Salaisons et charcuteries : l’intérêt des porcs français
Les fabricants de salaisons sèches et de charcuteries se fournissent très largement en viande de porc de France. Mais si le logo VPF plaît au consommateur, d’autres motifs déterminent ou pourraient déterminer les achats des industriels.
Les fabricants de salaisons sèches et de charcuteries se fournissent très largement en viande de porc de France. Mais si le logo VPF plaît au consommateur, d’autres motifs déterminent ou pourraient déterminer les achats des industriels.
L’approvisionnement auprès des producteurs de porcs français, « c’est dans l’ADN de Debroas », affirme Émile Dutertre, le directeur général du groupe salaisonnier familial implanté en Ardèche, dans l’Aveyron et en Savoie. « Mon père était fils de paysan », explique-t-il. Qu’il s’agisse des marques propres de saucissons de Debroas ou des marques de distributeurs, les pièces de porc achetées sont 100 % françaises. « Nous commandons régulièrement des viandes fraîches, jamais congelées, toujours aux mêmes fournisseurs », souligne Émile Dutertre. Le groupe Debroas a un contrat d’approvisionnement avec Le Cochon de Bretagne, en quantité et qualité, correspondant notamment au cahier des charges de l’IGP Ardèche. Interrogé sur la probable diminution de l’offre de porcs castrés du fait de l’interdiction de la castration à vif des porcelets, le dirigeant de cette entreprise labellisé PME+, par la Feef, craint d’avoir à « subir » la situation. En effet, la fabrication de saucissons secs réclame une fermeté de gras qui manque aux porcs non castrés.
La société charcutière sarthoise Bahier, pour sa part, se fournit en porc label Rouge auprès de Vallégrain. « La société Vallégrain nous avait contactés lors de la mise en place de leur filière label Rouge. Et nous avons décidé de lancer une référence de rillettes label Rouge », relate Karen Malherbe, responsable aux achats. Les rillettes, boudins, produits de tête fabriqués par Bahier sont en grande majorité en porc français, mais n’affichent pas le logo Viande de porc français (VPF). « Nous privilégions l’origine française, dont Bleu-Blanc-Cœur, mais notre volume de production (17 000 tonnes dans une seule usine, NDLR) nous impose de compléter notre approvisionnement dans les pays limitrophes », explique Julie Gallego, chargée de communication. Quant au filet mignon tranché de Bahier, élaboré à partir de viande de coche, « à ce jour, la matière française n’est pas disponible en quantité suffisante pour répondre à notre besoin », note Karen Malherbe, l’acheteuse.
Les industriels de la salaison ou de la charcuterie peuvent éventuellement choisir les viandes issues de La Nouvelle Agriculture de Terrena, ou de la démarche Bien Produire Bien Consommer d’un collectif d’éleveurs de la même coopérative, proche des abattoirs Socopa. Ce collectif propose aux transformateurs des animaux élevés sans traitement antibiotique (depuis la naissance), selon des critères certifiés de bien-être animal, de durabilité et d’alimentation aux céréales françaises.
Le prix, grand motif d’achat à l’étranger
De telles initiatives d’éleveurs encouragent à établir des contrats multipartites d’approvisionnement, encore très minoritaires selon la Fédération des industriels de la charcuterie (Fict), mais que celle-ci encourage. Or, à la mi-janvier, l’industrie s’inquiétait de la tournure des négociations dans la grande distribution. Fabien Castanier, délégué général de la Fict, craignait que les distributeurs n’obtiennent des réductions de prix en vertu de la baisse du prix du porc sans tenir compte de l’inflation de l’électricité, des emballages, des salaires et autres charges. Ces clients feraient alors un mauvais usage de la loi Egalim 2, selon lui. « Il ne faudrait pas que l’origine des viandes soit le seul levier de maîtrise des coûts dans les entreprises, espère Fabien Castanier, sachant qu’elles doivent rester capables d’investir pour répondre aux demandes sociétales. »
Vincent Courtey, responsable commercial de la Cooperl, sait que le prix est le grand motif d’achat à l’étranger pour la salaison. « Par camion complet, une économie d'un euro au kilogramme de jambon couvre très largement le coût du transport, qui revient à environ 10 centimes par kilogramme », explique-t-il.
Disposer de porcs castrés
La Fict, pour sa part, établit qu’un tiers des besoins des fabricants français de jambon doit être importé par manque de production française. Aussi, la fédération est-elle convaincue de l’intérêt des salaisonniers et charcutiers à soutenir la production française de porcs. Et aussi de l’intérêt des producteurs de jambons secs de disposer de jambons de porcs castrés, car enveloppés d’une couche suffisante de gras.
Pour autant, de nombreux produits ne sont pas VPF en magasin. Quelques exemples : les tranches de saucisson Cochonou, la saucisse et les bâtonnets Justin Bridou et le chorizo, le filet traité en salaison Saint Agaûne de l’Alliance Océane (Savencia Gourmet), les mini-saucissons Galibier, le saucisson sec aux cèpes, Le Pelou et la noix de jambon de la marque de Corrèze Mazerat, le saucisson sec de qualité supérieure et la saucisse sèche de jambon extra de Carrefour ou le saucisson premier prix d’Auchan.
Un tour des rayons de salaisons sèches
Simulateur
Différentiel de coût entre mâle castré et entier
Une méthode objective de calcul du coût d’élevage selon la stratégie consécutive à l’arrêt de la castration à vif : Sim’Alter de l’Ifip.
Carcasses odorantes : les acheteurs auront une garantie
Uniporc Ouest termine les tests d’odeur des carcasses de porcs mâles non castrés dans les abattoirs Holvia Porc (groupe Terrena) et Groupe Jean Hénaff, informe Gilles Nassy, directeur du pôle viandes fraîches et produits transformés de l’Institut du porc (Ifip). Le garant de la pesée et du classement des carcasses dans huit régions met au point avec l’Ifip le protocole sans mâles odorants (Sanmalo), afin de le normaliser pour que tout abattoir puisse détecter objectivement les carcasses odorantes. « D’autres abatteurs se préparent, complète Gilles Nassy. Il leur faut sélectionner et former deux personnes au moins par chaîne : l’une chauffe et note, l’autre renifle ; les rôles s’intervertissent au bout d’une demi-heure ». Cela, quelle que soit la vitesse de la chaîne. « Le test se fait à la volée, jusqu’à une cadence de 700 carcasses par heure, assure-t-il. La Cooperl, qui emploie une méthode proche, et les abatteurs allemands ont des chaînes qui tournent très vite. » On compte 1 à 2 % de carcasses odorantes parmi les mâles entiers. La contrainte est humaine pour les abattoirs qui doivent spécialiser au moins deux opérateurs. « Si le nez humain est remplacé demain par une machine, elle coûtera très cher », prévient Gilles Nassy.