Viande
Agneau : quelle stratégie irlandaise après le Brexit ?
Le Royaume-Uni est le deuxième client de l’Irlande pour la viande ovine, derrière la France. Le Brexit est venu chambouler une relation commerciale solide.
Les liens entre la République d’Irlande et son turbulent voisin, le Royaume-Uni, sont importants, y compris dans le secteur de la viande ovine. Les deux pays sont proches, plusieurs grandes entreprises sont implantées dans les deux pays et « les consommateurs britanniques sont très habitués à la viande ovine irlandaise, ils lui font autant confiance qu’à la viande locale », explique Cassandre Matras, cheffe de projets ovins de l’Institut de l’élevage, lors du webinaire Grand Angle Ovin. Les échanges d’animaux vivants sont aussi importants puisque l’Irlande est le premier acheteur d’agneaux vifs britanniques : des agneaux de l’Irlande du Nord sont abattus dans la République d’Irlande.
Diversifier ses débouchés
Les exportations de viande ovine irlandaise progressent depuis dix ans, elles ont augmenté de 65 % entre 2010 et 2020. La France est le premier client de la République d’Irlande, suit le Royaume-Uni. Mais depuis quelques années, l’Irlande développe ses envois vers de nouvelles destinations, européennes ou non. « L’Irlande a la volonté de maintenir ses échanges avec le Royaume-Uni, mais si celui-ci conclut des accords avec d’autres pays, c’est un risque pour la République, qui s’appuie donc davantage sur ses marchés préexistants dans l’UE et cherche à en développer de nouveaux », explique Cassandre Matras. Parmi les marchés prometteurs ainsi identifiés : la Suède, les États-Unis et la Chine. La part du Royaume-Uni dans les exportations irlandaises recule donc, elle est passée de 25 % en 2019 à 21 % en 2020.
Des perturbations encore à venir
Début 2021, l’Irlande n’a pas échappé aux perturbations liées au Brexit. Le commerce était déjà difficile depuis le référendum, à chaque date de possible sortie de l’UE, les opérateurs irlandais exportaient de gros stocks chez leur voisin par précaution. C’était encore le cas en décembre, d’où une baisse des envois en début d’année. De plus, les disponibilités irlandaises sont pour l’heure assez limitées. «La production irlandaise est en baisse malgré un cheptel en hausse, car les éleveurs ont été très prudents, craignant une sortie sans accord et une rupture de leurs débouchés », décrypte Cassandre Matras.
Selon le dernier recensement publié par l’office irlandais de la statistique, le cheptel ovin comptait 3,9 millions d’animaux fin 2020, soit 1 % de plus qu’un an plus tôt. Le nombre de brebis progressait de 2 %, quelle que soit la catégorie d’âge considérée.
Mais tout laisse à penser que les disponibilités vont aller en s’étoffant, car les prix de l’agneau sont rémunérateurs et que la filière irlandaise est dynamique et a su recruter des nouveaux éleveurs, plus jeunes. Néanmoins, l’horizon reste assez peu lisible. Le Royaume-Uni devrait probablement commencer à signer des nouveaux accords commerciaux, notamment avec la Nouvelle-Zélande. Si celle-ci obtient un contingent à droits nuls élevés pour exporter sa viande ovine vers le Royaume-Uni, la concurrence pourrait être rude. Et pour la viande irlandaise, même sans droits de douane, il y a désormais des frais supplémentaires liés à la sortie de l’Union européenne.