qui avait eu peu d’écho ; le poste énergie n’étant pas suffisant à l’époque. Les temps ont changé.
Lors de ces RITT, les différents intervenants sont venus avec des retours concrets et chiffrés sur leurs innovations, l’objectif de ces rencontres étant d’« installer une culture de la démonstration, plutôt que de la déclaration », a insisté Fabrice Putier, directeur de Tecaliman.
Produire « plus agile » pour moins consommer
La seconde vocation des RITT est d’impliquer des étudiants dans ses travaux. Quatre étudiants d’Oniris ont présenté un large panorama des méthodes à employer et des solutions existantes pour réduire sa facture énergétique en rendant sa production « plus agile ». Afin d’améliorer leur performance énergétique et leur décarbonation, les industriels disposent d’outils, comme la solution digitale centrale Metron (Paris). Danone aurait réduit ses dépenses énergétiques de 7 % sur les sites où le groupe l’utilise.
Autre moyen de réaliser des économies, l’effacement électrique, avec des opérateurs comme le nantais Enerdigit. Cette solution permet de « soulager le réseau en échange d’une rémunération », a témoigné une représentante de Bonduelle, qui coupe ponctuellement ses groupes froids durant deux heures. Les industriels peuvent également ajuster leurs méthodes de production. Les étudiants d’Oniris ont cité l’exemple de Sauces Papillon, vainqueur du trophée Ecotrophelia d’or 2022 avec son pesto conditionné sans traitement thermique, un processus bien moins gourmand en énergie.
D’autres pistes ont été évoquées, comme l’optimisation du stockage des produits congelés ou encore l’utilisation de variateurs de vitesse pour réduire les surdimensionnements, donc la consommation électrique.
Innovations en nutrition animale
Deux industriels fournisseurs de machines pour le secteur de la nutrition animale sont venus présenter des solutions novatrices sur des processus énergivores. Ainsi, le néerlandais PTN (Triott Group), concepteur et fabricant de presses à granulés, a mis au point la Progress MonoRoll série HE, une presse à un seul rouleau, contre deux, voire trois généralement. Les tests menés à Alia2, Ceravis AG et Agruniek ont démontré une réduction de consommation de 2,2 à 3,6 kWh/t suivant les situations. Deuxième poste de consommation électrique derrière la presse, le broyage voit arriver des technologies alternatives aux marteaux. François Monnot, directeur d’Amandus Kahl France, a présenté les avantages énergétiques des broyeurs à cylindres qui combinent forces de compression et cisaillement. Ce procédé, qui peut être combiné au broyeur à marteaux, réduit notamment la consommation électrique du fait de l’absence de système de ventilation.
Solution hydrogène pour la cuisson
Pour les industriels de l’agroalimentaire, la recherche d’une source d’énergie alternative peut constituer une piste. Une illustration a été fournie dans le secteur de la boulangerie, pour lequel AMF Bakery Systems développe des brûleurs alimentés à l’hydrogène. Le four tunnel zéro émission Multibake VITA d’AMF Den Boer est en démonstration au centre d’innovation du groupe aux Pays-Bas. Même s’il a besoin de trois fois plus d’hydrogène que de gaz pour fonctionner, il « suscite l’intérêt de nombre d’industriels », a confié Éric Tellier, directeur commercial Europe du groupe.
Du chaud au froid : Maher Eddé, chef de projets au Pôle Cristal, a donné quelques clés sur les moyens d’améliorer les performances énergétiques et industrielles des processus de refroidissement des produits alimentaires. En insistant sur la méthode et l’intérêt de passer par une préfiguration du processus industriel afin de tester plusieurs technologies et configurations avant de faire les bons choix. Il a détaillé comment Pôle Cristal avait accompagné la coopérative Savéol dans la refonte de sa plateforme de refroidissement des fraises à Plougastel. Deux mois de tests sur la température, la ventilation ou encore la position des palettes, avec un produit de substitution puis des fraises, ont permis de générer « des gains durables à coût limité ».
