« Nous gagnons 2,32 Smic à deux avec des Romane dans le piémont pyrénéen »
Dans les Hautes-Pyrénées, Marion Lassalle et Yannick Helip conduisent une troupe de brebis allaitantes en optimisant la ressource en herbe, entre prairies et estives, tout en réduisant les charges au minimum.
Dans les Hautes-Pyrénées, Marion Lassalle et Yannick Helip conduisent une troupe de brebis allaitantes en optimisant la ressource en herbe, entre prairies et estives, tout en réduisant les charges au minimum.

Marion Lassalle et Yannick Helip se sont installés en connaissance de cause. Ces deux ex-techniciens ovins ont franchi le pas respectivement en 2017 et 2021 et sont devenus éleveurs d’ovins allaitants à Ferrières, à l’extrême ouest des Hautes-Pyrénées. « Au démarrage, nous étions bergers sans terre », se remémore Yannick Helip.
En 2021, avec l’arrivée de Yannick Helip sur l’exploitation et l'achat d'une propriété et de 14 ha à 300 mètres d'altitude, la bergerie de 800 m² est construite. Cela permet d'accueillir les 280 brebis du troupeau, ainsi que la soixantaine d’agnelles de renouvellement et les huit béliers.
« Une conduite économe et rigoureuse permet d’avoir un troupeau résilient et productif et de vivre de son métier »
« Le choix de la Romane s’est fait logiquement : nous avions besoin de produire beaucoup d’agneaux pour pouvoir vivre à deux de notre activité mais nous ne pouvions pas augmenter considérablement le cheptel, faute de place dans la bergerie, et faute de surfaces de pâturage. Nous nous sommes donc tournés vers une race prolifique que je connais bien, pour avoir été technicien de l’organisme de sélection », développe Yannick Helip.
14 hectares pour 280 brebis

Sa compagne et associée explique : « Les brebis sont 100 % à l’herbe. Elles restent au maximum deux mois en bergerie autour de la mise bas. Nous nous efforçons de maximiser notre autonomie alimentaire, même si nous sommes en zone de piémont, avec peu de surface. » Les éleveurs comptent sur 14 hectares en propriété sur lesquels le stock fourrager est effectué ainsi que la lactation des brebis et la période de lutte.
En complément le troupeau se déplace de novembre à février sur 30 à 40 hectares de surfaces extérieures à l’exploitation appartenant à d’autres éleveurs ne valorisant pas le pâturage hivernal et souhaitant faire entretenir leurs parcelles. Hormis en estive, le troupeau est systématiquement conduit en pâturage tournant dynamique en filets électrifiés.
« On recherche des prairies bien équilibrées, avec des plantes riches en cellulose qui retiennent les brebis un moment », précise Yannick Helip.
Le fourrage produit sur l’exploitation (environ 50 tonnes) permet au Gaec d’atteindre les 90 % d’autonomie fourragère. Côté concentré, tout est acheté dans le commerce. À l’année, l’herbe pâturée représente 57 % de la ration des brebis, auxquels s’ajoutent 18 % pour l’herbe récoltée, 9 % pour les fourrages achetés et 16 % pour les concentrés, principalement du maïs et l'aliment des agneaux. « On ne fait pas d’enrubannage, car nous avons essayé une année mais il était trop sec et inutilisable », déplore Yannick Helip.
Des Romane qui transhument
Les exploitants possèdent également 10 hectares de parcours autour de la ferme et bénéficient d’estives collectives, à une vingtaine de kilomètres de l’exploitation. « Nous faisons tous les trajets hivernaux entre les parcelles à pied, avec juste une petite bétaillère de quarante places pour les petits lots. La transhumance se fait également à pied et nous quittons complètement l’exploitation le temps de l’estive, car notre maison devient un gîte durant l’été. Nous avons investi dans une cabane pour la garde en montagne », explique Marion Lassalle.

