Pourquoi la filière brebis laitière se sent oubliée
France Brebis laitière (FBL) a renouvelé son appel d’urgence aux autorités pour aider financièrement les éleveurs d’ovins lait. Avec l’inflation des matières premières agricoles, ceux-ci ne parviennent plus à dégager de revenu.
France Brebis laitière (FBL) a renouvelé son appel d’urgence aux autorités pour aider financièrement les éleveurs d’ovins lait. Avec l’inflation des matières premières agricoles, ceux-ci ne parviennent plus à dégager de revenu.
L’association nationale interprofessionnelle France Brebis laitière (FBL) a tenu son assemblée générale le 4 avril dernier, à Saint-Étienne-de-Baïgorry, au cœur de la montagne basque. Du fait de la présidence tournante, Sébastien Rossi, Corse, représentant du collège des producteurs, a laissé sa place à Beñat Saint-Esteben, Basque, du collège des coopératives, en regrettant de ne pas avoir réussi à convaincre les autorités de la spécificité de la crise ovine laitière.
Rappelons que l’association est constituée des producteurs – représentés par l’Association nationale des éleveurs ovin lait (Aneol) –, des coopératives – représentées par La Coopération agricole laitière – et des industriels – représentés par la Fédération nationale des industries laitières (Fnil). Malgré une forte participation des acteurs de la filière, avec une soixantaine de personnes ayant fait le déplacement, aucun élu n’était présent pour entendre l’alarme sonner.
Il manque 184 €/1 000 litres de lait
Grâce aux indicateurs économiques publiés par l’Institut de l’élevage et la filière, les chiffres constatent la gravité de la crise économique du secteur : les coûts de production ont augmenté entre octobre 2021 et septembre 2023 de 17,2 % dans le bassin occitan et de 16 % dans le bassin pyrénéen (à partir des données Inosys), « même si les charges se stabilisent en 2024, elles ne reviennent pas à leur niveau d’avant la crise », a précisé Sébastien Rossi, président de l’Aneol.
En parallèle, les prix du lait ont certes augmenté, mais que de 14 %, « insuffisant pour compenser l’augmentation des charges ». Il manque 184 €/1 000 l. Ainsi, selon les estimations de l’Institut de l’élevage, la rémunération des éleveurs a chuté de plus d’un tiers en deux ans : passant 1,3 Smic à 0,9 Smic en Occitanie et de 0,8 Smic à 0,5 Smic dans les Pyrénées-Atlantiques.
Moins de consommation de lait de brebis
À cette inflation des charges s’ajoute une dégradation de la consommation. Les laiteries affirment ne pas pouvoir mieux rémunérer leurs livreurs, dans un contexte de baisse du pouvoir d’achat des consommateurs. Ces derniers se détournent des produits de qualité. Or les produits à base de lait de brebis sont « très majoritairement positionnés sur un segment haut de gamme : fromages sous AOP ou IGP ou fromages traditionnels, yaourts, produits bio… », rappelle Sébastien Bouyssière, animateur de FBL.
« De plus, on constate une descente en gamme, avec un report de consommation sur les produits à base de lait de vache, moins onéreux », a résumé Jean-Marc Chayrigues, du collège de l’industrie laitière. En effet, la consommation de produits au lait de brebis a subi le décrochage le plus marqué parmi les produits laitiers, moins 7 % en 2022 et moins 5 % en 2023, à hausse de prix équivalente.
Une différence de traitement revendiquée
Malgré leurs rencontres avec le ministre de l’Agriculture et des élus de tous bords, les représentants de la filière demeurent très déçus par les mesures du gouvernement qui ne tiennent notamment pas compte de cette caractéristique de la consommation. Les effets sont déjà visibles avec une accélération des cessations d’activité de plusieurs points de collecte. Les dernières données connues pour le début de la campagne 2023-2024 montrent une baisse du nombre de points de collecte de près de 7 %, contre une restructuration (baisse tendancielle du nombre d’élevages ovins) moyenne de l’ordre de 2,5 % /an en moyenne sur la décennie.
Par conséquent, FBL demande un plan de soutien d’urgence, spécifique pour les éleveurs ovins lait, de l’ordre de 30 millions d’euros. Son argument réside dans le fait que si les pouvoirs publics veulent soutenir une production agricole française de qualité et majoritairement agropastorale, qui valorise et préserve de la désertification des territoires difficiles, leur réponse doit être adaptée à cette filière. « Sinon, ils peuvent s’attendre à de nouvelles actions », menace le représentant des éleveurs.
Il faut une interprofession nationale
Les représentants des éleveurs comme des laiteries ont bien mis en avant l’exemplarité des performances environnementales et de durabilité de la production ovine. Pour preuve FBL déploie cette année, la Charte lait brebis France, qui concerne autant l’amont que l’aval. Parmi les points de cette charte pour les éleveurs : le pâturage, la période de non-traite, l’élevage des agneaux au pis, l’autonomie alimentaire…
La filière a le sentiment d’être trop petite et la qualité de ses produits méconnue pour être entendue par les pouvoirs publics, qui réclament un seul interlocuteur par filière. L’association FBL, en complémentarité avec les interprofessions régionales*, aspire donc à se renforcer en obtenant sa reconnaissance en qualité d’interprofession nationale. Espérant ainsi mieux se faire entendre et peut-être, mais ce n’était pas dit, appeler des cotisations volontaires obligatoires sur tous les élevages de tout le territoire, afin de se doter de davantage de moyens pour répondre aux nouveaux enjeux.