Retour sur le projet Tank à lait du futur
En 2017, six partenaires, le fabricant de tanks à lait Serap, Pôle Cristal, Lactalis, Terrena, le GIE Élevages de Bretagne et l’Institut de l’élevage, s’engageaient ensemble dans un processus de création d’un refroidisseur de lait économe en énergie.
Maher Eddé, chef de projets au Pôle Cristal, centre de R & D et d’innovation spécialisé dans les transferts thermiques, a choisi d’illustrer les vertus d’un dialogue constructif dans la dynamique d’innovation par le projet Tank à lait du futur. En 2017, six partenaires, le fabricant de tanks à lait Serap, Pôle Cristal, Lactalis, Terrena, le GIE Élevages de Bretagne et l’Institut de l’élevage, s’engageaient ensemble dans un processus de création d’un refroidisseur de lait économe en énergie.
L’objectif initial était ambitieux : générer 80 % d’économies en associant prérefroidissement, récupération de calories et production d’énergie renouvelable (EnR). Quatre ans plus tard, le refroidisseur Opticool et son groupe frigorifique breveté étaient présentés au Space 2021 et commercialisés. Pour parvenir à ce résultat, de nombreuses mesures ont été réalisées en laboratoire et sur la ferme expérimentale de Derval (Loire-Atlantique).
Un premier prototype fonctionnant au gaz réfrigérant R290 (propane) obtenait 75 % d’économies, sans production d’EnR, en activant trois leviers. Le groupe de condensation à haute performance et son système intelligent d’autorégulation généraient 40 % d’économies, auxquelles s’ajoutaient 20 % liées à la présence d’un prérefroidisseur de lait et 15 % dues à l’installation des condenseurs à l’extérieur du bâtiment. Ce prototype dépassait donc les objectifs du projet, mais il utilisait un fluide frigorigène inflammable, entraînant des contraintes de sécurité et des surcoûts liés à la maintenance.
Pour gagner en efficacité opérationnelle, les partenaires ont travaillé sur un second prototype utilisant du R513A, non inflammable, illustrant « l’importance du dialogue » dans les processus d’innovation, souligne Maher Eddé. Les gains énergétiques obtenus au sein d’un Gaec partenaire après l’installation du nouveau tank au R513A sont de 65 % sur le refroidissement, du fait d’un moindre rendement, et de 53 % sur la production d’eau chaude.
Avec sa faible consommation électrique, l’utilisation d’un fluide frigorigène à faible potentiel de réchauffement global et la valorisation de la chaleur récupérée, Opticool annonce une réduction de l’empreinte carbone de plus de 50 % par rapport aux tanks conventionnels équivalents. Et ce avec « un ROI inférieur à cinq ans », précise Maher Eddé. Au final, ce projet collaboratif aura mobilisé un budget de 2,9 M€, dont 2,1 millions pour la phase R & D, avec le soutien financier de l’Ademe, des régions Bretagne et Pays de la Loire.
Hausses de prix : l’agroalimentaire en première ligne
Avec un poste matières premières et approvisionnements pesant 56 % de son chiffre d’affaires, l’industrie alimentaire est « le secteur le plus touché par la flambée des prix de l’énergie », a rappelé Claudine Bras, responsable du département analyse et prospective de Solutions & Co, l’agence de développement économique des Pays de la Loire. Une enquête régionale menée en juin évaluait à 3 sur 5 l’effet de la hausse des prix de l’énergie sur la situation financière des entreprises (tous secteurs confondus). Parmi elles, 15 % se disaient très fragilisées, une situation qui n’a pu qu’empirer. Parmi les filières régionales les plus touchées, Claudine Bras a cité les coopératives laitières, fortement consommatrices en gaz pour fabriquer de la poudre de lait. Les filières carnées sont aussi très touchées. Fleury Michon doit faire face à une hausse de 300 % de sa facture d’électricité sur un an, tandis que Maître Coq estime à 10 millions d’euros l’augmentation de ses dépenses en électricité sur ses sept sites industriels. Dernier enseignement de l’enquête : 82 % des entreprises ligériennes n’ont pas identifié les dispositifs de soutien existants (aides au diagnostic énergétique, à l’investissement…).