En plus d’avoir choisi une race peu répandue dans les Pyrénées, les éleveurs ont misé sur un système de conduite de troupeau original, que l’on voit rarement avec de la Romane. En effet, on imagine peu cette race crapahuter en montagne. Et pourtant. « L’estive avec les Romane, ça le fait ! Il faut être assez vigilant car il y a plus de risque d’avoir des problèmes de pattes. Et les brebis ne prennent pas vraiment de l’état en estive. Notre premier objectif avec l’estive c’est de compléter notre planning fourrager à l’année. » Les éleveurs reconnaissent avoir beaucoup de boiteries sur le troupeau, ils vaccinent contre le piétin et utilisent un pédiluve liquide.
Vers une baisse réfléchie de prolificité
Le taux de prolificité du troupeau s’élève à 244 % tandis que le taux de productivité est de 206 %. « Nous aimerions diminuer un peu la prolificité car les portées triples donnent du travail supplémentaire et la bergerie est un peu juste en place au pic d’agnelage. » D’après les éleveurs, qui pratiquent l'allaitement triple sur leurs brebis, à peu près un tiers parvient à nourrir les trois agneaux, un tiers doit être aidé et un tiers en abandonne un.
Il n’y a qu’un agnelage par an, de la fin février à début mars, avec un sevrage fin mai. Les éleveurs font systématiquement des échographies pour du constat de gestation et du dénombrement. Petit bémol, « les techniciens du coin ne sont pas habitués au Romane et on observe autour de 60 % d’erreur sur le dénombrement », souligne l’éleveur. En moyenne, l’exploitation compte autour de 500-550 agneaux nés, avec une mortalité comprise entre 12 et 15 % selon les années.
Reproductrices et agneaux de boucherie

Sur les 350-400 agneaux commercialisés, une soixantaine est vendue en direct à une centaine de clients locaux et une livraison sur le bassin de Toulouse et dans l’Aude. Ils sont abattus à 20 kilomètres à vol d’oiseau de la ferme (mais 50 kilomètres par la route), à Laruns, dans les Pyrénées-Atlantiques, et découpés à façon par un boucher. Les autres sont vendus finis à la coopérative Amatik ou pour l’engraissement.
En plus de la commercialisation des agneaux de boucherie, les éleveurs sont adhérents à l’OS Romane et sont multiplicateurs. Ils vendent donc des agnelles reproductrices de 36-37 kilos à 180 euros l’animal. « Nous avons été embêtés sur l’année avec la MHE. Pour vendre les agnelles vers le nord-est, où nous avons des clients, il nous aurait fallu faire des tests PCR onéreux, ce qui aurait augmenté nos charges et donc le prix de vente », appuie Yannick Helip. Le cheptel du Gaec Hountagnère a été vacciné contre la FCO8 et la FCO3.
En optimisant la ressource fourragère et en limitant les charges, le couple d’éleveurs parvient à se rémunérer à hauteur de 1,16 Smic chacun. « Nous n’avons pas de gros matériels, en dehors du pick-up, un tracteur et la petite bétaillère. Nous déléguons tous les travaux des champs, ce qui nous permet de dégager du temps de travail dédié au troupeau. Cette conduite précise et économe nous a permis d’atteindre nos objectifs de revenu, soit 35 000 à 40 000 euros par an, malgré les 18 000 euros d’annuité »», concluent Marion Lassalle et Yannick Helip.
Un système herbager en zone loup
Autre cause d’inquiétude pour les éleveurs, la présence du loup sur le territoire depuis 2021. « Cette année-là, nous avons cinq attaques, dont trois attribuées au loup et deux à des chiens errants. Le loup est présent aussi bien à côté de la ferme que sur l’estive… », décrit Yannick Helip.

Les éleveurs achètent quatre chiens de protection des troupeaux et investissent à cette période dans une vraie cabane d’estive. « Avant nous n’avions qu’un logement de trois mètres carrés, héliporté en cas d'urgence », sourit Marion Lassalle.
Davantage de parasitisme avec les parcs de nuit
Avant le loup, les brebis étaient lâchées dans la montagne et les éleveurs allaient au troupeau tous les deux jours. Dorénavant, la garde est quotidienne et Marion Lassalle et Yannick Helip prennent leurs quartiers sur l’estive.
« Il n’y a pas eu d’attaques depuis que nous avons revu le système. Mais le parasitisme a augmenté du fait du parcage nocturne quotidien des brebis toujours au même endroit », regrette l’éleveuse.