Fraude
Un marché illégal de gaz réfrigérants identifié
Alors que l’utilisation des gaz HFC diminue en Europe et que leurs prix augmentent, un commerce parallèle illégal s’est mis en place, proposant du gaz réfrigérant en provenance de Chine à des prix très attractifs aux entreprises européennes.
Dans le cadre du pacte vert qu’entend mener l’UE vers la neutralité carbone, la réglementation F-gaz instaure des quotas visant à réduire progressivement l’utilisation des hydrofluorocarbures (HFC), gaz réfrigérants à effets de serre très puissants. Utilisés notamment pour des vitrines frigorifiques des GMS, climatisation de bureaux ou de voitures et pour de nombreux autres systèmes frigorifiques, ces gaz sont fortement réglementés et soumis à des quotas lors de leur entrée sur le continent européen.
L’ambition de l’Union européenne est de réduire l’utilisation des HFC de 80 % d’ici à 2030. « La diminution progressive de la disponibilité de ces gaz doit amener les acteurs à se tourner vers des solutions moins impactantes pour l’environnement », précise Mélanie Jourdain, porte-parole du Comité technique européen sur le fluorocarbone (EFCTC). Or, le cabinet Oxera Consulting LLP a mis en évidence l’existence d’un commerce illégal de gaz HFC qui pourrait atteindre un volume de 34 millions de tonnes équivalent (téq) CO2. « La taille de ce marché noir reste inconnue, car il n’y a pas de données officielles », commente Mélanie Jourdain.
Du gaz HFC vendu en emballage jetable doit alerter
Les données d’Oxera ont révélé un écart de 19 millions de téq CO2 en 2018 entre les exportations déclarées de la Chine vers l’UE et les données d’importations chinoises en Europe. La société a aussi identifié une hausse de 40 % des exportations chinoises de HFC vers les pays voisins de l’UE tels que les États Balkans, l’Ukraine ou encore la Turquie. L’excédent observé atteint 15 millions de téq CO2. « Nous craignons que ces produits trouvent un moyen de réintégrer la supply chain légale sans qu’il y ait eu de contrôle de qualité. Cela peut poser de nombreuses questions de sécurité et de santé », souligne Mélanie Jourdain. Le comité EFCTC a travaillé avec la société privée d’investigation Kroll qui a identifié un trafic important en ligne avec des prix défiant toute concurrence pour des produits conditionnés dans des emballages non consignés. « Du gaz HFC vendu dans un emballage jetable doit alerter les acheteurs ! L’interdiction de ce type d’emballage participerait à la régulation de ce commerce. Une coopération entre les industries et les autorités européennes est nécessaire ».
La plateforme Action Line pour dénoncer toute activité suspecte
Le comité EFCTC a mis en ligne sur son site Internet une plateforme Action Line, afin que chacun puisse faire part de soupçon d’une activité suspecte en rapport avec l’approvisionnement de gaz HFC. « Nous cherchons aujourd’hui à sensibiliser toute la chaîne de valeur sur l’existence de ce commerce illégal », conclut Mélanie Jourdain.
Des pistes pour limiter ces importations illégales
« Des alternatives au gaz HFC existent aujourd’hui, les entreprises doivent se renseigner auprès de fournisseurs certifiés. Certains gaz HFC ont un effet de serre moindre ; les gaz HFO ont un effet de serre proche du CO2 », explique Mélanie Jourdain. L’EFCTC plaide pour une mise en place de pénalités dissuasives, « ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Celles-ci doivent être harmonisées entre les États membres de l’UE ». Le comité souhaiterait également accélérer la mise en place du « single window », un portail auquel les douanes pourront avoir accès afin de vérifier en temps réel les quotas d’entrée de gaz HFC en Europe. « Les contrôles aux frontières pourront déterminer si oui ou non telle ou telle entreprise est dans son droit en achetant ce gaz », illustre Mélanie Jourdain.