Volaille
Un morceau de poulet source de discorde
L’accord d’association Ukraine UE-28, en cours de négociation prévoit un quota supplémentaire de 50 000 tonnes à droit d’entrée nul au poulet ukrainien. L’enjeu principal des contingents accordés se joue sur un morceau atypique : la poitrine de poulet non désossée.
L’accord d’association Ukraine UE-28, en cours de négociation prévoit un quota supplémentaire de 50 000 tonnes à droit d’entrée nul au poulet ukrainien. L’enjeu principal des contingents accordés se joue sur un morceau atypique : la poitrine de poulet non désossée.
Depuis quelques années, les importations de poitrines de poulet non désossées ne cessent de croître sur le marché européen. En 2017, ces morceaux représentaient environ 35 % des exportations ukrainiennes, contre seulement 8 % en 2016. « C’est une croissance exponentielle », s’exclame Yann Brice, délégué général de plusieurs interprofessions avicoles (Anvol, Cidef, CIPC et Cicar). Pour cause, cette catégorie quelque peu atypique ne figurait pas dans l’accord d’association qui stipulait deux contingents d’accès au marché communautaire : 20 000 tonnes de poulets entiers congelés et 16 000 tonnes de viande de volailles et préparation (jusqu’à 20 000 tonnes en 2021).
Les opérateurs ukrainiens ont ainsi pu détourner légalement ces deux contingents en exportant des poitrines désossées vers leurs propres usines de transformation situées en Europe (d’abord au Pays-Bas, puis en Slovaquie, ensuite en Pologne et en Hongrie).
Des exportations ukrainiennes en croissance exponentielle
La poitrine de poulet pouvait alors être désossée et estampillée comme un produit d’origine européenne. À noter qu’en France, la part de poulets importés (toutes destinations confondues) progresse chaque année. Elle pèse désormais 43 % de la consommation française, contre 41 % en 2016. L’interprofession s’alarme de cette situation et est d’autant plus offusquée par le soutien de la Banque européenne de reconstruction et de développement (Berd) au leader industriel du poulet ukrainien MHP. Elle fait actuellement pression sur la Commission pour tarir la source de ces envois, mais les négociations sont toujours en cours.
Une compétitivité menaçante
La situation est d'autant plus inquiétante que la production ukrainienne jouit d’une bonne compétitivité prix. Selon l’Idele, les coûts de production ukrainienne sont inférieurs de 29 % à ceux de la France et de 19 % à ceux de la Pologne. Le pays concurrence même le Brésil, l’un des premiers producteurs mondiaux de poulets. Le coût de la main-d’œuvre et des abattages sont faibles. L’Ukraine est aussi indépendante en matière d’alimentation animale. De plus, la structuration fortement intégrée de l’industrie et l’intégration de nouvelles technologies permettent des économies d’échelle.
Avec 1,2 million de tonnes de poulets abattus en 2017, l’Ukraine devance la production française (1,1 million de tonnes). Cependant le marché ukrainien subit un marché intérieur déprimé. Le développement de la filière poulet ukrainienne repose donc principalement sur le marché de l’exportation. Après la fermeture du marché russe en 2014, l’Ukraine a eu comme stratégie d’orienter ses exportations vers d’autres destinations dont l’UE.
En 2015, les exportations vers l’UE étaient estimées à 42 000 tonnes et elles sont prévues à 140 000 tonnes en 2019. Toutefois la progression de la PPA en Asie, pourrait modifier le flux des échanges. La croissance de la demande asiatique est plus importante qu’en Europe, de quoi réorienter les flux ukrainiens vers l’Asie. Mais pour Yann Brice, ce n’est pas gagné, car les procédures d’agréments vers la Chine sont longues et difficiles.
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